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Laissons les restes de la Marche de Chopin en paix

By Norman Lebrecht / le 10 avril 2002


[English Version: Let Chopin's dirge rest in peace]

Alors que le cortège de la reine mère arrivait de son pas majestueux et affligé au coeur de Westminster, mon oreille s'est fermée comme une huître offensée. Pas cette maudite marche denouveau, protestait-elle. Personne n'est-il capable de composer un meilleur morceau d'adieu que ce morne troisième mouvement de la Sonate n°2 en si bémol mineur de ce rabat-joie de Frédéric Chopin ? Le tam-tam-ta-tam de cette Marche Funèbre est l'accompagnement inexorable et obligé des deuils officiels. Son bruit sourd a accompagné le dernier voyage de chaque président assassiné de William MacKinley en Septembre 1901 jusqu'à John.F.Kennedy en Novembre 1963. Thomas Alva Edison était si frappé par sa solennité que son usine sortit de terre un enregistrement par une fanfare de l'implacable et pesante marche aussi tôt que 1906.

Aucune donnée ne nous informe de la date à partir de laquelle la marche devint obligatoire. Lors des propres funérailles de Chopin en 1849, le tout Paris s'est pressé à l'écoute du Requiem de Mozart, dans laquelle la défunte marche Funèbre était insérée en guise d'Introït. L'orchestration était de Napoléon-Henri Réber - du Conservatoire.

La marche a gagné en popularité dans les classes à la mode, sans surprise, puisqu'elle ne consiste en rien moins qu'une progression de deux accords suivie d'un simple thème. Votre enfant de 10 ans est capable de la rendre de façon à peu près correcte sur le piano, les sonneries de régiments peuvent allègrement en distordre le rythme pour garder l'infanterie au pas.

Ses mérites musicaux étaient discutables dès le départ. Robert Schumann, qui a initialement acclamé Chopin par ces mots « Chapeau bas, messieurs, un génie », s'est récrié devant la marche jugée « repoussante » et jurant avec le reste de la sonate. Il conseilla à Chopin de la remplacer par un Adagio en Ré bémol Majeur pour préserver l'architecture tonale de l'oeuvre.

Schumann avait tort la sonate entière repose sur cette morbide section mais le pauvre Schumann n'eut à entendre le thème qu'une poignée de fois avant de sombrer dans la folie la plus complète. Un critique moderne y sera quant à lui exposé des centaines de fois et davantage avant même d'obtenir le droit d'être emmené au son de ce lugubre tam-tam-ta-tam.

L'arrangement le plus joué aujourd'hui est celui de sir Elgar, qui le commit en 1932 pour une somme de 75 livres.

Le vieil homme souffrait à l'époque d'une période de sécheresse créative et s'en est trouvé réduit à la piraterie. Il a confié à un critique qui passait qu'il aurait plutôt dû écrire une nouvelle symphonie de lui - non qu'elle aurait été jouée même moitié moins aussi souvent.

L'attachement que l'on porte à cette pièce laisse perplexe. La partition de Chopin a 162 ans, celle d'Elgar en a plus de 70, et pourtant prévaut leur solennelle ubiquité : Joseph Staline, Le Roi Farouk d'Egypte et la Reine mère Elisabeth ont toutes été escortés avec le même chant d'adieu. Quelqu'un, quelque part, devrait bien pouvoir se présenter avec une déploration plus contemporaine.

Les américains, pour le moins, ont essayé. Il n'y a aucun témoignage de ce que Chopin ait été joué aux obsèques de Lincoln. A la place, les musiciens locaux ont apportés leur propre Lincoln Marche à chaque étape du convoi du train menant le président dans son ultime voyage vers Springfield, Illinois. M. CH. Bach dirigea un chant funèbre à Milwaukee, M. George Root à Chicago. Les retombées financières de la vente de ces pages de musiques furent excellentes, mais aucune de ces élégies n'est passée à la postérité.

Lorsque le président Roosevelt est mort en 1945, une orchestration de l'Adagio du quatuor en si mineur de Samuel Barber fut jouée pour ses funérailles. Cette façon américaine de pleurer ses morts a rapidement fait flores, que ce soit dans la bande son du film d'Oliver Stone sur le Vietnam, Platoon, ou comme morceau d'ouverture de la saison pour presque toutes les salles de concert américaines une semaine ou deux après l'outrageterroriste de Septembre dernier.

Lors des funérailles de Robert Kennedy, Leonard Bernstein introduisit l'Adagietto fantomatique de la Cinquième symphonie de Gustave Mahler que Luchino Visconti a par la suite emprunté pour son film Mort à Venise. Les deux applications sont inappropriées dans le sens où Mahler a écrit le passage comme une lettre d'amour et non une lamentation. Quelque soit l'événement, ni un Adagio ni un Adagietto ne conviennent pour marcher en cortège.

Et ainsi les recherches continuent pour trouver un substitut à Chopin. La plus belle lamentation jamais écrite par un compositeur anglais est l'Ode pour Didon d'Henry Purcell. Cela aurait fait sans doute un meilleur chant d'adieux royal que les cliquetis moroses d'un polonais phtisique. Les présidents américains devraient prendre en considération The Unanswered Question de Charles Ives (1906), ou le tribut élégiaque de Morton Feldman à son professeur de piano, Madame Press Died Last Week at Ninety (1971).

Le minimalisme est infiniment propice à la marche. Presque tout Glass, tout Reich ou tout John Adams peuvent être défilés à la moitié du tempo. Les sept minutes du Cantus in Memoriam Benjamin Britten, du côté de l'hémisphère oriental du postmodernisme, correspondent idéalement au pas lent d'une brigade de gardes aux toques de poils d'ours. Sir PaulMcCartney pourrait aussi être tenter d'approuver une version deux fois plus lente de Let It Be.

Cela me prendrait au moins une autre page pour survoler le torrent des alternatives contemporaines possibles par autant de sombres compositeurs que Schnittke, Ustvolskaya et Górecki ou Tavener, s'il s'avérait devoir parler anglais. Le choix est riche et le besoin de changement largement laissé en souffrance. L'ornement étiolé de Chopin a gagné le droit au repos éternel : magnifions les prochaines grandes funérailles par une marche de notre temps.



Traduction effectuée par le DESS Musique Sorbonne (Paris). Vous pouvez accéder au site de l'organisme en cliquant sur le lien suivant http://admuSorbonne.free.fr.

Le DESS d'administration et de gestion de la musique de l'Université Paris IV Sorbonne forme chaque année une vingtaine de responsables qui opéreront dans le domaine de la culture et de la musique classique en particulier, tant dans le domaine privé (orchestres, industries du disque) que dans le domaine public. La promotion actuelle est soutenu par AD'MUSES, association des anciens du DESS Musique Sorbonne.

[English Version: Let Chopin's dirge rest in peace ]


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