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La Scena Musicale - Vol. 5, No. 5

Leon Fleisher : pédagogue, influent depuis 40 ans

Par Lucie Renaud / 1 février 2000

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Leon FleisherNé en 1928, Leon Fleisher commence à apprendre le piano dès l’âge de quatre ans et demi. À l’âge de neuf ans, il est présenté au légendaire Arthur Schnabel, que ses aptitudes renversent. Il part étudier avec le maître l’été suivant à Tremezzo (Italie) et restera à ses côtés pendant 10 ans. En 1952, il remporte le concours Reine Élisabeth, en Belgique, et une brillante carrière s’annonce pour lui. Mais en 1965, âgé de 37 ans seulement, il doit cesser ses activités de concertiste. Ses sessions intensives de pratique quotidienne lui ont paralysé la main droite. Ce moment tragique transformera la carrière de Fleisher. « J’ai tout à coup réalisé que la chose la plus importante dans ma vie n’était pas de jouer avec mes deux mains; c’était la musique », dira-t-il en entrevue à La Scena Musicale. Son enseignement prend alors plus d’importance, tant au Peabody Institude de Baltimore qu’à l’institut Curtis à Philadelphie. Il explore le répertoire pour la main gauche et se met à la direction d’orchestre. Depuis 1995, grâce à sa détermination et à une technique de massage profond appelée Rolfing, sa main, crispée depuis 30 ans, s’est progressivement assouplie. Il est maintenant de retour dans le circuit classique et espère retrouver le plein usage de sa main droite.

Au fil des ans, Fleisher est devenu une institution à Peabody. Maintenant âgé de 70 ans, il dirige le prestigieux département de musique et les étudiants l’appellent affectueusement « the Obi-Wan Kenobi of the piano » (en référence au sage du film Star Wars). Il enseigne au Glenn Gould School de Toronto depuis peu (il s’y rend 4 ou 5 fois par année y tenir des cours de maître). « J’apprécie particulièrement l’école et son atmosphère différente, dit-il, ses critères de sélection uniques et le haut niveau de ses étudiants. » Comme Schnabel, Fleisher donne peu ou pas de leçons privées. Tous ses élèves peuvent assister aux leçons des autres. « Je considère que cette approche, des plus bénéfiques pour les élèves, est aussi très stimulante pour le professeur. Cela devient tellement abrutissant de répéter la même chose à chaque élève! Dans un groupe, les élèves en viennent à comprendre qu’ils partagent tous, à un niveau ou à un autre, les mêmes défis, les mêmes problèmes. »

Il fait le parallèle entre le travail du pédagogue et celui du médecin. Un diagnostic doit d’abord être posé (« Qu’est-ce qui ne fonctionne pas? »), puis un remède, envisagé (« Voici comment régler le problème, technique ou autre. »). Pour Fleisher, « la technique est l’habileté de faire ce que l’on veut. L’idée de deux aspects musicaux dissociés est un non-sens. On doit pratiquer les passages difficiles avec l’intention musicale appropriée. Il est important que les pianistes apprennent à travailler en dehors du piano. L’oreille intérieure doit être entraînée, les intentions musicales analysées. Il faut à tout prix éviter de gaspiller des heures en répétitions sans but ».

Son travail de pédagogue le remplit de satisfaction : « Mon plus grand plaisir est de constater l’éclair de compréhension dans le regard d’un élève, le moment que j’appellerais l’instant "ha!ha!". Le pédagogue se doit d’être irrésistible, de trouver LA façon de transmettre l’information au jeune pianiste. Il faut servir la musique. »

 


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