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La Scena Musicale - Vol. 3, No. 1 Septembre 1997

UneTURANDOT «moderne» à l'Opéra de Montréal

par Jacques Desjardins

 

L'Opéra de Montréal clôturait sa saison 1996-97 avec Turandot, l'oeuvre ultime de Giacomo Puccini. Véritable travail d'équipe, cette Turandot est une co-production des compagnies de Vancouver, Calgary, Edmonton, Manitoba, Minnesota, Fort Worth, Opera Omaha et Portland. Les harmonies audacieuses de l'oeuvre ont inspiré à Michael Cavanagh une mise en scène moderne (du moins pour une production de l'O. de M.) habilement appuyée par les décors d'Anita Stewart (commandités par le Minnesota Opera). D'entrée de jeu, des représentations multicolores de figures humaines, projetées sur l'arrière-scène, suggèrent avec force les précédentes victimes de la cruelle princesse Turandot. Trois hautes structures métalliques, rappelant vaguement l'Orient, sont alors roulées sur scène et permettent de placer des figurants sur trois étages. Cette solution aère l'espace scénique et ajoute à la grandeur du spectacle. Des morceaux de décor descendent ensuite du plafond ou sont amenés des coulisses, ce qui a provoqué des rires le soir de la première quand un escalier a mal atterri sur une balustrade ou quand, au deuxième acte, l'une des structures mobiles a failli faire tomber l'Empereur Altoum de son trône. Mais le clou de cette soirée demeure l'entrée des trois ministres Ping, Pang et Pong au premier acte. Juchés sur des roulettes à plus de trois mètres de hauteur, leurs accoutrements rappellent les costumes les plus excentriques de Diane Dufresne. Poussés par des esclaves, ils volent littéralement d'un bout à l'autre de la scène.

Les interprètes ont été à la hauteur de leurs rôles. Audrey Stottler incarne une Turandot cruelle et implacable jusqu'à ce qu'elle succombe aux avances de Calaf au troisième acte, où elle se révèle généreuse et vulnérable. Elle possède la puissance vocale requise et prend toute la place qui lui revient dans l'intrigue. Christiane Riel campe une Liù touchante et sensible bien qu'on la perde complètement dans les passages graves et doux. Souhaitons la réentendre bientôt à Montréal. Kenneth Cox est une basse pleine et solide qui donne au rôle de Timur beaucoup de coffre et d'intensité dramatique. Son air d'adieu après la mort de Liù était vibrant d'émotion. Seule déception de cette distribution : Tonio di Paolo dans le rôle de Calaf a démontré de nombreux signes de faiblesse, peut-être dûs à la nervosité. On le sentait tantôt fragile, tantôt strident, comme s'il cherchait sans cesse où placer la voix. Notons aussi les prestations remplies d'humour de Brian Davis, Torin Chiles et Jonathan Boyd dans les rôles des trois ministres Ping, Pang et Pong, de même que les présences courtes mais solides de Pascal Mondieig dans la peau de l'Empereur Altoum. À noter que ce dernier en est à sa première saison à l'Atelier Lyrique de l'O. de M. Je m'en voudrais de ne pas mentionner le dynamisme des choeurs tout au long de cette production. Les voix sont justes et claires, et ça fait du bien de les voir faire face au public pour une fois.

L'orchestre sous la direction de Richard Buckley ne traîne jamais et ça allège agréablement une oeuvre qui pourrait facilement s'enliser. Les scènes s'enchaînent sans temps mort au point de provoquer parfois de légers déphasages entre l'orchestre et les chanteurs, mais je veux croire que ces petits problèmes étaient dûs au stress de la première et qu'ils ont été réglés au cours des représentations suivantes.

À noter que cette production sera reprise à Toronto du 2 au 14 octobre 1997

(c) La Scena Musicale