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La Scena Musicale - Vol. 5, No. 2

L'industrie indépendante du disque classique au Québec -­ suite

Par Anne-Catherine Hatton / 1 octobre 1999

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Dans sa dernière livraison, La Scena Musicale proposait la première partie d'un tour d'horizon de l'édition phonographique classique au Québec. En voici la suite.

Depuis quelques semaines, le paysage discographique québécois compte un nouvel acteur. Après avoir revendu ses parts dans la maison Analekta dont il a été le cofondateur, Pierre Boivin, fort de 25 ans d'expérience à tous les échelons de l'industrie du disque, lançait récemment sa propre maison, les Productions Riche Lieu. Des débuts rapides, si l'on en juge par le nombre de parutions prévues pour 1999-2000 ‹ une cinquantaine de titres, dont la moitié en musique classique ‹ et par le calibre des artistes à l'honneur dans sa première production intitulée Fête galante, où l'on trouve réunis la soprano Karina Gauvin et le pianiste Marc-André Hamelin. Sous le nouveau label « Radio », dans le cadre d'une entente de partenariat exclusif conclue en avril dernier avec la Radio française de Radio-Canada, la société de Pierre Boivin produira et mettra en marché des réalisations de la radio publique ayant essentiellement pour vedettes des artistes d'ici à la réputation bien établie, comme la violoniste Anne Robert, le violoncelliste Guy Fouquet ou la flûtiste Lise Daoust. La relève ne sera pas négligée pour autant, puisque les Productions Riche Lieu ont en chantier plusieurs enregistrements de lauréats de la Fondation des Jeunesses musicales. L'édition de disques classiques peut-elle être rentable? Pierre Boivin, qui se décrit comme un « éternel optimiste », en est convaincu, dans la mesure où l'on respecte un juste équilibre entre les raretés et les produits destinés au grand public et où l'on tient compte, même pour cette dernière catégorie, de la saturation du marché : « Même quand ils veulent des produits grand public, les gens cherchent ce qui se démarque, ce qui dérange », observe-t-il. Oui au mainstream, donc, mais agrémenté d'un zeste d'originalité.

Pierre Boivin n'est pas le seul à mettre son expérience de la distribution au service de l'édition discographique. Le distributeur Interdisc possède à son actif la production d'une dizaine de titres en musique classique, sous son label Oratorio, avec des formations comme l'Ensemble Claude-Gervaise et l'Ensemble Nouvelle-France. La maison de distribution Pelléas, quant à elle, lançait en mai dernier les quatre premiers titres ‹ si l'on exclut la parution il y a deux ans du Clavier bien tempéré enregistré par Scott Ross ‹ de sa propre étiquette, Disques Pelléas. Donner leur chance à des talents locaux de grande qualité souvent injustement ignorés par les autres maisons, voilà un rêve que caressait depuis longtemps Ossama el Naggar, chimiste de formation et ancien responsable du marketing chez Polygram, rêve qu'il concrétise en pilotant ce nouveau label qui nous propose notamment le premier volume d'une intégrale Debussy par le pianiste Louis-Philippe Pelletier. Chez Pelléas, on souhaite voir le catalogue grossir, mais sans brûler les étapes et sans renier la politique éditoriale de la maison. « On mise sur des enregistrements qui suspendent le temps, qui dureront, explique Georges Nicholson, directeur artistique de cette nouvelle maison. Le disque est un produit jetable, mais s'il est bon, il nourrit, laisse des traces. C'est peut-être un cliché, mais je veux aller chercher cet instant qu'on n'aurait pas s'il n'était pas enregistré, capter ce moment parfait. » Cette recherche de la qualité hors des sentiers battus s'applique aussi bien aux artistes qu'au répertoire ; ainsi, une des prochaines parutions sera consacrée à deux compositeurs québécois du XXe siècle, Claude Vivier et Michel-Georges Brégent. Dans cette aventure qui relève pour l'instant du mécénat (la rentabilité n'étant qu'un objectif à long terme), l'expérience de la distribution d'Ossama el Naggar et les contacts qu'il a développés au fil des ans dans le monde entier sont de précieux atouts. Ils lui ont permis de passer, dès la sortie de ses premiers titres, à l'étape de leur diffusion internationale, plus importante selon lui que le développement du marché local.

En effet, le marché québécois n'étant pas élastique, même s'il s`y consomme plus de musique classique et qu'on y est davantage porté à encourager ses propres artistes que ses voisins, la conquête des marchés étrangers est une étape quasi obligée pour qui veut se développer. Pour ce faire, les plans de bataille varient. Le mois prochain, nous verrons comment certaines compagnies d'ici ont choisi de donner, dès le départ, un caractère international à leur catalogue.

 


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(c) La Scena Musicale 2002