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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 5

Gregory Charles : Petit Chanteur devenu grand

Par Recherche et transcription : Frederic Trudel Recherchiste à la Chaîne culturelle de Radio-Canada / 9 février 2004


Vous aimez beaucoup le chant choral et la musique polyphonique. À quel moment avez-vous commencé à chanter ?

Il y a une histoire qui vaut la peine d'être racontée à ce sujet, parce qu'elle permet de faire comprendre aux professeurs le rôle incroyable qu'ils peuvent jouer dans nos vies. Bien sûr, je chantais déjà quand j'étais tout petit : je chantais dans des mariages dès l'âge de six ans. À l'école primaire, je suis allé voir mon professeur de première année et je lui ai demandé si je pouvais faire partie de la chorale. Elle m'a répondu : « Bien sûr ! » Alors, j'ai demandé : « Ils sont où, les choristes ? » Elle m'a dit : « Eh bien, il y a toi. On commence là ! » La réponse aurait pu être : « Désolé, il n'y a pas de chorale ici mais par contre on a du monde qui joue du glockenspiel... » Non, la réponse a été : « OK, oui, bang ! on commence ici » Il y a rapidement eu dans ce choeur d'école primaire 60, 70 personnes ! Ensuite -- et c'est là ma plus grande chance comme enfant, je pense -- j'ai été recruté par Les Petits Chanteurs du Mont-Royal.

On peut dire que les Petits Chanteurs sont véritablement un parcours obligé dans votre vie. Vous aviez neuf ans, je crois, lorsque vous y êtes entré.

Oui, et j'y suis resté pendant 10 ans. Vous savez, je dirige maintenant moi-même un choeur, avec lequel je fais de très belles choses. J'aime à redire que je ne renierai jamais mon passage aux Petits Chanteurs. J'ai eu la chance d'y travailler avec deux hommes extrêmement dévoués, Charles Dupuis et Gilbert Patenaude, deux chefs qui avaient une démarche pédagogique très attentive aux besoins et au développement des jeunes. Avoir été mis en contact avec de la musique de tous les genres est ce qu'il y a d'extraordinaire dans cette expérience. D'abord, à l'époque, on faisait le service liturgique à l'oratoire Saint-Joseph tous les dimanches. On y abordait donc une somme impressionnante de musique chorale, un répertoire s'étendant de la Renaissance jusqu'au xxe siècle. Ensuite, le fait de chanter devant 2000 personnes m'a été salutaire : la gêne, le trac, toutes ces choses-là en sont venues à disparaître après un certain temps. Pendant plusieurs années, ensuite, j'ai animé des messes et c'est devenu une expérience de vie importante.

Vous êtes croyant ?

Absolument. Je trouve que la démarche spirituelle est importante pour tout être humain. Dans mon cas, je n'ai pas connu de grandes révoltes d'adolescent. Au fil des ans, j'ai tout de même remis beaucoup de choses en question et je continue à le faire. Très souvent, je trouve que l'Église dans laquelle j'ai grandi est lente et manque d'efficacité et d'enthousiasme. Ceci dit, je dois reconnaître que je ne serais pas le même homme si je n'avais pas la foi et si je ne croyais pas en toute la tradition liturgique qui l'accompagne. Cela fait partie de moi. Enfin, je dirais à propos de la foi ce que le Colonel Parker répondait à propos d'Elvis, quand les gens plus âgés disaient qu'il était vulgaire, et ceci, et cela : « Cinquante millions de personnes achètent ses disques, fifty million people can't be wrong ! ». Bien sûr, sur le plan scientifique, on peut douter de beaucoup de choses, mais le fait est que la vaste majorité de la population de la planète a une démarche spirituelle. Je crois qu'on ne peut pas lui donner tort. Voyez dans la musique chorale et sacrée : on ne peut pas se tromper sur l'inspiration divine qui y est inscrite. C'est vrai dans tous les arts et dans la philosophie, mais que c'est donc vrai dans la musique !

Les choeurs, c'est votre vie : vous avez été l'un des Petits Chanteurs et vous en dirigez maintenant un.

