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La Scena Musicale - Vol. 3, No. 5 Février-Mars 1998

Massenet: Manon
Busser / l’Opéra-Comique de Paris
Marston

La nouvelle étiquette Marston qui a comme vocation de repiquer des documents sonores du début du siècle, a récemment fait paraître la version de 1923 du Manon de Massenet. L’enregistrement met en vedette la soprano belge Fanny Heldy et le ténor Jean Marny sous la direction de Henri Busser.

Première constatation: l’excellente qualité de la reproduction. Cet enregistrement acoustique est évidemment un document historique mais le repiquage gagne en présence et chaleur de son. Secondo, le livret est une mine d’information (et de certaines opinions gênantes) et très bien produit mais hélas, uniquement en anglais.

Quant à l’interprétation, cette version comporte plusieurs coupures, certaines ‘traditionnelles’ d'autres sans doute ajoutées pour accommoder le système d’enregistrement Hill and Dale que Pathé utilisait en 1923. Néanmoins Busser crée une version théâtrale et cohérente du chef-d'œuvre de Massenet. C’est une version qui reflète surtout les qualités de l’Opéra-Comique de l’époque qui regorge d’un sens idiomatique du phrasé et du style, une tradition qui nous semble perdue aujourd’hui.

Cette Manon, Heldy, fut une des divas de Paris pendant 25 ans entre 1920 et 1945. Celle que Toscanini a choisie pour incarner Louise et Mélisande à La Scala en 1926 nous révèle ici un timbre typiquement français et brillant mais sans affectation. Une Manon à la fois innocente et juvénile dans "Je suis encore toute étourdie", touchante dans "Adieu notre petit table", séduisante dans "N’est-ce plus ma main" et dramatique dans "Dieu de toute puissance"; en somme une Manon infiniment variée et convaincante.

Son Des Grieux, Jean Marny, n’était pas du même niveau. Armé d’une splendide diction, il est plus à l’aise dans la déclamation que dans le lyrisme du rôle. Trop souvent le charme et le simple romantisme du personnage semblent lui échapper. Ce charme et cette séduction, on les retrouve dans le Lescaut du baryton Léon Ponzio. Ce beau et vibrant chanteur est plus convaincant que le Comte, plutôt effacé et léger de timbre de Pierre Dupré. Les multiples rôles secondaires sont tous fort bien tenus mais les choeurs laissent à désirer.

Cette parution est d’une importance capitale. Son importance réside non seulement dans l'évocation d’une tradition oubliée et dans la qualité du repiquage mais aussi à cause de cinq sélections ‘bonus’ qui complètent le deuxième CD. Parmi les Manon historiques incluees, nous retrouvons Georgette Bréjean-Silver et Marguerite Carré.

Marston espère repiquer onze intégrales d’opéras enregistrés par Pathé. Ceci est un beau point de départ et j’attends les prochaines parutions avec impatience.

(c) La Scena Musicale