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La Scena Musicale - Vol. 3, No. 7 Mai 1998

Rite du printemps: Le troisième Festival de musique de chambre de Montréal

par Philip Anson

 

dennisbr.jpg (9341 bytes)I l y a trois ans, on inaugurait le premier Festival de musique de chambre de Montréal avec une série de concerts audacieux au Chalet du Mont-Royal. Ces concerts avaient été donnés en septembre pour coïncider avec les couleurs de l’automne. Mais le Festival de 1997 a été reporté à la fin du mois de mai afin que le public puisse profiter de la chaleur du temps et pour lancer la saison estivale montréalaise. Tout le monde s'est alors demandé pourquoi on n'avait pas pensé plus tôt à organiser un tel festival au Chalet de la montagne étant donné la beauté du site et une bonne acoustique. En effet, le Chalet avait été insuffisamment utilisé avant que Dennis Brott ait su convaincre le maire Bourque de lui permettre d'utiliser gratuitement les lieux. Dès le début, les sceptiques prédisaient que personne ne s’aventurerait la nuit en haut de la montagne pour écouter de la musique de chambre. Les organisateurs ont contourné cet obstacle en offrant beaucoup d’espace de stationnement ainsi qu’un service de navettes et les gens sont venus en grand nombre. L’édition 1997 du Festival s’est avérée un immense succès artistique et la proportion de billets vendus a doublé pour atteindre 75 pour cent. Depuis le printemps 1997 Brott a réuni une équipe extraordinaire de commanditaires et d’artistes pour assurer le succès de ce troisième Festival qui débutera le 28 mai prochain.

Dennis Brott est conscient qu’un festival se doit de ressembler à une fête, "Nous offrons quelque chose que les gens ne peuvent pas trouver lors d'une saison régulière de concerts : un assemblage différent de musiciens, un endroit superbe et une manière sympathique d’aborder la musique." Brott mentionne avec raison que l’ambiance magique du Chalet constitue la plus grosse attraction du Festival, c'est "un sanctuaire en plein coeur de la ville." Les musiciens qui participeront à l’événement sont des amis et des collègues bien plus intéressés à jouer ensemble qu’à faire de l’argent : "je dois m’en remettre à la générosité de mes collègues parce qu’on ne paie pas vraiment de cachets, il s’agit plutôt d’honoraires." dit Brott. Les ensembles réunissent de grands amis, mais aussi des étrangers qui, espérons-le, deviendront des amis. Cette année, la liste de musiciens comprendra Kathleen Winkler, Marcus Thompson, Doug McNabney, Jerome Lowenthal, James Vandermark, James Campbell, Marc-André Hamelin, Lydia Artymiw et le Quatuor Arthur Leblanc. Lara et Scott St. John joueront tous les deux sur des violons Stradivarius provenant de la banque d'instruments du Conseil des arts du Canada.

Brott a élaboré un programme interactif autour du thème "La musique et les mots" afin de faire tomber la barrière entre le public et la scène. Chacun des six concerts comportera une lecture ou une petite représentation dramatique en lien avec la musique qui sera jouée. Dans les programmes, ces textes seront traduits dans les deux langues officielles. Avant que ne soit joué leQuatuor pour la Fin du Temps , Jean Marchand lira des extraits de "Révélations" et du texte de Messiaen qui décrit la création de son oeuvre dans un camp de concentration. Il lira également La Bonne Chanson de Verlaine avant l'interprétation par la soprano Karina Gauvin de la pièce de Fauré portant le même nom. Un lecteur (possiblement Pierre Trudeau) lira quelques-unes des premières critiques émises au sujet du Sacre du Printemps de Stravinsky. Suivra l’exécution de l'oeuvre par les pianistes Marc-André Hamelin et Jacques Drouin dans l'adaptation pour piano à quatre mains qu'en fit le compositeur. Pour introduire le Quatuor des Lettres Intimes de Janácek, Veronica Tennant et Jean-Louis Roux liront en anglais, en français et en tchèque des passages choisis parmi les lettres d’amour de Janácek lui-même. Certains membres de l’École nationale de théâtre rejoueront le célébre débat au sujet des mots et de la musique ("Primo le parole, doppo la musica") de l’opéra Capriccio de Strauss; les musiciens enchaîneront avec le sextuor de cet opéra. Les lettres que Tchaikovsky écrivit de Florence à son mécène russe précéderont son oeuvre Souvenirs de Florence. Assurément, le clou du Festival sera l’Enoch Arden de Strauss, une oeuvre empreinte de tristesse, qui dure cinquante-cinq minutes ; la narration en a été confiée au ténor canadien Jon Vickers et l'exécution de l'oeuvre au piano à Marc-André Hamelin. Brott a relancé Vickers jusque dans sa maison de retraite aux Bermudes pour lui proposer, entre deux parties de golf, l’idée du Enoch Arden. Sa présence constitue un évènement puisqu' il y a très longtemps que le célèbre ténor n’a pas fait d’apparition en public.

Le nombre de concerts et le nombre d'artistes participant au Festival cette année demeurent inchangés par rapport à l'année dernière. Par contre, le budget, lui, est passé de 200 000 $ à 300 000$ principalement à cause d'une augmentation des coûts d'organisation et de personnel, selon Brott. Celui-ci a fait des merveilles quant au financement. Ainsi, cette année, le CACUM. a augmenté le montant de sa subvention au Festival, la Gazette pour sa part, va lui allouer des espaces publicitaires à moitié prix et le Bureau de tourisme de Montréal défraiera le coût des billets d’avion des journalistes étrangers afin qu’ils médiatisent l’événement. Fonorola a quant à elle constitué une bourse d’étude d’un an, bourse décernée à un violoncelliste exceptionnel, un des étudiants de Dennis Brott. Tous les commanditaires de l’an passé participent une fois de plus au financement du Festival et de nombreux autres s'y sont rajoutés, incluant Power Corporation, Hermès, La Banque de Montréal et Alcan qui commanditera aussi plusieurs concerts populaires donnés par des ensembles de cuivres au centre-ville de Montréal. Bien sûr, comme l'année dernière les Distilleries Corby fourniront du mousseux gratuitement après chaque concert. (traduction: Isabelle Dugas et Marie Faucher)

(c) La Scena Musicale