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La Scena Musicale - Vol. 6, No. 7

LE CENTRE D’ARTS ORFORD: LE COEUR A SES RAISONS…

Par Lucie Renaud / 1 avril 2001

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Quand on mentionne le nom d’Orford à des non mélomanes, plusieurs mots viennent spontanément à l’esprit: ski excitant, camping dépaysant, auberges accueillantes. Si on pose la même question à un musicien, le cri viendra immédiatement du coeur: on mentionne l’atmosphère du Centre d’Arts, les rencontres exceptionnelles qu’on y a faites, la qualité de l’enseignement, la force des liens tissés, les concerts, les nuits blanches à échanger sur la musique et sur la vie de musicien… Des souvenirs plein la tête, certes, mais plus encore une affection, une loyauté, une constance, des plus anciens campeurs jusqu’aux petits derniers: une session (ou plusieurs) à Orford ne s’oublie pas!

Fondé en 1951 par les Jeunesses Musicales du Canada, le camp musical est la concrétisation du rêve un peu fou d’Anaïs Allard-Rousseau, Laurette Desruisseaux-Boisvert, l’abbé Joseph-Hector Lemieux et Gilles Lefebvre, qui en assurera la direction de 1951 à 1972. Monsieur Serge Carreau, stagiaire en 1954 en flûte traversière, qui a ensuite occupé tour à tour les postes d’adjoint de Gilles Lefebvre et de conseiller architectural lors de la construction de la salle de concert et qui siège maintenant au conseil d’administration depuis 1990, parle de Gilles Lefebvre en ces termes: « C’était un homme d’un dynamisme incroyable, difficile à suivre, exigeant envers lui-même comme envers les autres. Il possédait un sens de l’organisation unique pour transformer le rêve en réalité et ne baissait jamais les bras devant quelque difficulté que ce soit. Il savait être très persuasif et générait l’enthousiasme nécessaire pour rallier les gens à ses idées. »

À partir de 1974 seront présentés les premiers ateliers et concerts de musique baroque à l’abbaye St-Benoît-du-Lac. Lors d’un tel atelier, Luc Beauséjour tombe sous le charme du clavecin. « J’avais alors 17 ans. Bernard et Mireille Lagacé avaient proposé aux pianistes d’essayer les Préludes et fugues de Bach au clavecin, se rappelle-t-il. J’ai sauté sur l’occasion et j’ai eu le coup de foudre. L’année suivante, j’ai décidé de m’inscrire au camp en orgue et en clavecin, au grand désespoir de mon professeur de piano. Après le stage, je me suis inscrit au conservatoire en orgue et en clavecin, totalement conquis par ce répertoire. »

Dès 1955, des articles visuels, puisant leur inspiration dans la
nature environnante, participaient déjà à des stages (tenus
après la période du camp musical). L'art a toujours côtoyé
avec beaucoup de succès la musique: l'artiste Jean-Paul
Mousseau avait déjà conçus en 1960 les lampes que l'on
retrouve dans la rotonde de la salle de concert. La même
année, la sculpture Vivace, devenue le symbole visuel
du Centre  d'Arts, est installée. En 1974, on accueille des
expositions d'Alfred Pellan, de Jean-Paul Lemieux et
de Jean-Paul Riopelle. En 1983 est mis sur pied le premier
symposium canadien du mosaïque. En 1992, on peut admirer
le premier "jardin in situ" qui mêle arts visuels et musique.

Cette vocation révélée grâce au Centre d’Arts n’est pas unique, au contraire. Plusieurs interprètes de renom ont également foulé ces lieux inspirants pendant leurs années d’études avancées. L’endroit est presque devenu lieu de passage obligé, en grande partie grâce à la renommée internationale des pédagogues que le Centre accueille. Parmi ceux qui retournent, fidèles, mentionnons le violoniste Lorand Fenyves (depuis 1965), l’altiste Terence Helmer (membre du quatuor Orford), Janos Starker, Menahem Pressler et Yuval Yaron (qui mènent de front, tous les trois, carrière internationale et enseignement à la prestigieuse Université Indiana à Bloomington), Marc Durand (professeur invité depuis 20 ans), André Laplante (soliste et professeur au Glenn Gould School of Music) et la majorité des premières chaises de la section des vents de l’OSM. Pour la directrice artistique Agnes Grossmann, il était essentiel de faire venir les grands maîtres plutôt que de laisser partir les meilleurs musiciens. « La mission du camp pourrait se résumer ainsi, précise-t-elle: donner aux jeunes musiciens à l’aube de leur carrière les outils nécessaires pour développer leur personnalité musicale. Chacun a son chemin à faire, différentes étapes à franchir et le processus ne devrait pas être bousculé au profit de la compétition qu’on rencontre souvent dans le domaine. Le Centre d’Arts est le lieu où réalisation et formation musicales se complètent. »

La qualité des concerts présentés à Orford a, dès les débuts, été exceptionnelle, mettant régulièrement en vedette les talents des professeurs, mais incluant également d’autres artistes de calibre international — les chanteurs Pierrette Alarie et Léopold Simoneau avaient par exemple eu l’occasion de vérifier l’acoustique de la salle dès 1960. Pourtant, la série de concerts la plus populaire auprès du public reste certainement les concerts de stagiaires, présentés à la Salle Gilles-Lefebvre et en tournée dans la région, — « l’école en tournée » qui a fêté ses 10 ans en 1999 — ou les toujours très populaires brunchs musicaux sur les pelouses du Centre. Mme Marthe Gaudette fréquente les concerts depuis 1963. Quand est venu le temps de la retraite, leur attrait fut si fort qu’elle déménagea à quelques kilomètres des haies qui bordent la salle de concert et qu’elle a vues grandir. « J’y viens quatre ou cinq fois par semaine. Si on aime la musique, c’est ce qu’il y a de mieux dans la région, assure-t-elle. De plus, la qualité des concerts des stagiaires ne cesse de s’améliorer au fil des ans. Plusieurs de ceux que j’ai eu l’occasion d’entendre lors de ces concerts gratuits font maintenant de belles carrières. »

Les années filent mais la magie reste: les souvenirs se cristallisent, les rêves jaillissent et les carrières prennent leur essor, témoignant mieux que tout de la vitalité du Centre d’Arts Orford.

Vous ou vos amis avez été stagiaire au camp? Ne manquez pas la journée de retrouvailles du dimanche 4 août 2001, consacrée aux surprises, à la bouffe et, bien sûr, à la musique. Pour information: (819) 843-3981 ou

1 800 567-6155. Courriel: arts.orford@sympatico.ca


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