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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 4

La chapelle de toutes les musiques

Par Daniel Desrochers / 6 décembre 2003


Lors de l'acquisition Monastère du Bon-Pasteur en 1979, la Ville de Montréal ne savait pas exactement ce qu'elle allait faire de sa chapelle. Assez rapidement, cependant, est ressortie l'idée d'une salle de concert pour musique de chambre. Quinze ans plus tard, la Chapelle peut se vanter d'avoir un public fidèle et nombreux.

Une fois son orientation déterminée, il fallait trouver la personne apte à prendre en main sa destinée. À la suite d'un concours à l'hiver de 1987, Guy Soucie, qui avait justement suggéré une vocation musicale pour la Chapelle, en est devenu l'agent culturel, ou, comme il le dit, le « bedeau ». Dès le départ, monsieur Soucie a tenu à inclure dans la programmation de la musique de toutes les époques, du Moyen Âge jusqu'à aujourd'hui, du jazz et de la musique contemporaine et électroacoustique. Elle mérite donc bien son appellation de maison de la musique.

Monsieur Soucie parle de la Chapelle : « Certains évènements n'auraient pas pu se tenir ailleurs. La dimension de la salle de concert, son foyer et sa salle d'exposition qui peut servir de salle de réception en font un lieu unique. Si certains grands noms s'y produisent à l'occasion, le pianiste Marc-André Hamelin et la claveciniste et organiste Mireille Lagacé, notamment, ce n'est pas un lieu pour les artistes qui ont déjà une renommée. Nous offrons un soutien, un tremplin à des jeunes artistes en début de carrière, tant en interprétation qu'en création Nous le faisons selon nos moyens, qui sont les mêmes que ceux des autres maisons de la cultures de Montréal. »

La chapelle, c'est aussi une salle d'exposition. Parfois partitions musicales, parfois instruments, les thèmes sont généralement reliés à la musique. Un peintre montréalais y a par exemple présenté 12 toiles, chacune inspirée par une des Danzas españolas de Granados. Les visiteurs ont pu parcourir l'exposition en écoutant la musique de ces danses, enregistrée à la Chapelle et avec son piano lors de son inauguration.

Le piano de la controverse

Les amateurs de musique, et même la population en général, se souviendront de la tempête qui avait précédé l'achat du piano de la Chapelle.

Monsieur Soucie avait proposé l'achat d'un instrument de marque Fazioli, une maison italienne pratiquement inconnue à l'époque. La suggestion a déclenché une très médiatisée controverse : on craignait que le piano ne s'adapte pas à notre climat, que la jeune maison ne tienne pas le coup et qu'il devienne alors impossible de trouver de pièces de remplacement. Il aura fallu près de six mois de travail, un comité d'experts, le prêt de trois pianos, un Yamaha, un Fazioli et un Bösendorfer (Steinway, aussi inventé à participer à la course, avait refusé de prêter un piano) et un banc d'essai de trois jours par 15 pianistes afin d'arrêter un choix. Le Fazioli l'a emporté haut la main, avec 13,5 votes sur 15. Quelques interprètes, séduits par la richesse de son timbre, s'en sont servis pour l'enregistrement de leur disque (Richard Desjardins et Marc-André Hamelin font partie de ceux-là). « Un tel boucan autour du piano a valu bien des campagnes publicitaires. Encore aujourd'hui, 15 ans plus tard, des gens viennent voir le Fazioli », de dire monsieur Soucie.

Quelques temps avant l'ouverture officielle, un autre événement a bien servi la visibilité de la Chapelle : le magazine Décormag d'octobre 1987 a consacré sa page couverture et un article important à la salle de concert de la Chapelle. De quoi à inciter bien des curieux à se déplacer !

Des événements aux traditions

Tous les artistes qui se produisent à la Chapelle vantent la qualité de son public, attentif et très respectueux. C'est pourquoi certains musiciens acceptent d'année en année de reprendre ce qui a été un succès. Au fil des ans, certains éléments de la programmation en sont littéralement venus à créer des traditions que le public et les artistes, pour rien au monde, ne voudraient voir se terminer.

Noël, moments de traditions s'il en est, est de ceux-là. Chaque premier vendredi de décembre depuis 1991, le pianiste de jazz James Gelfand interprète, quelquefois seul, quelquefois accompagné, une œuvre d'après une demande des auditeurs. Pianistes et public raffolent de la complicité ainsi créée.

Le Vendredi saint, la Chapelle met à son programme depuis 12 ans le Via Crucis de Listz, une œuvre pour clavier et petit chœur qu'elle est pratiquement la seule à proposer. Piliers de l'événement, le pianiste Jean Marchand et la comédienne Françoise Faucher en récitante : assurent chaque fois la réussite de cet événement très attendu.

Au rythme d'un concert par année, Mireille Lagacé poursuit sa présentation de l'intégrale des œuvres pour clavecin de Jean-Sébastien Bach. Elle en est à mi-parcours.

Depuis quelques années, la Chapelle accueille des compositeurs et des ensembles en résidence, ces derniers devant nécessairement inclure un piano. Elle en est à son deuxième compositeur et à son troisième ensemble. Une œuvre du compositeur est jouée à la Chapelle par l'ensemble en résidence, habituellement lors du dernier concert de la saison.

Depuis le début, les concerts de la Chapelle sont annoncés dans son foyer par de magnifiques affiches. Après le départ, il y a environ 10 ans, du premier dessinateur, qui était aussi musicien, le calligraphe et musicien Luc Saucier a pris la relève. Il réalise chaque fois, grâce à son talent et à sa compréhension de la musique, des œuvres uniques et sur lesquelles les gens s'attardent.

Des moments de grâce

En 15 ans d'existence, le public de la Chapelle a connu de très nombreux beaux moments musicaux. Quelques-uns sont gravés dans les mémoires. Parmi tant d'autres...

Le jeudi 8 septembre 1988 : concert d'inauguration de la Chapelle avec Marc-André Hamelin qui consacrait officiellement le piano Fazioli.

Novembre 1990 : le théâtre musical Cantate grise de Samuel Beckett par le Théâtre UBU sur une musique de Jean Derome

Le 2 décembre 2000 : le Concerto pour violoncelle, l'œuvre ultime d'André Prévost écrite pour le Nouvel Ensemble Moderne (NEM), interprétée par le violoncelliste Yegor Dyachkov

Saison 2002–2003 : l'intégrale des 32 sonates de Beethoven par le jeune et brillant pianiste italien Christain Leotta (23 ans) en six récitals.

Les intégrales du 15e anniversaire

Pour souligner ses 15 ans d'existence, la Chapelle ne se contente pas d'un événement. Elle propose plutôt une série d'intégrales, soit une trentaine de concerts, répartis sur toute la saison : quatuors à cordes de Chostakovitch, sonates de Beethoven, clavecin de Rameau, pianoforte de Mozart, cycles de Schumann et de Vaughan Williams, trios à cordes de Brahms et de Schumann sont au programme (voir le calendrier de la Chapelle pour les détails).

  • La Chapelle historique du Bon-Pasteur en chiffres
  • Date d'ouverture : 8 septembre 1988
  • Nombre moyen d'événements par mois : 28
  • Nombre d'événements depuis l'ouverture : 2600 (concerts, expositions, conférences, concours, concerts commentés)
  • Nombre de musiciens s'y étant produits : 14 000
  • Nombre de places : 150
  • Total de spectateurs depuis l'ouverture : 400 000

(c) La Scena Musicale 2002