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La Scena Musicale - Vol. 7, No. 2

La thérapie par la musique

Par Ewelina Boczkowska / 1 octobre 2001

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La musique soulage, guérit, épanouit, et cela depuis toujours. Sa reconnaissance officielle comme outil de travail thérapeutique ne date, cependant, que des années 1950. Depuis, la profession prend tranquillement sa place dans divers milieux de travail et la documentation qui s’y rattache continue de croître. L’interaction entre le client, le thérapeute et la musique judicieusement appliquée, donne des résultats manifestes, de l’établissement d’un lien entre la société et l’individu à l’amélioration de la qualité de vie.

Les musicothérapeutes travaillent dans les écoles spécialisées, les prisons, en pratique privé, en milieu hospitalier, bref, partout où il y a de la demande. Ils desservent une clientèle diverse et de tous âges : enfants autistiques, handicapés mentaux, personnes âgées, et autres. Deborah Salmon, musicothérapeute à l’Hôpital Royal Victoria visite des patients en soins palliatifs. Elle compose une chanson avec un client, improvise avec un autre, interprète l’air national préféré d’un émigrant ou régularise la respiration d’un client en l’adaptant aux rythmes joués à sa flûte. « Grâce à la musique, raconte-elle, on arrive à réconforter, à briser l’isolement, à apaiser les craintes face à la mort. » Lilian Eyre, de son côté, anime des sessions de musicothérapie en psychiatrie des adultes à l’Hôpital général de Montréal. La musicothérapeute opte pour des improvisations en groupe. Les clients expriment, sur des instruments de leur choix, leur état d’âme et leurs idées. Durant ces dialogues musicaux, ils doivent faire certains compromis, adaptant leur jeu à celui des autres. « Les clients anxieux, schizophrènes, maniaco-dépressifs développent ici des habiletés essentielles pour fonctionner en société », explique Lilian Eyre. Depuis trois ans, elle coordonne aussi une chorale, MusicArt, avec le Dre Marie-France Bourdeault. Ce projet innovateur, couronné du premier prix de l’Association canadienne de psychiatrie en 2000, demande motivation, discipline et concentration. « À la suite de cette expérience, certains clients ont réintégré la société par le bénévolat ou le travail à temps partiel », atteste la musicothérapeute.

Pour découvrir l’unicité de la musicothérapie, il faut examiner les caractéristiques propres à la musique, précise Debbie Carroll, professeur en musicothérapie à l’UQAM. La musique offre une palette de paramètres (note, rythme, dynamique, timbre, texture) grâce auxquels une personne peut s’exprimer simultanément sur plusieurs niveaux, contrairement à l’expression verbale qui, elle, est linéaire. La musique éveille aussi des réponses diverses : le choix musical se fera donc en fonction de l’objectif encouragé dans le processus de traitement. La musique présente, enfin, un cadre sécurisant avec un début, un temps fort et une fin définis. Le rôle du musicothérapeute peut s’apparenter à celui du coordonnateur d’une pièce impromptue : il guide les séances sans s’imposer. Il veille à ce que l’évènement reste une expérience toujours positive et enrichissante. Le métier exige surtout une flexibilité musicale pour arranger et transposer des mélodies, l’apprentissage d’un instrument principal et l’usage fonctionnel du chant et de la guitare.

La formation de musicothérapie au baccalauréat est offerte, au Canada, dans quatre universités : Capilano College en Colombie-Britannique, Windsor et Wilfrid Laurier en Ontario et l’Université du Québec à Montréal. Le programme comprend des cours généraux en musique, un volet appliqué à la musicothérapie (la méthodologie de travail, des techniques et approches avec différentes clientèles) et trois stages. « Si les cours académiques donnent une bonne base théorique, ce sont surtout les stages et l’internat qui permettent d’apprendre le métier et devenir autonomes », affirme Debbie Carroll. Le bac terminé, l’étudiant complète un internat de 1000 heures supervisées afin de d’obtenir le titre professionnel décerné par l’Association canadienne de musicothérapie. Le musicothérapeute accrédité doit faire preuve de débrouillardise et de volonté afin d’établir sa place.

Les musicothérapeutes sont souvent confrontés à la réalité de la jeune profession : des contrats à temps partiel, la nécessité de créer leurs propres emplois, le manque de soutien financier surtout dans les hôpitaux où, appréciée, la musicothérapie n’est pas perçue comme essentielle. Toutefois, Lilian Eyre reste optimiste car, une fois créées, les ouvertures demeurent. « Les effets de la musicothérapie sont visiblement reconnus. Plus il y a de musicothérapeutes, plus il se fait de recherche et de publication dans le domaine. » L’Université Wilfrid-Laurier offre une maîtrise depuis cette année. On parle d’un projet conjoint de maîtrise, Thérapie par les arts, entre L’UQAM et Concordia. En juillet 2002, il se tiendra à Oxford un dixième congrès mondial édié à la musicothérapie. Au pays, l’Association canadienne de musicothérapie organise des conférences et des ateliers pour démystifier le travail des musicothérapeutes. Debbie Carroll mentionne le nombre grandissant de publications. Tous ces progrès sont rendus possibles grâce au travail quotidien des musicothérapeutes passionnés. Le défi reste entier pour continuer à faire connaître la musicothérapie.


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(c) La Scena Musicale 2002