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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 7

Carte blanche à Chantal Juillet

Par Réjean Beaucage / 26 avril 2004


Chantal Juillet, qui a été violon solo à l'Orchestre symphonique de Montréal dans les années 90, poursuit depuis plusieurs années déjà une carrière internationale plus qu'enviable. Manifestant un grand intérêt pour les musiques moderne et contemporaine, elle a créé de nombreux concertos, parmi lesquels ceux de Berthold Goldschmidt (avec l'Orchestre National de France et Charles Dutoit), d'André Prévost (avec l'OSM) et de Richard Danielpour, dont elle a créé en 2000 un concerto écrit pour elle et le Philadelphia Orchestra afin de souligner ses 10 ans à la direction artistique du Festival International de Musique de Chambre à Saratoga. On a pu l'entendre à Montréal en février dernier lors du Festival de musique de chambre du Centre Canadien d'Architecture et, juste avant, en décembre 2003, à l'OSM, avec le chef Michel Plasson, dans une interprétation de L'arbre des Songes (1985) d'Henri Dutilleux. Il s'est produit à cette dernière occasion un petit incident...

Chantal Juillet : Oh oui ! Le deuxième soir, j'ai cassé une corde ! Elle n'avait qu'un jour. On ne peut donc pas dire qu'elle était usée. Quelquefois, dans les moments de passion, il arrive que l'on tire trop fort. Le Concerto de Dutilleux contient beaucoup de pizzicatos. Bref, ces choses arrivent. Vous avez vu les acrobaties que j'ai dû faire...

LSM : En effet, c'est quelque chose que l'on voit assez rarement, et vous avez réagi avec une maîtrise exceptionnelle.

CJ : (en hésitant) Oui... Enfin. Comme c'était à la radio, on ne pouvait pas arrêter... Alors, je me suis débrouillée !

LSM : Vous avez offert un moment particulièrement pédagogique lorsque vous avez échangé votre violon contre celui du musicien qui était derrière vous.

CJ : Les violoncellistes doivent s'arrêter, parce qu'il leur est impossible de se retourner pour changer d'instrument, mais nous, violonistes, avons cette possibilité.

LSM : La différence de son entre les deux instruments était vraiment frappante.

CJ : C'est surtout que cela prend du temps pour s'habituer à un instrument. Je n'avais jamais de ma vie joué sur cet instrument, un violon de plus petite dimension que le mien ! Ça aurait été différent si j'avais eu une petite demi-heure pour l'apprivoiser. Je joue sur un violon Joseph Guarnerius (xviiie siècle), mais l'instrument qui m'a été prêté, un Guadagnini (même époque), est aussi un très bon violon.

LSM : Vous avez donc apprécié de retrouver votre instrument lorsque la corde a été remplacée.

CJ : Oui ! Ça a pris un certain temps parce que je jouais un passage dans lequel je ne pouvais pas m'arrêter.

LSM : Vous revenez à Montréal dans le cadre des Radio-concerts du Centre Pierre-Péladeau pour une carte blanche que vous avez choisi de consacrer à Alma Mahler.

CJ : C'est un projet que j'ai déjà exploré sous d'autres formes, étant attirée par les rapprochements entre la musique et les autres arts. La première fois que je l'ai présenté, c'était vraiment multimédia, avec conférence et exposition, et j'avais même fait une vidéo. Cette fois-ci, ce sera vraiment axé sur la musique des compositeurs dont elle a été très près. C'est une femme fascinante : on l'appelait la veuve des quatre arts. Elle a évidemment été mariée à Gustav Mahler, mais aussi à Walter Gropius, le grand architecte et fondateur du Bauhaus, et aussi à l'écrivain Franz Werfel, sans compter sa liaison avec le grand peintre Oskar Kokoschka. Elle a côtoyé les compositeurs Zemlinski, Berg et Schönberg. De plus, elle était elle-même musicienne. Aussi ferons-nous bien sûr quelques-uns de ses lieder.

LSM : Quel sera le programme ?

CJ : Nous commencerons avec la seule œuvre de musique de chambre de Gustav Mahler, un mouvement d'un quatuor avec piano écrit alors qu'il était assez jeune. Nous ferons aussi des pièces de Berg écrites à l'origine pour la clarinette. J'en jouerai une transposition à l'alto. Je ferai donc mes débuts canadiens à l'alto, dont je joue depuis quelque temps. Il y aura aussi des lieder de Gustav et d'Alma Mahler et un trio pour piano, violon et violoncelle de Zemlinski, la pièce majeure du programme.

LSM : Il sera assez surprenant de vous voir jouer de l'alto.

CJ : J'ai toujours aimé les sons graves et, à vrai dire, j'ai toujours rêvé d'être violoncelliste ! Je me suis un jour dit que ce serait amusant d'essayer. J'ai donc acheté un alto, puis j'ai commencé à faire de la musique de chambre sur alto. Bien que l'instrument soit assez petit, il m'a bien sûr fallu une période d'ajustement, mais c'est la même technique après tout.

LSM : Ce sera cette année votre 14e saison à la tête du Festival International de Musique de Chambre à Saratoga.

CJ : Oui, et c'est quelque chose dont je suis très fière. J'ai beaucoup de plaisir à construire la programmation, toujours selon un nouveau thème, de ce festival maintenant important aux États-Unis. Comme nous avons chaque été des compositeurs en résidence, nous faisons beaucoup de créations, sans délaisser les œuvres classiques, quand même. Il y a eu entre autres des festivals Bartók et Hindemith. Le public en voit de toutes les couleurs ! La musique viennoise est le thème de cette année, mais nous l'aborderons surtout au travers d'œuvres de compositeurs très peu connus.

LSM : Et vos prochaines visites au Québec ?

CJ : Je serai à l'OSM en novembre pour une création mondiale. Je n'ai pas fait d'autres festivals nord-américains depuis que je m'occupe de celui de Saratoga, à cause des problèmes d'agenda, mais cet été, je passerai une semaine à Orford, un endroit où je n'ai pas joué depuis mon adolescence, pour y enseigner et y donner un récital.

L'émission RADIO-CONCERTS vous propose :

Carte blanche à Chantal Juillet : Autour d'Alma Mahler.

Dans le cadre des Radio-concerts en direct du Centre Pierre-Péladeau, la violoniste québécoise de réputation internationale Chantal Juillet, nous fait découvrir l'univers d'Alma Mahler, véritable muse de toute une époque. La formule « Carte blanche » permet à la grande interprète de nous faire partager des musiques de Gustav et d'Alma Mahler, de Zemlinski et de Berg avec entre-autres, Pascal Rogé au piano et Noëlla Huet, mezzo-soprano. C'est donc un rendez-vous en 1900, à Vienne, sur les ondes de la Chaîne
culturelle de Radio-Canada à 20 h.

Animation : Françoise Davoine

Réalisation-coordination : Odile Magnan


(c) La Scena Musicale 2002