La petite histoire du choeur que je dirige aujourd'hui permet, encore une fois, de mettre en lumière le travail des pédagogues. Vers la fin de mon stage avec les Petits Chanteurs du Mont-Royal, mon chef de choeur, monsieur Patenaude, a eu un appel d'un choeur de Laval, tout petit à l'époque. On cherchait quelqu'un pour donner un coup de main, diriger les répétitions avec les basses, les ténors, etc. Monsieur Patenaude m'a dit : « Écoute, ils ont besoin de quelqu'un, tu vas y aller » Je lui ai répondu : « Mais non ! Je ne vais pas y aller, parce si j'y vais, je vais manquer nos activités à nous ! » Il m'a alors répondu : « Très bien, je vais leur dire que tu seras là la semaine prochaine ! » Il y a vraiment quelque chose de l'ordre de l'obéissance dans mon passage de l'autre côté de la rive, dans mon travail avec ce choeur-là. Ça fait déjà presque 18 ans que ça dure. C'est incroyable !

Ce choeur, c'est une chose à laquelle vous tenez comme à la prunelle de vos yeux.

Oui, pour quelques raisons. Monsieur Patenaude nous a dit tellement de choses qui m'ont marqué quand j'étais jeune, entre autres : « Si vous appréciez vraiment ce que je fais pour vous, ne perdez pas votre temps à dire merci. Faites la même chose ». Je ne suis pas le seul de ma classe à avoir été marqué par cela : d'autres donnent de leur temps et sont attentifs aux jeunes. Dans mon cas, j'ai carrément pu faire la même chose. J'ai parti avec mon choeur, un groupe de 16 garçons. Il y en a maintenant 160, âgés de 8 à 30 ans. J'ai fondé, il y a cinq ans, un choeur de filles -- sorte de choeur « soeur » de celui des garçons -- composé d'une centaine de filles. Il nous arrive de chanter à 250 choristes !

Ils sont chanceux, mes jeunes ! Ils font des choses étonnantes ! En 2003, ils ont accompagné l'OSM à Carnegie Hall. En l'espace d'un an, ils ont fait trois voyages au Japon, ils ont chanté dans le film de Steven Spielberg Catch me if you can, certains sont allés en France, d'autres en Espagne. Ils font toutes sortes de concerts : ils ont chanté l'an dernier dans le Wozzeck de Berg. En même temps, ils ont fait du Berlioz, de la musique pop, des disques de Céline. Ce sont des musiciens. Ils ont des oreilles en béton armé. Mon approche avec eux favorise d'ailleurs en priorité le développement de l'oreille. J'enseigne la musique selon le même principe que lorsqu'on apprend à parler, à lire, à écrire. En musique, je crois que l'erreur qu'on a faite dans le passé -- et je ne jette pas du tout la pierre sur la méthode des religieuses -- a été de trop mettre l'accent sur le livre de théorie. J'encourage plutôt les gens à entendre les intervalles avant de trouver les notes en présence. Il faut s'habituer aux écarts et ouvrir progressivement l'oreille. Après cela, on peut faire n'importe quoi.

Laissez-vous emporter par le gospel version Choeur du Nouveau Monde sous la direction de Gregory Charles !

La Chaîne culturelle de Radio-Canada vous invite à une soirée gospel, le 16 février à 20 h à la salle Pierre-Mercure. Dans le cadre de la série les Radio-concerts du Centre Pierre-Péladeau, le Choeur du Nouveau Monde dirigé par Gregory Charles se lance corps et âme dans cette aventure musicale et spirituelle. Cette soirée de musique sacrée sera également diffusée en direct sur les ondes de la Chaîne culturelle.

Animation : Françoise Davoine
Réalisation : Claire Bourque
Réalisation-coordination : Odile Magnan

Le 16 février prochain, le Centre Pierre-Péladeau et la Chaîne culturelle de Radio-Canada présenteront une soirée gospel, avec le Choeur du Nouveau Monde sous la direction de Gregory Charles.

Le chant, les choeurs, le sacré, la pédagogie, tels sont les sujets qui passionnent ce chef de choeur et à propos desquels il se livrait en mai dernier au micro de François Dompierre, sur les ondes de la Chaîne culturelle de Radio-Canada.


(c) La Scena Musicale 2002