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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 8

URNOS : la musique d'il y a 5000 ans à La Nef

Par Réjean Beaucage / 10 mai 2004


De juillet à décembre 2003, le compositeur André Hamel habitait au Studio du Québec à New York. Un projet de ressourcement qui a tourné court, le compositeur partant vers son nouvel appartement avec trois commandes sous le bras... « Au moment où jai appris que j'avais le Studio de New York, j'ai reçu une réponse positive à une demande de bourse de création pour un projet collectif présenté avec Guy Laramée (artiste interdisciplinaire) et Martine Beaulne (metteure en scène). Nous avons donc travaillé à la conception du projet et Claire Gignac de La Nef nous a proposé de présenter ce projet dans le cadre du "volet actuel" de La Nef, dont ce sera la deuxième production. Nous avions déjà approché à ce moment-là l'anthropologue Bernard Arcand pour un rôle de personne-ressource. »

Il s'agit d'un projet étonnant qui vise à « recréer », selon les connaissances que l'on peut en avoir, la musique d'un peuple qui aurait développé une écriture musicale il y a 5000 ans. André Hamel poursuit : « Évidemment, pour composer, je devais attendre que les instruments soient construits et accordés. Je devais aussi savoir quel serait, au juste, l'instrumentarium utilisé durant le concert. Alors, je n'ai pu m'y mettre vraiment qu'à l'automne. Et je n'ai pu terminer que tout récemment parce qu'à mon retour à Montréal, j'ai dû terminer une œuvre pour le violoncelliste Benjamin Carat, qui elle avait été mise de côté pour... enfin ! Cette dernière a maintenant été créée. »

Les Urnossiens

Les Urnossiens seraient un peuple semi-nomade de bergers ayant vécu 3000 ans avant Jésus-Christ au Nord de la Vallée de l'Indus, et certains artefacts retouvés par des archéologues laissent à penser qu'ils auraient pu développer un système d'écriture musicale, qui serait, du coup, l'un des plus anciens. André Hamel explique : « Il y a deux théories qui s'affrontent, dont l'une se base sur des fragments de poteries agrémentés d'arabesques irrégulières.

Généralement, ce type de décoration offre une certaine symétrie, mais il y a ici des différences significatives qui permettent de penser qu'il pourrait s'agir d'un code. L'un des chercheurs a même proposé un fragment d'écriture moderne équivalent à ce qu'il croyait pouvoir déchiffrer. Une autre théorie contredit la première et se base sur des tablettes d'argile ornées d'encoches. On croit qu'il s'agirait là, en fait, de l'exemple d'écriture musicale que l'on cherchait. Il ne s'agirait pas d'une écriture précise, mais d'indications plus larges, d'états sonores, reliés à leur explication du monde, une théorie du vide et du foisonnement.

Je suis tombé là-dessus en 1991 alors que je cherchais de la matière pour une œuvre pour cornemuse, un instrument dont le fonctionnement s'appuie sur un principe très ancien. Donc, c'est le principe qui est à la base du fonctionnement des instruments qui ont été reconstitués d'après des exemples vus sur des statuettes ; il y en a quatre types. On ne sait évidemment pas dans quelle mesure ils sont « fidèles » aux modèles, mais on peut penser que ça s'en approche sensiblement. Ce sont des instruments relativement limités, dont certains ne font pas plus que quatre ou cinq notes. Évidemment, ça conditionne un peu la composition. Les cornemuses modernes ont des anches doubles et leur conception requiert une technologie relativement "moderne", mais nos instruments ont une anche simple. Nous avons donc moins de puissance et un registre moins étendu, un son moins stable. Nous avons pris la liberté d'ajouter de la voix et des percussions, quelques petits instruments du genre occarina, etc. Il s'agit d'une proposition artistique, nous ne cherchons pas à faire une démonstration d'ordre scientifique. »

Cette façon de revisiter le passé est proche de celle qu'a toujours adoptée la compagnie musicale La Nef, dont la direction artistique se laisse toujours un droit d'interprétation dans son exploration des répertoires du Moyen Âge ou de la Renaissance, ce qui fait de la musique ainsi développée un objet vivant, par opposition à un objet de musée. Le projet Urnos présente néanmoins un volet muséologique, une installation durant laquelle on pourra se rapprocher du peuple urnossien, et une conférence incluant des exemples musicaux et des vidéos. Le tout est couronné par le concert, une tentative de reconstitution d'un rituel urnossien, incluant danse, costumes, mise en scène, vidéos, etc.

D'autres projets

André Hamel travaille aussi actuellement à un projet de disque monographique dont le titre de travail est « La trilogie du presto ». On y retrouvera, enfin, quelques-unes de ses œuvres récentes (Deux baguettes dans un presto, pour percussion solo [1989]; Interférence sur le crin, pour violoncelle [1993] ; Étude nº 4 pour piano, "Interférences et langueurs dans le presto" [1997]). « Ce sont trois œuvres qui découlent des mêmes gestes compositionnels, explique André Hamel. Je l'ai fait inconsciemment dans la deuxième et après m'en être rendu compte, j'ai poursuivi avec la troisième. Il y aura aussi la pièce pour huit saxophones que la SMCQ a créée en 2001 et une pièce pour clavecin. »

Le compositeur prépare aussi une nouvelle œuvre avec le collectif de compositeurs Espace Sonore Illimité (qu'il a fondé en 1993 avec Alain Dauphinais et Alain Lalonde) auquel se joint pour l'occasion Michel Gonneville. On pourra très probablement entendre le résultat de leurs travaux lors de la prochaine édition du festival Montréal/Nouvelle Musique (2005).

Mais avant d'aller plus loin, nous ferons un bond 5000 ans en arrière avec Urnos, présenté dans le cadre du « volet actuel » de la programmation de La Nef.

URNOS

  • musique : André Hamel
  • mise en scène : Martine Beaulne
  • direction musicale : Claire Gignac
  • commentaire : Bernard Arcand
  • conception des instruments : Guy Laramée
  • conception vidéographique et scénographique : Carole Nadeau
  • chorégraphie et danse : Geneviève Martin
  • musiciens : Jean-Luc Boudreau, Élise Guay, Claire Gignac, Goffredo Degli Esposti, Frédérike Bédard et Patrick Graham.
  • Les 1er et 2 mai à 16 h
    Les 2 et 3 mai à 20 h
    Usine C, 1345, rue Lalonde, Montréal
    514-521-4493


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