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La Scena Musicale - Vol. 3, No. 2

Karina Gauvin Goes Solo

1 octobre 1997

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La soprano Karina Gauvin est une étoile montante sur la scène musicale classique canadienne. Les succès qu’elle a remportés dans plusieurs concours vocaux lui ont acquis une renommée nationale et internationale. Madame Gauvin a déjà participé à deux enregistrements sur la marque Analekta du Québec, soit de la musique de Beethoven (FL 23105), ainsi que Le petit cahier de notes d'Anna Magdalena Bach, de Bach (AN2 8251) avec le claveciniste Luc Beauséjour (les ventes rapportées par Analekta, 4 000 unités, feraient de l’album de Bach un de ses titres les plus populaires). Le 6 octobre 1997, Analekta fera paraître le premier album en solo de Karina Gauvin, les motets de Vivaldi, accompagnée par Les Chambristes de Ville-Marie, programme du concert présenté le même soir au Centre Pierre-Péladeau (diffusé en direct à Radio-Canada : consulter le calendrier). Si l'on en juge par la réaction enthousiaste à la performance publique gratuite de ce programme au Conservatoire de musique de Montréal, qui précédait la séance d’enregistrement de mai dernier, le concert et le disque à venir connaîtront un grand succès. La Scena Musicale a parlé avec Karina Gauvin de ses expériences en enregistrement.

LSM : Combien d’enregistrements avez-vous faits jusqu’à maintenant ?

KG : Il s’agira de mon troisième chez Analekta. Pour mon premier enregistrement, j’ai reçu un appel de Luc Beauséjour, qui avait entendu parler de moi par un autre musicien. Luc m’a demandé si je voulais enregistrer le Petit cahier de notes d’Anna Magdalena Bach. J’ai ensuite enregistré Egmont, de Beethoven, avec l’Orchestre Métropolitain. Les enregistrements aident beaucoup à mieux se faire connaître. Les gens d’ailleurs peuvent ainsi mieux vous juger. Il est aussi important de rejoindre les gens chez eux qui ne peuvent peut-être pas venir assister à un concert.

LSM : Enregistrez-vous exclusivement chez Analekta ?

KG : Non, chaque projet est distinct. Pour le Bach et le nouvel enregistrement de Vivaldi, j’ai conservé les droits, ce qui n’est pas toujours le cas. Les choses étaient différentes pour le deuxième disque, puisqu’il s’agissait d’un enregistrement avec l’Orchestre Métropolitain. J’ai le dernier mot et j’approuve la couverture et la conception du CD. Il est important que les artistes puissent sauvegarder leur réputation. J’ai négocié moi-même mon premier contrat d’enregistrement, mais maintenant que j’ai un agent, elle a négocié le contrat de Vivaldi.

LSM : Comment l’enregistrement de Vivaldi s’est-il présenté ?

KG : Le représentant d’Analekta m’a entendue chanter le motet O qui coeli en concert, avec l’Ensemble Amati, au printemps de 1996. Analekta n’avait pas de Vivaldi dans son catalogue. Mario Labbé, son président, m’a alors demandé de lui présenter un projet Vivaldi. Il m’a donné toute liberté pour préparer le programme. J’ai consulté le répertoire de Vivaldi et choisi mes morceaux préférés. Le processus complet a duré un an et demi. J’ai conçu le programme de la même façon que je conçois un récital. Chaque pièce doit être intéressante à sa façon, afin qu’il y ait variété. Je ne fais pas de remplissage. Naturellement, O qui coeli est sur le nouveau disque qui contient également une pièce jamais enregistrée auparavant, le Sum in medio tempestatum, une pièce extrêmement difficile à chanter. La voix doit chanter comme un violon. Il y a plusieurs passages difficiles et d’autres sans endroit pour respirer. Le disque contient aussi un Laudate Dominum qui n’a été enregistré qu’une seule fois, je crois. Le disque a donc du Vivaldi familier et du Vivaldi moins connu, avec un bon mélange de tempi rapides et lents.

