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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 8

FIMAV 2004 : deux portraits

Par Réjean Beaucage / 10 mai 2004


LSM vous présente deux portraits d'artistes basées à Montréal qui font partie de la programmation de la 21e édition du Festival international de musique actuelle de Victoriaville (FIMAV).

L'altiste suisse Charlotte Hug et l'électroacousticienne québécoise Chantale Laplante présenteront le fruit de leur collaboration lors d'une première série américaine de concerts, qui passe bien sûr par le FIMAV. J'ai rencontré Chantale Laplante afin de discuter avec elle de son parcours de musicienne et de cette collaboration.

« J'ai une formation en piano jazz, explique Chantale Laplante, après avoir débuté par le piano classique. J'ai été quelque temps claviériste avec des formations rock et je me suis mise à la composition avec le temps. Je me suis désintéressée de devoir me restreindre à une musique dont le but premier était de faire danser le public ; je me rendais compte que mon intérêt principal était surtout du côté de la composition, du travail avec la matière, plutôt que du côté de la performance. »

Une constatation qui amène la claviériste à s'inscrire en composition à l'Université de Montréal, où elle suit d'abord l'enseignement d'André Prévost, puis de Michel Longtin. Parallèlement, elle suit aussi des cours en électroacoustique avec Francis Dhomont. « J'aimais ça, acquiesce-t-elle, mais je sentais que l'obligation de suivre ces cours m'éloignait de mon but d'apprendre toutes les techniques de composition en musique instrumentale. Il y avait des cours importants que je n'arrivais pas à prendre parce que je devais suivre un certain pourcentage du cursus en musique électroacoustique. Je n'avais donc pas de très bonnes dispositions à l'égard de l'électroacoustique. Pourtant, dès ma sortie de l'Université, j'ai eu un contrat pour une musique de théâtre et c'est vers cette façon de faire que je me suis tournée. J'ai obtenu une bourse qui m'a permis de suivre une année de cours privés avec Francis Dhomont et ça a été très important. Par la suite, je suis allée étudier à Londres avec Jonathan Harvey et c'est là que j'ai rencontré Charlotte Hug, dans le milieu de la musique improvisée. »

« Charlotte ajoutait déjà des traitements électroniques à son jeu d'alto et j'ai beaucoup aimé le disque solo qu'elle a fait à cette époque. J'avais de mon côté une commande du Center for Contemporary Arts de Glasgow, une œuvre pour piano et bande, et j'ai proposé au directeur d'inclure Charlotte, qui improviserait sur cette musique. Lorsque le projet a été accepté, j'ai appris que je devrais être sur scène aussi, pour interagir en direct. J'ai donc fait quelques séances de travail avec Charlotte et ça a très bien fonctionné. »

La claviériste qui ne voulait plus faire de scène y revient donc avec cette fois sous les doigts une souris qui sert à déclencher les sons emmagasinés dans son ordinateur portatif. Et la compositrice improvise en interaction avec l'altiste. « Ce sont des compositions en direct explique Chantale Laplante. Je crois que l'on y reconnaît ma filiation à l'esthétique acousmatique, par les sources sonores et ma façon de les traiter. Il s'agit évidemment d'une situation à risques, mais c'est aussi un retour aux sources de mes racines d'improvisation en jazz, même si c'est assez éloigné du jazz ! »

Vendredi 21 mai, 17 h – Cégep de Victoriaville
CHARLOTTE HUG / CHANTAL LAPLANTE
Première nord-américaine

La clarinettiste Lori Freedman, originaire de Toronto, est un exemple extrême de polyvalence. On la trouve sur scène dans les situations les plus diverses : au sein d'un ensemble de musique semi-improvisée dirigé par René Lussier, interprétant en solo la musique spectrale de Gérard Grisey dans un concert de la série MusiMars, ou organisant sa propre série de concerts de musique improvisée (les « Mercredimusics », dont les participants changent chaque semaine). Et ce n'est qu'un aperçu !

Lori Freedman explique cette hyperactivité par un profond désir d'apprendre et de développer son propre style : « Si j'aime jouer de la musique dans toutes ces situations différentes, c'est surtout parce que... j'aime jouer de la musique ! Ça me nourrit, aussi bien en tant qu'interprète qu'en tant que compositrice. Mes activités en improvisation sont directement influencées par le travail d'interprète que je fais, et vice-versa. Lorsque j'interprète une partition, j'essaie, tout en étant fidèle au texte au maximum, d'y trouver ma place, ma façon de rendre les idées du compositeur. Il y a plusieurs façon de dire, par exemple : "Aujourd'hui, il fait beau". Les mots restent les mêmes, mais l'intonation, l'emphase, et même le sens peuvent changer selon ce que la personne qui prononce les mots veut vraiment dire. Alors, je suis toujours très fidèle à la partition, mais je la rends à ma façon. » On pourrait supposer qu'elle préfère interpréter sa propre musique plutôt que celles d'autres compositeurs ? « Oh, vous savez, les autres ont aussi de bonnes idées ! »

Lori Freedman jouera en duo avec Kaffe Matthews à Victoriaville. Cette dernière a d'abord été violoniste avant d'obtenir une maîtrise en « technologies de la musique ». Elle a mis sur pied le cours Performance Technology au Darlington College of Arts (Angleterre, 1991–1995) et supervise aujourd'hui le travail de certains étudiants en violon et en « techniques d'électronique en direct » à la Guildhall School of Music and Drama, à Londres. Sa technique de jeu préférée consiste à se présenter sur scène avec un échantillonneur sans aucun son préenregistré et à improviser à partir des sons émis par ses collègues ou même par la salle.

« La musique de Kaffe est assez spéciale, poursuit Lori Freedman, et c'est un peu un défi pour moi que de m'y insérer. Elle privilégie une musique à développement lent, en constante évolution. De mon côté, je ne veux pas me laisser aller à imiter ses sons électroniques, mais plutôt trouver des sons acoustiques qui les complémentent au mieux. » Lorsque je lui dis qu'elle pourrait, comme d'autres interprètes, être tentée de faire subir des traitements électroniques à son instrument, la réponse est claire : « Oh ! j'y viendrai sans doute un jour, mais il y a tellement de choses à faire d'abord, seulement avec l'instrument lui-même, que ce n'est pas pour demain. »

Du 26 au 30 mai, Lori Freedman participera à Montréal à une série de concerts (à la Sala Rossa) et de conférences organisée par le Projet sur l'improvisation du Département de philosophie de l'Université McGill sous le titre New Perspectives on Improvisation (info : www.mcgill.ca/improv/ ).

Dimanche 23 mai, 13 h – Cégep de Victoriaville
LORI FREEDMAN / KAFFE MATTHEWS
Première nord-américaine


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