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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 3

Hilary Hahn - Femme de tête

Par Une entrevue de Réjean Beaucage / 5 novembre 2003

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H
ilary Hahn aura 24 ans le 27 novembre 2003. Elle a reçu sa première leçon de violon un mois avant son quatrième anniversaire et rempli son premier engagement avec un orchestre professionnel à l'âge de 11 ans. S'amorçait alors une série de concerts importants avec de grands orchestres : l'Orchestre symphonique de Baltimore en 1991 ; l'Orchestre de Cleveland, le Philharmonique de New York, l'Orchestre symphonique de Pittsburg et l'Orchestre du Festival de Budapest en 1994 ; l'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, avec Lorin Maazel, en 1995 pour le Concerto pour violon de Beethoven, etc. Elle signe à l'âge de 16 ans un contrat d'exclusivité avec Sony Classical, pour qui elle enregistre son premier disque (Hilary Hahn Plays Bach), grâce auquel elle récolte son premier Diapason d'or. Un nouveau disque de musique de Bach paraît ces jours-ci, fruit, celui-là, d'un contrat d'exclusivité avec Deutsche Grammophon (Universal). Elle en donnera un extrait durant ses passages à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts avec l'Orchestre symphonique de Montréal, placé sous la direction du chef français Michel Plasson. J'ai eu le plaisir de m'entretenir avec elle à la mi-octobre, alors qu'elle achevait des vacances, sans doute bien méritées, sur la Côte Ouest américaine.

LSM : On a un peu l'impression que vous n'avez pas beaucoup quitté le violon depuis l'âge de trois ans. Est-ce que le prix à payer pour obtenir le statut de virtuose ne vous semble pas un peu élevé ?

HH : À vrai dire, je n'ai pas l'impression d'avoir manqué quoi que ce soit. On ne m'a jamais empêchée de faire ce que j'avais envie de faire, mais il faut dire que les activités que j'entreprenais étaient souvent reliées à l'apprentissage du violon ou, de toute façon, à l'art. Vous savez, je ne donnais pas 100 concerts par année à l'âge de 10 ans ! On peut avoir l'impression que beaucoup de choses me sont arrivées alors que j'étais très jeune, mais tout cela s'est passé de façon graduelle. Puisque j'avais commencé l'apprentissage de l'instrument assez jeune, j'ai eu, effectivement, un horaire très bien rempli à partir de 16 ou 17 ans, mais sans que cela provoque un choc.

LSM : Les critiques sont très favorables à votre égard. Ce déluge de bonnes critiques doit exercer une très grande pression sur vous ?

HH : (en éclatant de rire) : Oh ! Mais j'ai aussi de mauvaises critiques ! Encore tout récemment... Après tout, une critique n'est que l'évaluation que fait une personne de mon travail. Ce n'est rien d'absolu. Malgré tout, il est toujours intéressant de constater, que la critique soit bonne ou mauvaise, quelle a été la réception d'une personne, de voir les détails qui l'ont accrochée. J'ai déjà joué dans des villes où il y avait des critiques dans trois ou quatre journaux le lendemain. C'était trois ou quatre critique tout à fait différentes ! La même chose se vérifie encore

mieux avec un disque, puisqu'il est évident que tout le monde entend le même enregistrement, que ça ne dépend plus de l'endroit où on est placé dans la salle. Pourtant, chacun a son interprétation personnelle. Dans la mesure où une mauvaise critique n'est pas simplement le résultat de la mauvaise journée de son auteur, il est toujours intéressant de la lire. Ça peut même quelquefois corroborer ce que je pensais déjà moi-même. Dans tous les cas, on ne peut pas plaire à tout le monde !

LSM : Qu'est-ce qui vous a poussé à quitter Sony Classical pour Deutsche Grammophon ?

HH : Eh bien ! c'est simple, mon contrat de cinq enregistrements sur six ans était terminé ! Vous savez, lorsqu'un contrat comme ça se termine, on veut bien en signer un autre, mais il faut en discuter... Durant le premier contrat, les disques avaient eu du succès et la relation avec Sony Classical était très productive. Lorsqu'est arrivé le temps de signer un deuxième contrat, pour différentes raisons, les choses semblaient se faire moins naturellement. On ne voyait pas les nouveaux projets sous le même angle. Alors, nous nous sommes en quelque sorte laissés mutuellement. J'avais entendu parler d'un intérêt du côté de Deutsche Grammophon, bien sûr une excellente étiquette. Après discussion avec eux, j'ai eu une réponse beaucoup plus positive quant à mes projets. De plus, D.G. a accepté d'accueillir certains enregistrements tels qu'ils étaient prévus, ce que j'ai apprécié grandement.

LSM : Vous faites donc paraître ces jours-ci votre deuxième disque consacré à la msique de Bach. Comment s'est déroulé son enregistrement ?

HH : Oh ! C'est chaque fois différent ! J'ai déjà enregistré avec un orchestre de chambre les concertos de Brahms et de Stravinski (avec l'Academy of St. Martin in the Fields sous la direction de Sir Neville Marriner), mais c'était la première fois que j'enregistrais de la musique ancienne avec un orchestre de chambre, tel que cela a été prévu, avec un clavecin et tout. J'ai travaillé fréquemment avec Jeffrey Kahane. On se connaît depuis longtemps. Ça a été agréable d'enregistrer avec lui et les membres du Los Angeles Chamber Orchestra, que j'ai aussi connus à travers d'autres engagements.

LSM : Vous savez sans doute que d'autres violonistes aiment bien ajouter des arrangements modernes et des rythmes disco à la musique de Bach, ce qui ne nuit généralement pas aux ventes. Seriez-vous tentée par ce genre d'expérience ?

HH : Je ne fais rien qui soit spécifiquement déterminé par l'idée de vendre plus de disques. Cela dit, les violonistes dont vous parlez aiment peut-être tout simplement la musique disco et trouvent intéressant de jouer les classiques de cette façon. Je pense qu'il est légitime de le faire s'il y a des gens qui aiment ça. En ce qui me concerne, j'ai suffisament à faire avec la musique classique « traditionelle » [rires]. En fait, ça me stresserait davantage de devoir réapprendre ces pièces d'une autre manière. Il y a déjà tellement de façons de jouer une pièce sans en changer une seule note...

LSM : À Montréal, vous jouerez avec le chef Michel Plasson. Est-ce que vous le connaissez ?

HH : Je l'ai rencontré une fois. Je ne le connais donc pas très bien, mais je connais sa réputation et aussi des gens qui ont travaillé avec lui et l'ont apprécié, ce qui fait que j'ai hâte de le rencontrer à nouveau. The Lark Ascending de Vaughan Williams est une pièce magnifique. C'est d'ailleurs l'une des pièces favorites de ma mère et je vais l'enregistrer en décembre pour compléter un disque qui contiendra aussi le Concerto pour violon d'Edward Elgar. Le violon et l'orchestre s'y mélangent sans cesse, comme des vagues. C'est très beau. Quant au Concerto pour violon nº 2 de Bach, c'est le tout premier concerto de Bach que j'ai appris, vers l'âge de 12 ans, et je l'ai justement enregistré pour ce premier disque avec Deutsche Grammophon.

LSM : Vous devez bien le connaître !

HH : Je ne sais pas si je le connais bien, parce qu'on découvre toujours de nouvelles choses, mais une chose est sûre : je l'ai beaucoup travaillé !


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