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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 7

La guitare qu'il vous faut

Par Anna Sampson / 26 avril 2004

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Je dois vous faire une confidence : après quinze ans de leçons de violoncelle et un nombre incalculable d'années passées dans une salle de répétition, j'ai eu le goût d'apprendre la guitare. Dans un rêve récent, je me voyais comme la sœur perdue des frères Assad ! J'ai décidé d'aller à la recherche d'une guitare classique. Bien que la plupart des guitares disponibles en magasin soient produites à grande échelle, le Canada possède plusieurs fabricants de guitares, ou luthiers, fantastiques.

Une recherche rapide avec Google offre un nombre impressionnant de sites de fabricants et d'associations régionales de guitaristes. Si vous êtes comme moi de Montréal, je vous recommande fortement le site de la Société de guitare de Montréal (www.leptittraindunord.info/sgmontreal/index.html ), où j'ai appris que le Congrès International de la guitare aura lieu ici du 24 au 30 octobre, à l'Université du Québec à Montréal !

L'achat d'une guitare classique faite à la main peut s'avérer coûteux. Selon le luthier ontarien Oskar Graf, « Un bon instrument coûte entre 4 000 $ et 7 000 $ ». Ce n'est pas autant que le prix de mon violoncelle, mais ce n'est tout de même pas bon marché. C'est pourquoi Oskar Graf vend surtout à des musiciens expérimentés. « Ce n'est pas souvent qu'un débutant vient me voir pour acheter une guitare ; je reçois surtout des musiciens qui pratiquaient la guitare dans leur jeunesse et qui veulent y revenir maintenant. Leur niveau de jeu n'est pas celui d'un concertiste, mais ils aiment la qualité et le son d'un bon instrument. Parce que je travaille manuellement, je peux leur fabriquer une guitare qui sera un peu plus facile à jouer. » Un des instruments d'Oskar Graf se trouve au Musée de la Civilisation à Gatineau. Parlant d'instruments faits à la main, le luthier montréalais René Wilhelmy a commencé dans ce métier en fabriquant son propre luth, alors qu'il étudiait la guitare classique au CÉGEP Marguerite-Bourgeoys, à Montréal. Le répertoire élisabéthain le fascinait, et comme l'achat d'un instrument s'avérait prohibitif, il décida de le fabriquer. Maintenant, il fabrique environ 10 instruments par année.

Parlant de son apprentissage, il disait lors d'une entrevue récente : « Différents luthiers et fabricants de guitares m'ont inspiré durant mes voyages en Europe. Les idées et la méthode du montréalais Neil Hébert ont également eu une influence significative sur ma façon de faire... Je suis convaincu de l'importance fondamentale de reconnaître la qualité et de comprendre la nature des matériaux. Meilleurs sont la coupe, la qualité et le vieillissement des matériaux, meilleures seront les chances de succès. »

Les matériaux dont parle René Wilhelmy sont l'épinette ou le cèdre pour le dessus de la guitare, et le bois de rose indien pour la caisse. Le palissandre peut être employé, mais il coûte très cher. Oskar Graf explique : « L'instrument est alors couvert d'une couche de laque synthétique. Dans la catégorie des instruments très coûteux, on trouve des guitares ayant reçu un poli français (la méthode traditionnelle d'application d'une couche de laque). La guitare classique est presque autant standardisée qu'un violon ou un violoncelle. La dimension de la caisse varie légèrement d'un instrument à l'autre et la longueur des cordes est réglée à 65 ou 66 cm. La largeur du manche est proche de 51 à 53 mm au sillet (l'extrémité supérieure de la touche). Dans ces paramètres, les musiciens verront que certains instruments permettent un jeu plus confortable que d'autres. La forme du manche, son épaisseur et sa largeur ont un rôle à jouer ; la hauteur des cordes au-dessus de la touche fera aussi une différence. »

Les guitares ne vieillissent pas aussi bien que les violons ou les violoncelles, et leur valeur ne s'accroît pas avec l'âge. À cause de l'énorme tension que subit la caisse (jusqu'à 54 kg), la guitare perd du son après des années d'utilisation intensive. Selon Wilhelmy, après 15 ans, la guitare perd une partie de ses qualités originales. Graf dit qu'il y a une période de rodage « qui varie selon le musicien ou l'instrument, d'un an ou plus, durant laquelle la tonalité s'améliore, devient plus homogène, plus vivante et possiblement plus puissante. » Il y a des exceptions à la règle ; les guitares fabriquées par des luthiers connus ou jouées par des musiciens de renom s'améliorent ou conservent leur valeur.

Alors comment choisir une guitare ? La décision est affaire de budget, de sonorité de l'instrument et de la quantité d'effort physique qu'il faut fournir pour en jouer. Écoutez la projection du son et la réaction de l'instrument. Amenez un ami dont vous admirez le jeu. Parlez à un professeur de guitare. Essayez plusieurs instruments pour vous faire une idée approfondie de ce que vous aimez. Oskar Graf dit : « Habituellement, je laisse les musiciens inexpérimentés seuls pour essayer une guitare. L'instrument est suffisamment intimidant sans que je sois là à écouter en plus ! Si la personne est nerveuse, elle ne pourra pas obtenir une bonne sonorité ou commencer à explorer la capacité sonore. Mais la plupart des instrumentistes novices viennent avec leur professeur pour choisir ou commander une guitare... Si j'expédie une guitare standard à un client, il peut faire l'essai de l'instrument durant trois jours. Mais les clients qui viennent à ma boutique doivent prendre une décision sur le champ. Certains magasins permettent aussi à des clients fiables d'apporter la guitare à la maison pour l'essayer. »

[Traduction de Michelle Bachand]


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