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LSM Online Reviews / Critiques

 

Critiques de La Scena Musicale Online. [Index]


 

Extra-Ordinaire!

Jeudi 4 mai, Toronto, George Weston Recital Hall
Andrei Gavrilov : piano
J.S. Bach : 1er livre du Clavier Bien Tempéré, 12 premiers préludes et fugues
I.Scriabin : 7 préludes, Sonate N 4 op. 30
S. Rachmaninov : Moment musical op. 16 N 3
S. Prokofiev : extraits de Roméo et Juliette
En bis, de S. Prokofiev : Suggestions diaboliques

Sur bien des points, le récital d'Andrei Gavrilov a dépassé les limites de l'ordinaire ce soir-là. Après avoir expliqué son changement de programme (Bach au lieu de Chostakowitch), il a attaqué sans ambages le premier prélude et a poursuivi son exploration du Clavier bien tempéré avec la partition, tel son maître, feu Sviatoslav Richter. Dès le début, il séduit par son toucher de velours et étonne par son utilisation de la pédale, faisant plutôt référence à l'univers de l'orgue qu'à celui du clavecin. L'ensemble avance finement, mené par une pulsation intérieure (mais aussi extérieure, parfois) et par une intelligence synthétique de chaque structure, à la fois contrapuntique et harmonique. Lorsqu'il advient que quelques notes ne soient pas à leur place, le caractère de recréation voire d'improvisation de Gavrilov n'en devient que plus évident. Non moins extraordinaire est sa manière de partager Bach avec le public : un jeu d'enfant, un centon d'aphorismes récité pour son auditoire avec autant de complicité que de légéreté, un clin d'oeil par ici, un geste auguste par là ou un sourire au tourneur de page; Gavrilov n'hésite pas à scruter la salle entre deux pièces pour s'assurer que chaque personne est bien avec lui. Il est le type même du pianiste qui n'a pas besoin de se forcer pour jouer. Il y prend du plaisir et le montre. Avec les compositeurs russes, Gavrilov s'est pourtant mué en un autre personnage, plus concentré mais aussi plus diabolique comme pour mieux transcender son florilège de préludes et la 4ème sonate de Scriabine, dont le second mouvement était rien moins qu'époustouflant. Après un moment musical de Rachmaninov très intériorisé, il a conclu avec un Prokofiev brillant et expressif. Lorsque l'on écoute Gavrilov les yeux fermés, tout semble à portée de main. Sa présence scénique est telle qu'elle vous pénètre jusqu'aux os. Non, rien d'ordinaire dans ce récital.

- Stéphane Villemin.




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