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La Scena Musicale - Vol. 9, No. 1

Les examens de musique

Par Alexandre Boutebel / 3 septembre 2003

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Pour faire carrière en musique, il n'est pas toujours nécessaire de posséder un diplôme. Le véritable examen se passe sur scène. Pourtant, chaque année, plus de 400 000 étudiants de tous âges se présentent à un examen de musique.

Au Canada, le Royal Conservatory of Music Examinations (ou RCM Exams) est le plus grand centre d'examens. L'éducation musicale y est standardisée grâce à un programme précis, divisé en 10 années. Les pièces au programme de chaque année sont éditées par la maison Frederic Harris Music et disponibles chez la plupart des détaillants de partitions. Un des grands avantages du RCM réside dans la possibilité qu'ont les élèves de professeurs non affiliés de s'inscrire aux examens.L'activité du Conservatoire se concentre surtout dans le Canada anglophone. Au Québec, le McGill Conservatory of Music et l'École de Musique Vincent-d'Indy (tous deux situés à Montréal) possèdent leur propre département d'examens.

« En plus de donner aux candidats un objectif à atteindre, les examens offrent un sentiment de réussite et de progrès », commente Christopher Kowal, examinateur en chef des matières pratiques au RCM. « Il est important d'avoir l'opinion d'une tierce personne pour mieux connaître son propre niveau. » Journaliste pour le Globe and Mail, Judith Timson explique : « Pour mes fils, les exigences d'un programme sont un point de repère utile auquel ils peuvent se comparer. En choisissant le RCM, nous avons pris la route la plus conventionnelle. »

Les examens couvrent les matières pratiques et théoriques. Les candidats sont évalués en rudiments, harmonie, contrepoint, analyse et histoire. Les examens théoriques de l'ARCT (Associate of the Royal Conservatory of Music) incluent également l'histoire de la musique et l'orchestration. Durant l'examen pratique, le candidat doit présenter un certain nombre de pièces. L'évaluation se fait en tête à tête avec un examinateur impartial. Pour encourager la créativité et l'enthousiasme, certains établissements permettent un choix de répertoire incluant des compositions personnelles.

À Vincent-d'Indy, les étudiants peuvent passer des examens de la première à la dixième année, et ce, deux fois par an, tandis que le RCM propose trois sessions d'examens allant de la première à la dixième année. Au RCM, on peut également obtenir le diplôme de l'ARCT et le titre d'Associé du Conservatoire. Pour ceux qui désirent poursuivre des études universitaires en musique, Vincent-d'Indy offre le diplôme d'études collégiales en musique (DEC).

Les examens sont-ils une nécessité et quels les bénéfices

Si les examens sont obligatoires au Conservatoire de Montréal, il n'en est pas de même à Vincent-d'Indy et au RCM. Cependant, la plupart des professeurs de musique préconisent ce genre d'évaluation. L'examen pratique demande beaucoup d'effort et d'engagement de la part de l'élève. Plus celui-ci progresse, plus le répertoire devient difficile, mais aussi plus intéressant. « Les examens sont une porte vers les institutions postsecondaires », note Kowal. « Ils sont essentiels pour évaluer les progrès d'un élève », rajoute Jean-Phillipe Sylvestre, ex-élève de Vincent-d'Indy qui a obtenu son diplôme du Glenn Gould Professional School et dont la carrière s'annonce prometteuse.

Défi, satisfaction personnelle, conseils, diplômes... Les examens ne sont pas toujours la panacée qu'ils prétendent être. Tous les élèves n'ont pas les mêmes ambitions, ni la même résistance au stress, car ce dernier fait incontestablement partie intégrante de l'épreuve. Certains en tirent avantage, considérant la nervosité comme une bonne source d'énergie. Pour d'autres, la simple présence de juges devient un véritable cauchemar. Dans la plupart des cas, néanmoins, les élèves réussissent à gérer adéquatement leurs émotions. Une bonne préparation les aide à surmonter leur peur de la scène. « Mes fils ont vécu des moments difficiles, mais c'est un apprentissage tout à fait normal et sain », raconte Timson.

Professeure de piano à Vincent-d'Indy, Lucie Renaud diverge d'opinion : « Pour les élèves qui veulent rester amateurs, les examens ne sont pas une nécessité absolue. » Même si la majorité des élèves sont âgés entre 5 et 17 ans, certains adultes s'inscrivent également à une école de musique. Ils doivent alors maintenir un équilibre entre leur vie professionnelle et leurs aspirations musicales. La préparation exigeante des examens peut alors s'avérer difficile à suivre. Cependant, comme le remarque Yolande Gaudreau, directrice de l'École de musique de Verdun, « les examens fournissent aux amateurs un objectif et un cadre, en plus de leur donner un merveilleux sentiment de satisfaction personnelle ».

Le point de vue d'une élève
par Marguerite Tinawi

« M e présenter à un examen de piano, c'est un peu comme courir le marathon. Avec ma professeure, Thérèse Gingras, nous choisissons le répertoire un an à l'avance. Non seulement il faut apprendre et pouvoir interpréter les pièces, mais il faut également les connaître de mémoire. Il est souvent difficile de se concentrer uniquement sur quatre pièces pendant un grand laps de temps. Il n'est pas rare que les semaines précédant un examen, on pratique trois à quatre heures par jour.

À propos du stress... personne n'y échappe, je crois. Avant un examen ou un récital, je mange très peu, une banane et des raisins secs. De nature plutôt timide, ce n'est pas un grand plaisir pour moi que de m'exhiber sur scène. Avec le temps cependant, on y prend davantage plaisir. Parler devant un auditoire semble tout à coup très facile. Lorsqu'on s'exprime, on peut se tromper, puis se corriger, faire une blague et continuer. Au piano, toutes les erreurs s'entendent et il faut des talents d'improvisateur incroyables pour cacher un trou de mémoire.

On n'est pas nécessairement obligé de passer les examens très jeunes. Mme Gingras, par exemple, ne fait passer d'examen à ses élèves qu'à partir de la 7e année. Avant, dit-elle, le bout de papier n'est pas très révélateur et le répertoire assez restreint. Cependant, pour ceux qui n'ont pas l'occasion de jouer souvent en public, commencer plus tôt peut s'avérer bénéfique.

Conjuguer piano et travail scolaire est parfois complexe. On apprend à s'organiser plus rapidement. Chaque année, c'est un défi que je me lance. La sensation après avoir terminé un bel examen ou un récital est exaltante : c'est l'aboutissement de tant d'heures de pratique, d'espoir et de découragement. C'est le sentiment d'avoir mené à bout un énorme projet. Une belle récompense ! »

 Marguerite Tinawi a passé ses examens de piano à l'École Vincent-d'Indy.

[Tradution de Marguerite Tinawi]


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