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La Scena Musicale - Vol. 5, No. 1

Les bienfaits d'une éducation musicale

1 septembre 1999

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Les bienfaits d'une éducation musicale par Lucie Renaud Depuis quelques années, l'importance de l'éducation musicale dans notre société de spécialisation scientifique semble constamment remise en question. Les coupures budgétaires affectent durement le système d'éducation et les dirigeants choisissent souvent de mettre l'accent sur les matières plus « pratiques » : français, mathématiques, sciences (avec une emphase sur l'informatique). En ajoutant les autres matières et activités parascolaires proposées aux jeunes, reste-t-il du temps pour l'apprentissage d'un instrument ou la participation à un ensemble vocal? Dans le contexte actuel, est-ce un choix pertinent? Pratiquer un instrument en amateur ne devrait pas être considéré une activité moins importante que d'assister à un récital donné par un concertiste renommé. Il faut se rappeler que le mot amateur puise ses racines dans le latin amator qui signifie amoureux. Au Moyen Âge et pendant la période de la Renaissance, la distinction entre musiciens professionnels et amateurs était très floue. Les professionnels gagnaient bien sûr leur vie en jouant de leur instrument, mais les amateurs, souvent des nobles, pouvaient se permettre de consacrer leur vie à la musique par pur amour. Ces derniers possédaient souvent une éducation musicale plus poussée et étaient meilleurs musiciens! À l'époque classique, le genre musical appelé hausmusik (que l'on peut traduire par « musique domestique ») prend de l'importance. Il désigne une musique simple composée pour les dilettantes, que l'on joue à la maison et non en concert, pour le plaisir de pratiquer un instrument. L'amour de la musique se cultivait d'abord chez soi, les concerts publics étant souvent des événements sociaux ou religieux. La plupart des musiciens ne rêvaient pas de brûler les planches des grands théâtres, mais recherchaient plutôt une expérience de communion intime, une découverte d'eux-mêmes à travers la musique. Ce faisant, ils enrichissaient leur vie. La musique sous toutes ses formes conserve une place prépondérante dans notre société moderne. Alors comment expliquer le peu d'engouement pour la pratique d'un instrument? Peut-être par le fait que notre société est devenue essentiellement orientée vers la consommation passive : la musique est devenue un « produit », une partie intégrante de nombreuses opérations de marketing. Elle nous vient par le disque, la radio ou la télévision; elle devient, par son utilisation commerciale, omniprésente dans les supermarchés, les bureaux de médecin, le métro... De cette façon, elle se retrouve désincarnée, privée de sa vocation première de langage de l'esprit humain. Depuis quelques années, de nombreuses recherches ont été effectuées afin de démontrer les bienfaits d'une éducation musicale. Une étude menée dans 17 pays a tenté de déterminer les habiletés de déduction scientifique des jeunes de 14 ans. Les Hongrois, les Hollandais et les Japonais ont remporté la palme. Dans ces trois pays, l'éducation musicale est obligatoire de la maternelle à la fin du secondaire. Une autre étude, réalisée cette fois aux États-Unis, a démontré que les écoles qui atteignent un rendement scolaire plus élevé sont celles qui proposent à leurs élèves un cursus incluant 20 à 30 % de disciplines artistiques, particulièrement la musique. La meilleure motivation à pratiquer un instrument n'est certes pas de donner raison à toutes ces études scientifiques ! La musique, langage universel, est plutôt un chemin qui permet d'explorer le côté émotif et esthétique de l'aventure humaine. L'enfant apprend que la musique tisse des liens directs entre lui-même et le monde qui l'entoure. La musique l'aide à découvrir qui il est. Quand il commence à réaliser qu'il existe une corrélation entre les heures de pratique investies et la qualité de son interprétation, la discipline personnelle se renforce d'elle-même. Malgré un nombre impressionnant de manuels didactiques et de logiciels, rien ne peut remplacer le contact privilégié avec un professeur. Le choix de celui-ci reste une opération délicate. Un mauvais enseignement peut parfois laisser des séquelles physiques (tendinites et autres maladies d'instrumentistes), ou même psychologiques. Un enfant, si doué soit-il, ne pourra s'épanouir que si le pédagogue sait créer un lien de confiance unique avec lui, sachant s'adapter à ses qualités, intérêts et aptitudes. Le plaisir procuré par la musique durera toute la vie, peu importe la place occupée par celle-ci à l'âge adulte. La grande majorité des jeunes qui entament des études musicales ne deviendront jamais concertistes. Ce dont la musique a le plus besoin pour survivre reste un public éduqué, amoureux, fidèle, qui continuera d'encourager la pratique de cet art unique. Comme le disait Weber en 1817 : « La musique est aussi essentielle à la survie de l'humanité que l'amour. La musique est elle-même une des formes les plus pures de l'amour, le langage éternel des émotions et de ses subtiles métamorphoses ».
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(c) La Scena Musicale 2002