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La Scena Musicale - Vol. 4, No. 2

Don Pasquale: le chef-d'oeuvre comique de Donizetti

Par Pierre M. Bellemare / 1 novembre 1998

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Don Pasquale, le 67e titre du catalogue des œuvres lyriques de Donizetti (1797-1848) est aussi l’une de ses dernières créations : en effet, la première, le 3 janvier 1843, au Théâtre italien, à Paris, n’a précédé que de quelques mois le début de l’effondrement mental du compositeur, consommé à l’automne de 1845. L’oeuvre remporta un succès international immédiat qui ne s’est pas démenti depuis.

Don Pasquale est une comédie de barbon berné dans la grande tradition de la commedia dell’arte, de Molière et du Barbier de Séville. Don Pasquale est un riche propriétaire terrien, encore célibataire à l’orée de la soixantaine. Il enrage à l’idée que sa fortune puisse tomber un jour entre les mains d’Ernesto, son neveu et unique héritier, bon garçon, mais peu intelligent - d’un point de vue bourgeois. La preuve : le benêt préfère épouser Norina, une jeune et jolie personne, talentueuse, mais pauvre, plutôt qu’une riche héritière bien dotée qui lui apporterait la fortune.

Non seulement Don Pasquale s’oppose-t-il à cette union peu lucrative, mais il décide de priver Ernesto de son héritage en convolant lui-même en justes noces, pour acquérir des héritiers de son propre sang.

Sur ces entrefaites, le docteur Malatesta, un ami de la famille, présente à Don Pasquale sa propre soeur Sofronia. Celle-ci apparaît d’abord comme l’épouse idéale, travaillante, humble et soumise, tant et si bien que, croyant avoir déniché la perle rare, Don Pasquale insiste pour l’épouser sur-le-champ.

Cependant, sitôt le contrat signé, Sofronia se révèle sous un tout autre jour : une vraie mégère, impérieuse, capricieuse, dépensière et volage. En réalité, «Sofronia» n’est nulle autre que Norina qui, de mèche avec Ernesto et le docteur, a décidé de donner une bonne leçon à l’oncle bourru.

Mais tout est bien qui finit bien : après avoir torturé le pauvre diable pendant plus de deux actes, les trois farceurs jettent bas les masques et Don Pasquale, ayant compris qu’il n’est pas fait pour la vie de couple, renonce à ses projets matrimoniaux et donne son consentement à l’union des deux tourtereaux.

Dans l’histoire de l’opéra, Don Pasquale est généralement reconnu comme le chef-d’oeuvre comique de Donizetti et le dernier fleuron de la tradition vivante de l’opera buffa italien.

L'art comique de Donizetti est assez différent de celui de son prédécesseur, Rossini. Il n'avait pas au même degré que ce dernier le génie si particulier de produire une musique qui soit drôle (drôle au point de provoquer l'hilarité!) par elle-même, en dehors de toute référence dramatique. Son humour est plus théâtral et dépend davantage de la capacité des chanteurs d’exploiter les possibilités de situations et d’effets comiques que leur offrent le livret, le texte et la musique.

Par ailleurs, les personnages de Don Pasquale se caractérisent par une plus grande complexité que ceux des opere buffe de Rossini : c’est ainsi que l’obsession quasi balzacienne de l’argent confère au personnage de Don Pasquale de la profondeur - et une pertinence sociale et historique - qui manque à celui du docteur Bartolo dans Le Barbier de Séville. De même, d’entrée de jeu, Norina nous est présentée comme une femme adulte et indépendante, qui a ses propres idées et surtout une vie en dehors de la comédie : alors même qu’elle se joue de Don Pasquale, on sent poindre en elle un sentiment de compassion qui ne tardera pas à se muer en affection pour le vieillard. Don Pasquale, à l'Opéra de Québec, les 17, 20, 22, et 24 octobre 1998. Tél.: (418) 643-8131.


360 Gaetano Donizetti : Don Pasquale
Gennaro Papi / Metropolitan Opera, New York
Naxos «Immortal Performances» 8.110022-3
3 stars $

CD-Donizetti.jpg (26695 bytes)Cet enregistrement de Don Pasquale nous ramène à la matinée du Metropolitan Opera du samedi 21 décembre 1940 : en conservant les introductions et commentaires de Milton Cross, Naxos nous replonge en pleine atmosphère de radiodiffusion.
Les habitués plus âgés de l’Opéra du samedi se souviendront avec un ravissement nostalgique de la Norina et du Don Pasquale de cette production, le soprano lyrique brésilien Bidu Sayao (1902-) et la basse-bouffe italienne Salvatore Baccaloni (1900-1969). Sayao n’avait alors que 38 ans : sa colorature, intacte et toute fraîche, met magnifiquement en valeur son timbre d’ingénue.

Quant à Baccaloni, il n’y avait que deux semaines qu’il avait fait ses débuts à New York - où il devait se produire à 297 reprises jusqu’en 1962. Cet homme énorme - près de 300 livres! - devait s’y imposer comme le spécialiste incontesté des emplois de basses-bouffes du répertoire italien. À elle seule, sa prestation du rôle de Don Pasquale - un de ses rôles fétiches - suffirait à faire de cet enregistrement une grande référence historique.

Les interprètes des rôles d’Ernesto et de Malatesta, soit le ténor italien Nino Martini et le baryton américain Francesco Valentino (alias Frank Dinhaupt, de Denver) sont excellents sans être exceptionnels. La direction de Gennaro Papi est inégale, oscillant entre le brillant et le routinier.

Au plan technique, l’enregistrement est généralement satisfaisant, sans doute comparable à ce qu’un auditeur de 1940 pouvait entendre avec un récepteur radio haut de gamme de l’époque.

On notera toutefois que la bande-maîtresse accuse une certaine détérioration. Par ailleurs, on entend des bruits de scène, des bribes de voix de souffleur et surtout des vagues d’applaudissements et de rires qui donnent une mesure de tout ce qu’implique la perte de la dimension visuelle d’une telle production d’opéra. Comme c’est souvent le cas au Met, on a fait subir plusieurs petites coupures à la partition - procédé injustifiable pour une œuvre aussi courte. La documentation d’accompagnement ne comporte pas de livret, mais des notes détaillées (en anglais seulement) sur l’enregistrement et les interprètes.


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(c) La Scena Musicale 2002