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La Scena Musicale - Vol. 8, No. 6

Les sentiers du jazz - Sortie d'hiver

Par Marc Chénard / 2 mars 2003


L'année dernière, à la fin de mars, une manifestation artistique montréalaise marquait cinq ans d'existence. Un an plus tard, « Évidemment jazz » poursuit sa lancée avec une sixième édition, du 16 au 19 mars, inscrite sous le thème des générations du jazz. Une soixantaine de musiciens d'ici se partageront les honneurs lors de 11 concerts, tenus une fois de plus au Bar le Zest, mais dans un nouveau local, au 4200, rue Ontario Est (qui, nous informe-t-on, compte quelque 150 places de plus qu'à l'ancienne adresse de la rue Bennett).

Organisé par le diffuseur de spectacles « Faites de la musique », ce premier événement de jazz de l'année recevra de nouveau l'appui de la Chaîne culturelle de Radio-Canada et de son émission Silence, on jazze, ainsi que la collaboration de l'Off Festival de jazz de Montréal – dont le concert bénéfice du 31 janvier dernier s'est soldé par un spectaculaire succès qui laisse déjà entrevoir la tenue d'une quatrième édition vers la fin de juin.

Pour amorcer la série printanière, les 16 et 17 mars, des ateliers d'improvisation sous la direction du sympathique trio LML (Serge Langlois, guitare, Roberto Murray, saxophone, et Claude Lavergne, batterie) donneront l'occasion à des amateurs et à des musiciens en herbe de s'amuser un peu. Ces ateliers se termineront par une répétition publique le lendemain. Suivant cette première initiative, la ronde de concerts démarrera à compter du 19 avec « Un gars, six filles », une soirée pour trois chanteuses (dont Coral Egan), trois instrumentistes (notamment la saxophoniste Christine Jensen) et, à la batterie, le « gars », Gregg Ritchie. Si vous « groovez » à l'orgue, le No Name Sextet (le 20) atteint la cible. Il y aura aussi le saxo alto de François Carrier et son trio (le 21), et le ténor d'Yvan Belleau avec son septuor (le 22). Après une relâche, deux jeunes formations de la relève se diviseront la soirée du 25 (Rose-Aimée et ses Prétendants – si, si –, et le sextuor de Jocelyn Drainville), puis Yannick Rieu, le porte-parole élu de la série, et son « pentagone non acoustique » se produiront le 26, alors que le Bernard Primeau Jazz Ensemble offrira sa soirée latinisante le lendemain. Le 28, ce sera au tour des Projectionnistes d'offrir leur programme de musiques fanfaronnes, sous la direction de leur chef tromboniste, Claude Saint-Jean. Ce sera en soirée de clôture, le 29, que ces générations du jazz se retrouveront vraiment. Se partageront la scène pas moins de 16 musiciens de tout âge, dont notre légende locale, Nelson Symonds, tout comme Cisco Normand, Pierre Leduc et Paul Boogie Gaudet, représentants de la Ligue du Vieux Poêle, Normand Guilbeault, Ivanhoe Jolicoeur, Jean Vanasse et François Maurcarelle, les talents établis du Off Festival, et, enfin, une relève comprenant Alexandre Grogg, Alexandre Bellegarde et Philippe Lauzier. Vitrine sur le jazz essentiellement « mainstream » de Montréal, « Évidemment jazz » semble maintenant bien installé dans son nouveau fief de l'est de la ville. Souhaitons seulement que le méchant spectre de l'hiver le laisse tranquille cette année.

Information et inscriptions aux ateliers : (514) 380-3811

Songlines sgl 1040.

Le premier est clarinettiste, originaire du Québec mais vivant à Vancouver ; le second, français et pianiste. Tous deux ont une formation en musique classique et contemporaine, mais se sont taillés une place dans le monde des musiques improvisées au cours des 10 dernières années. Chapitre trois d'une collaboration entamée en 1997 avec un premier duo (Nancali), suivi d'un quintette (Pursuit – tous deux chez Songlines), cette nouvelle rencontre marque un autre bon pas dans le développement d'une trajectoire commune. Dans l'ensemble, le programme musical est introspectif, sans se réduire à de simples ambiances. Avant toute chose, il y a tout un travail de recherche de timbres sonores, tant par le pianiste qui « prépare » son instrument par-ci, par-là, que par le clarinettiste qui réussit à construire une pièce en solo absolu de plus de huit minutes (Apnésie) autour de sons multiphoniques, ceux-ci mis au service d'un sens aigu de la musicalité. Des 10 pièces, la dernière, Dés jetés, donne l'occasion aux musiciens de s'éclater un peu plus, à la manière d'un presto finale qui couronne bien le tout. De par leurs cheminements similaires ainsi que par leurs rencontres renouvellées, ce duo conjugue bien la méticuleuse discipline des musiques écrites avec l'ouverture de l'improvisation. Exigeante sans être ardue, réfléchie sans être calculée, la musique parvient à une synthèse des plus réussies entre deux mondes musicaux souvent jugés incompatibles entre eux. Marc Chénard

Charlie Biddle (1926-2003)

Il y a de ces gens qu'on appelle couramment des « personnages ». Ceux-là mêmes qui sont reconnus pour qui ils sont plutôt que pour ce qu'ils font. Charlie Biddle était justement de ce nombre. Qui l'avait vu le reconnaissait à son air plutôt renfrogné, à l'éternelle lyre qu'il portait autour du cou et à la contrebasse qui a été son seul moyen d'expression musicale.

Le mois dernier, il nous a donc quittés, au crépuscule de ses 76 printemps. Cloué au lit dans les dernières semaines de sa vie, c'est chez lui que cet A méricain d'origine surnommé « Monsieur Jazz Montréal » a reçu, en janvier dernier, le prix Calixa-Lavallée et qu'on lui a décerné l'Ordre du Canada.

Les funérailles ont eu lieu, le gratin du jazz local est allé le saluer une dernière fois. Sitôt les obsèques terminées, on a enchaîné avec la jam session de circonstance, ce rituel d'usage qui tient lieu de veillée funèbre.

Mais que reste-il de lui ? Le personnage, d'abord et avant tout. Les traces de « sa » musique (s'il en avait une) sur disque sont bien minces. Comme instrumentiste, il savait bien tenir ses quatre temps, mais au delà de ça... Somme toute, de ses 46 ans passés à Montréal, il laisse peu sur le plan musical, son héritage le plus marquant se résume en un restaurant où l'on joue du jazz. Tel est le sort réservé aux artisans. Et ça, Charlie Biddle l'a été jusqu'à son dernier jour. Marc Chénard


(c) La Scena Musicale 2002