UneTURANDOT «moderne» à l'Opéra de
Montréal
par
Jacques Desjardins
L'Opéra de
Montréal clôturait sa saison 1996-97 avec Turandot, l'oeuvre ultime
de Giacomo Puccini. Véritable travail d'équipe, cette Turandot est
une co-production des compagnies de Vancouver, Calgary, Edmonton,
Manitoba, Minnesota, Fort Worth, Opera Omaha et Portland. Les
harmonies audacieuses de l'oeuvre ont inspiré à Michael Cavanagh une
mise en scène moderne (du moins pour une production de l'O. de M.)
habilement appuyée par les décors d'Anita Stewart (commandités par
le Minnesota Opera). D'entrée de jeu, des représentations
multicolores de figures humaines, projetées sur l'arrière-scène,
suggèrent avec force les précédentes victimes de la cruelle
princesse Turandot. Trois hautes structures métalliques, rappelant
vaguement l'Orient, sont alors roulées sur scène et permettent de
placer des figurants sur trois étages. Cette solution aère l'espace
scénique et ajoute à la grandeur du spectacle. Des morceaux de décor
descendent ensuite du plafond ou sont amenés des coulisses, ce qui a
provoqué des rires le soir de la première quand un escalier a mal
atterri sur une balustrade ou quand, au deuxième acte, l'une des
structures mobiles a failli faire tomber l'Empereur Altoum de son
trône. Mais le clou de cette soirée demeure l'entrée des trois
ministres Ping, Pang et Pong au premier acte. Juchés sur des
roulettes à plus de trois mètres de hauteur, leurs accoutrements
rappellent les costumes les plus excentriques de Diane Dufresne.
Poussés par des esclaves, ils volent littéralement d'un bout à
l'autre de la scène.
Les interprètes ont été à la hauteur
de leurs rôles. Audrey Stottler incarne une Turandot cruelle et
implacable jusqu'à ce qu'elle succombe aux avances de Calaf au
troisième acte, où elle se révèle généreuse et vulnérable. Elle
possède la puissance vocale requise et prend toute la place qui lui
revient dans l'intrigue. Christiane Riel campe une Liù touchante et
sensible bien qu'on la perde complètement dans les passages graves
et doux. Souhaitons la réentendre bientôt à Montréal. Kenneth Cox
est une basse pleine et solide qui donne au rôle de Timur beaucoup
de coffre et d'intensité dramatique. Son air d'adieu après la mort
de Liù était vibrant d'émotion. Seule déception de cette
distribution : Tonio di Paolo dans le rôle de Calaf a démontré de
nombreux signes de faiblesse, peut-être dûs à la nervosité. On le
sentait tantôt fragile, tantôt strident, comme s'il cherchait sans
cesse où placer la voix. Notons aussi les prestations remplies
d'humour de Brian Davis, Torin Chiles et Jonathan Boyd dans les
rôles des trois ministres Ping, Pang et Pong, de même que les
présences courtes mais solides de Pascal Mondieig dans la peau de
l'Empereur Altoum. À noter que ce dernier en est à sa première
saison à l'Atelier Lyrique de l'O. de M. Je m'en voudrais de ne pas
mentionner le dynamisme des choeurs tout au long de cette
production. Les voix sont justes et claires, et ça fait du bien de
les voir faire face au public pour une fois.
L'orchestre sous la direction de
Richard Buckley ne traîne jamais et ça allège agréablement une
oeuvre qui pourrait facilement s'enliser. Les scènes s'enchaînent
sans temps mort au point de provoquer parfois de légers déphasages
entre l'orchestre et les chanteurs, mais je veux croire que ces
petits problèmes étaient dûs au stress de la première et qu'ils ont
été réglés au cours des représentations suivantes.
À noter que cette production sera
reprise à Toronto du 2 au 14 octobre 1997
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