Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 8, No. 6

Denise Djokic prend son envol

Par Lucie Renaud / 2 mars 2003


La jeune violoncelliste Denise Djokic, malgré ses 21 ans, semble promise à une brillante carrière, au Canada comme à l'étranger. Née dans une famille où la musique fait partie du quotidien (papa joue du violon, maman du piano et tous deux enseignent la musique à l'Université Dalhousie de Nouvelle-Écosse), elle a très tôt fait ses premiers pas musicaux, d'abord au violon. Pourtant, l'instrument ne la comblait pas totalement. Elle raconte que, toute petite, elle a empoigné le violon de son père et, sans jamais avoir aperçu de violoncelle de sa vie, l'a placé entre ses jambes pour en jouer. À l'âge de 12 ans, elle plonge et décide de se consacrer totalement à l'instrument au timbre velouté.

Les dures années de labeur portent fruit. En 1997, elle gagne le Concours de l'OSM et le Concours international de cordes de Johansen. L'année suivante, elle décroche le premier prix du Concours international pour cordes Irving M. Klein. Elle a depuis bénéficié du prêt de deux instruments exceptionnels. On lui prête depuis peu le célèbre violoncelle dit Bonjour, fabriqué par l'inégalée maison Stradivarius en 1696 (un instrument estimé à six millions de dollars). L'année dernière, la compagnie de disques Sony l'a prise sous son aile (la première artiste classique canadienne à l'être) et lui a laissé une totale liberté créatrice pour enregistrer son premier disque, paru en avril 2002, qui regroupe des oeuvres de Britten, de Martin°u et de Janácek (critique parue dans le numéro de février 2003 de La Scena Musicale).

Même si ses engagements avec des orchestres réputés se multiplient, Denise Djokic poursuit des études de niveau supérieur au prestigieux New England Conservatory de Boston. Pas toujours facile de jumeler un horaire d'étudiante avec celui de concertiste ! Ses absences trop nombreuses ont d'ailleurs causé son expulsion de l'institution l'année dernière, mais la situation a bien sûr été corrigée depuis. « J'essaie de trouver des occasions de relever des défis et j'aime découvrir de nouvelles choses. Parfois, je me sens dépassée par les événements mais, en même temps, tellement motivée », explique la violoncelliste d'une voix douce et posée. Ces années d'apprentissage lui permettront de se faire une meilleure idée de toutes les facettes de la profession qu'elle a embrassée. Un des aspects qui lui déplaît particulièrement reste la compétition féroce dans le circuit professionnel. « La pression peut causer chez moi un blocage complet et a par moments tué mon désir de faire de la musique », mentionne-t-elle. Pour l'instant, elle semble ravie de pouvoir évoluer dans un environnement musical et scolaire qui la soutient et la pousse au dépassement.

Quand on demande à la blonde jeune fille de se décrire en tant qu'individu plutôt qu'instrumentiste, elle hésite, peut-être saisie par le décalage entre son image de marque (véhiculée par des photos qui ne dépareraient pas les pages d'un magazine de mode, mais avec laquelle elle s'avoue relativement à l'aise) et son intimité. « Je ne suis pas quelqu'un de très extraverti, mais je suis très sociable en même temps, dit-elle en riant. J'aime les gens, voyager, faire de nouveaux contacts et découvrir de nouvelles cultures. Le fait de pouvoir percevoir les choses sous plusieurs angles est un des côtés que je préfère de la carrière musicale. »

À court terme, elle veut développer son amour du répertoire et multiplier les occasions de jouer en public. Elle espère aussi pouvoir proposer des formules novatrices de programmation qui lui permettraient de faire des tournées à thème, par exemple l'intégrale des suites de Bach ou de celles de Britten, ou les sonates de Beethoven. Dans ses rêves, elle se voit également enseigner. Déjà, elle ne rate pas une occasion de transmettre son enthousiasme à la toute jeune génération en donnant, quand son horaire le permet, des cours de maître. « L'enseignement me permet de découvrir des choses sur moi-même à travers ma façon d'approcher les oeuvres musicales. Pour les jeunes, il est si important d'avoir des modèles et de réaliser que la pratique musicale peut mener à une vie agréable et non pas seulement rester un but inaccessible », explique-t-elle. La musique de chambre fait aussi partie de son monde idéal. Déjà sous le charme, elle rêve d'un quatuor régulier avec lequel partager son amour du répertoire. En attendant, elle aura l'occasion dans quelques mois d'interpréter le Triple Concerto de Beethoven, avec ses parents. Les projets abondent, les rêves s'ébauchent. Qui sait où tout cela la mènera. Une carrière à suivre...

Denise Djokic sera l'invitée de l'Orchestre Métropolitain du Grand Montréal les 17, 18, 23 et 25 mars (voir le calendrier). Elle présentera le Concerto d'Elgar, une musique qui l'habite depuis plusieurs années. « J'ai souvent joué cette oeuvre extrêmement substantielle, avec laquelle j'ai beaucoup de plaisir à évoluer, dit-elle. Ce sera une expérience formidable de pouvoir l'interpréter à Montréal. Je l'ai travaillée avec mon professeur actuel, Laurence Lesser, mais aussi avec d'autres, ce qui me permet d'en extraire plusieurs niveaux, maintenant que j'en suis plus détachée. Je ressens un lien très fort avec ce concerto qui me rejoint intimement. Je me sens beaucoup plus à l'aise d'interpréter des oeuvres pour lesquelles j'éprouve de profondes affinités, et le concerto d'Elgar est de celles-là. Mon amour pour la pièce et mon inspiration rendront certainement ce concert excitant à mes yeux. »


(c) La Scena Musicale 2002