LSM : Parlez-nous un peu de l’orchestre.

KG : L’orchestre des Chambristes de Ville-Marie compte sept musiciens, que mon mari Jean-François Gauthier a préparés pour l’enregistrement. J’ai moi-même participé au choix des musiciens et j’ai une parfaite confiance en eux. Jean-François jouait du clavecin et de l’orgue. Il n’y avait pas de chef d’orchestre, puisque que nous voulions recréer les pratiques de l’époque. Les tempi dépendaient largement de mon chant. Chacun des musiciens du groupe a écouté le récital du Conservatoire sur bande magnétique et a fait des améliorations pour l’enregistrement.

LSM : À quel endroit le Vivaldi a-t-il été enregistré ?

KG : Les séances d’enregistrement ont eu lieu à l’église Saint-Augustin de Mirabel, au même endroit que pour l’enregistrement d'Anna Magdalena. Les gens croient qu’on peut faire 100 prises et ensuite recoller les bonnes parties, mais cela ne fonctionne vraiment pas. Le véritable défi consiste à préparer la musique dans son esprit comme on le ferait devant un auditoire. La production d’un disque d’une heure a nécessité un jour pour la vérification sonore, puis trois jours de séances de quatre heures et un autre jour de séance de deux heures. Lorsque je ne chantais pas, je prenais des repos de dix minutes. Je ne faisais que manger, chanter et dormir. En comparaison, mes vingt minutes de l’enregistrement de Bach n’ont demandé que trois séances de trois heures.

Les musiciens étaient disposés en demi-cercle à l’autel. Je faisais face à l’orchestre, d’une plate-forme surélevée, à environ dix pieds dans l’allée centrale. J’avais mon propre microphone et eux avaient le leur. Grâce à cet arrangement, les musiciens pouvaient voir chacun de mes mouvements et ma respiration et pouvaient me suivre, tout en étant assez éloignés pour bien m’entendre. Nous avions une magnifique équipe qui donnait toujours 100 %. Chacun d’eux a apporté quelque chose de spécial à l’œuvre. Le processus d’enregistrement est magnifique émotionnellement mais épuisant physiquement. J’ai mis toute mon énergie dans les séances, parce que chaque seconde est enregistrée. Dans une performance en direct on ne peut s’attendre à la perfection, mais dans un enregistrement les micros enregistrent tout.

LSM : Seriez-vous prête à considérer une performance en direct sur CD ?

KG : C’est peu probable parce que je suis une perfectionniste. Lorsque j’écoute un enregistrement en direct j’ai d’habitude certaines réserves. Je crois d’abord qu’il est bon, mais lorsque je l’écoute plus tard, je m’aperçois quelquefois que je n’ai pas réussi ce que j’avais entrepris. Les musiciens sont en constante évolution, visant la perfection mais ne l’atteignant jamais. Lorsque je travaille, je m’enregistre toujours. J’espère qu’un jour je pourrai dire «C’était extraordinaire» mais quelquefois l’écoute de soi-même peut être un dur réveil. Parfois je deviens vraiment déprimée si la pièce ne rend pas vraiment ce que je veux. J’ai eu une crise avec l’enregistrement d’Anna Magdalena, à tel point qu’à un certain moment je ne voulais plus qu’il soit publié. Cela fait partie de la vie d’un artiste. Il faut avoir l’humilité d’accepter ses limites et chercher constamment à s’améliorer. Je serai peut-être plus facilement satisfaite de ma performance dans cinq ans.

LSM : Le concert du 6 octobre sera-t-il différent de l’enregistrement ?

KG : Le concert sera diffusé en direct, ce qui signifie qu’il y aura énormément de pression. Mes interprétations seront peut-être différentes parce que j’ai développé de nouvelles idées depuis la séance d’enregistrement. Mais les nouvelles idées démontrent que vous évoluez en tant qu’artiste. Lorsqu’on cesse de chercher, l’art meurt.


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