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La Scena Musicale - Vol. 5, No. 1

On a volé le violoncelle d'Amanda Forsyth

Par Philip Anson / 1 septembre 1999

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Quelle tuile pour Amanda Forsyth, au moment de terminer sa première année au Centre national des Arts d'Ottawa comme premier violoncelle! Une semaine avant son dernier concert de la saison, on a volé son «âme » : son instrument, un David Wiebe de 30 000$, avait disparu du son casier au CNA. Quelques jours après qu'on l'ait retrouvé sain et sauf dans une maison de la région de la Gatineau, la musicienne de 33 ans n'était pas encore remise de ses émotions.

Son précieux violoncelle, brun clair et légèrement verni, a été fabriqué par Wiebe — qui a aussi fait un alto pour Yehudi Menuhin — en 1981. Jack Lorius, qui a entretenu le violoncelle d'Amanda Forsyth, parle du luthier avec admiration : «Il va dans la forêt, entaille les arbres, cherchant le bon de façon presque mythique. » L'instrument ne se compare cependant pas à un Stradivarius, qui peut valoir jusqu'à un million de dollars. «C'est probablement le violoncelle qui a le moins de valeur au Centre national des Arts, admet la musicienne lors d'une rencontre à Ottawa, mais nous avons beaucoup vécu ensemble. »

Amanda Forsyth et son violoncelle ont partagé une des ascensions musicales les plus rapides de cette décennie au pays. Le succès, semble-t-il, était déjà dans les gènes de cette interprète choyée par la nature. De son père, Malcolm Forsyth, compositeur et trombone à l'Orchestre symphonique d'Edmonton, elle tient son sens musical. De sa mère Lesley, qui fut ballerine, elle a hérité d'un corps souple et d'un sens du rythme très sûr. Amanda a commencé à jouer à trois ans avec un mini-violoncelle, un alto auquel on avait attaché un support. Elle a étudié quelques années avec le célèbre violoncelliste William Pleeth, et a joué à Londres pour la regrettée Jacqueline Du Pré. «C'était mon idole », dit Forsyth.

Au début des années 1980, la musicienne étudie à Vancouver, même si elle se sent prête pour des études préparatoires à la célèbre école de musique Juilliard. «J'étais prête pour New York, mais mes parents ne l'étaient pas. » Aussitôt ses 18 ans sonnés, elle s'envole enfin pour les États-Unis. Depuis la fin de ses études en 1989, les orchestres canadiens s'arrachent le talent d'Amanda Forsyth. Elle passe de l'Orchestre symphonique de Toronto à l'Orchestre philharmonique de Calgary où elle devient premier violoncelle, puis à l'Orchestre du CNA. Sa carrière sur disque emboîte le pas à sa carrière orchestrale. En 1998, elle enregistre Electra Rising sous étiquette Radio-Canada, un concerto de son père écrit pour elle, et qui lui vaut un Juno. Elle enregistre également Envol avec Agamemnon, chez Marquis Classics.

La perte de son violoncelle est arrivée à un très mauvais moment : Amanda avait trois concerts et un enregistrement prévus juste un peu après la disparition de l'instrument. Elle a dû annuler un concert, mais a quand même enregistré avec un violoncelle d'emprunt. Lorsque les policiers ont retrouvé le Wiebe, une semaine plus tard, la musicienne a couru au poste de police où elle a improvisé un petit concert pour vérifier l'état de l'instrument, un peu comme une mère qui compte les doigts de son enfant nouveau-né. «J'avais des cauchemars, je croyais qu'il avait été complètement détruit! », nous dit-elle avec soulagement.

Le vol du violoncelle d'Amanda Forsyth a attiré insidieusement l'attention des médias sur sa relation avec le directeur artistique du CNA, Pinchas Zucherman, qui est en instance de divorce d'avec sa seconde femme, l'actrice Tuesday Weld. Que les rumeurs soient vraies ou non, Forsyth a en tout cas l'intention de s'installer à Ottawa. «Je viens tout juste de vendre ma maison de Calgary », admet-elle. Mais les rumeurs n'ont pas terni sa réputation d'interprète. Elle enregistrait, il y a quelques semaines, les Quatuors pour flûte de Mozart avec Zucherman et la trame sonore d'un film produit par Rhombus pour les disques CBC : Les quatre saisons, un ballet de Veronica Tennant. D'autre part, Amanda Forsyth sera soliste au Centre national des Arts la saison prochaine. Elle mentionne souvent «Pinchas » dans la conversation et apprécie beaucoup sa direction. «Je crois que le CNA va bientôt prendre une place importante dans le monde musical avec Pinchas et les nouveaux patrons », dit-elle, faisant allusion aux nouveaux membres administratifs, Peter Herndorff et David Leighton.

Ayant retrouvé son violoncelle, la musicienne file vers les sommets. «Tout est bien qui finit bien, je crois. » Ou presque. Pendant qu'elle cherchait à remplacer son instrument, Amanda est tombée amoureuse d'un autre. «Je n'ai jamais été tentée de tromper mon Wiebe, mais là, je dois avouer que je veux un Strad! ». Elle rit. [Traduction : Giovanna Masella]


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