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La Scena Musicale - Vol. 5, No. 2

L'« effet Mozart »: fiction ou réalité ?

Par Lucie Renaud / 1 octobre 1999

English Version...


Pour ou contre l'« effet Mozart »? Les médias semblent s'être emparés avec délectation de cette nouvelle controverse. Mais en est-ce vraiment une? D'abord, comment définir ce mystérieux effet? Après la lecture du livre de Don Campbell, The Mozart effect, on constate que, pour l'auteur, il ne se résume pas à l'utilisation thérapeutique de la musique de Mozart. On peut l'obtenir en fredonnant, en dansant sur une musique rythmée ou en écoutant une ¦uvre qui nous inspire.

Le choix des sons qui provoqueront l'effet doit donc être laissé à chacun. Seule contre-indication : la musique que l'on écoute trop fort. La voix humaine reste cependant l'outil le plus puissant pour transformer la douleur et la tristesse en bien-être. Cela expliquerait l'enthousiasme des amoureux du répertoire opératique qui vont au concert pour entendre les chanteurs tenir les notes hautes. L'auditeur attend l'apogée vocale, qui le libérera de ses tensions et lui procurera un plaisir intense.

Le public a découvert l'effet Mozart en 1993 grâce à une étude menée par le Dr Frances Rauscher de l'Université de Californie à Irvine. Avec ses collègues, elle avait observé que 36 étudiants au baccalauréat en psychologie avaient obtenu des résultats de 8 ou 9 points plus élevés lors de leur test de QI spatial après l'écoute, pendant 10 minutes, de la Sonate pour 2 pianos en ré majeur , K.448, de Mozart. L'effet observé n'avait duré que 10 ou 15 minutes, mais l'équipe du Dr Rauscher avait quand même établi une corrélation entre la musique et les aptitudes au raisonnement spatial. Les résultats, interprétés par les médias, se sont transformés en une phrase péremptoire : « L'écoute de la musique de Mozart augmente l'intelligence »

On semble avoir oublié que les études ont été menées sur des sujets universitaires et non sur de jeunes enfants. Les chercheurs n'y ont pas analysé le cerveau des participants. Ils ont simplement constaté un comportement. En 1999, des chercheurs de l'Appalachian State University ont reproduit l'étude d'Irvine, mais sans succès. Les médias, cette fois, ont tout de suite crié à la supercherie! Le Dr Rauscher, maintenant professeur à l'Université de Wisconsin, a exprimé ses réticences quant au traitement réservé par la presse à l'effet Mozart, les généralisations nuisant à la crédibilité des scientifiques. « Je crois essentiel de permettre aux enfants de participer à des expériences culturelles enrichissantes. Par contre, je crois que l'argent serait mieux utilisé s'il était injecté dans des programmes d'éducation musicale », soulignait le Dr Rauscher dans une entrevue accordée au Times.

Après tout, la musique possède des vertus que les chercheurs ne parviendront peut-être jamais à interpréter clairement. Nous devrions seulement être ravis qu'elle ait enfin pris une place plus importante dans notre société.

Alfred A. Tomatis, le « docteur Mozart »

Le Dr Tomatis, otho-rhyno-laryngologiste, chirurgien, psychologue et inventeur, étudie depuis 50 ans les secrets de l'oreille. Surnommé Dr Mozart par ses patients, il a été le premier à parler de l'« effet Mozart », qui lui a inspiré une méthode particulièrement utile pour traiter les problèmes d'apprentissage et les troubles de comportement.

Selon Tomatis, la première fonction que remplit l'oreille, chez le f¦tus, est d'aider à la croissance du cerveau. Malgré les bruits ambiants (c¦ur, respiration et digestion de la mère), celui-ci distingue très bien la voix maternelle dès quatre mois et demi. Cette perception est essentielle. Si la nourriture transmise par le cordon ombilical alimente le corps, les ondes sonores, elles, nourrissent le cerveau. À la naissance, l'oreille transforme les ondes sonores en impulsions électro-chimiques qui chargent le néo cortex et, par lui, le système nerveux entier se met en branle.

Notre système nerveux peut ainsi se « recharger » ou se « décharger » grâce aux sons qui nous entourent. Les hautes fréquences énergisent le cerveau, tandis que les basses le drainent de son énergie. Pour contrer l'effet nuisible des basses fréquences, Tomatis prescrit une thérapie sonore à ses patients. lI croit que depuis l'instant de notre conception, nous bloquons les fréquences qui nous rappellent des traumatismes. Le but de sa technique est de rééduquer les muscles de l'oreille interne, de façon à laisser de nouveau percevoir à l'oreille toute la palette sonore. La rééducation de l'oreille se fait par l'écoute d'¦uvres de Mozart ‹ dans lesquelles on retrouve une abondance de hautes fréquences, particulièrement dans les concertos pour violon ‹ qui ont été filtrées. L'invention du Dr Tomatis, baptisée « oreille électronique », consiste en des écouteurs modifiés permettant la transmission du son par l'air, mais également par les os.

Tomatis a également découvert que la voix ne reproduit que les fréquences perçues par l'oreille. Il a démontré, de plus, qu'une des deux oreilles demeure toujours privilégiée dans l'écoute. Quand c'est l'oreille droite qui perçoit d'abord les sons, l'analyse de ceux-ci se fait plus facilement. Cette notion est particulièrement importante pour les musiciens et les chanteurs. Le chercheur raconte d'ailleurs, dans son autobiographie, comment Maria Callas était venu le consulter, incapable de continuer à chanter, ne contrôlant plus sa voix avec son oreille droite. Après la rééducation de son oreille interne, la diva a poursuivi sa carrière avec le succès que l'on sait.

Plus de 200 centres Tomatis partout dans le monde accueillent maintenant des patients, certains présentant des troubles graves, d'autres désirant simplement développer une écoute plus attentive.

Le CD « Mozart effect : Music for children »

L'« effet Mozart » est devenu, disons-le, une vaste campagne de marketing. En plus des disques « officiels » endossés par Don Campbell, plusieurs compagnies tentent, grâce à cet artifice, de revitaliser leur catalogue Mozart! J'ai eu l'occasion d'écouter la compilation de 3 CD destinés à « ouvrir l'esprit » des jeunes et des moins jeunes. Le texte du feuillet explicatif ressemble un peu à de la propagande et ne cite, évidemment, que des données positives sur la musique de Mozart... On nous conseille de l'utiliser comme musique de fond, tout en effectuant une autre tâche. L'effet se dissiperait, paraît-il, après 25 minutes. Je dois dire que mon oreille musicale n'aurait pu, de toute façon, supporter plus longtemps ces arrangements parfois assez étranges! Par contre, les jeunes auditeurs qui ont participé avec moi à cette écoute ne semblaient pas bouder leur plaisir. Les ¦uvres enregistrées sous leur forme originale m'ont toutefois paru nettement plus satisfaisantes. La musique de Mozart, mal interprétée, peut être aussi toxique que le pire heavy metal! À consommer avec modération!


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