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La Scena Musicale - Vol. 21, No. 5

Piano Caméléons : Les « touches » à tout

Par Marc Chénard / 1 février 2016

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Piano Caméléons
Gauche à droit : Matt Herskowitz, Oliver Esmonde-White et John Roney. Photo Lorraine Desjardins

Tout a commencé en 2013. Comme le raconte l’instigateur de ce projet, Oliver Esmonde-White (voir encart ci-dessous) : « J’avais recruté cinq pianistes en ville pour jouer par paires pendant cinq soirs à la Maison du Jazz (rue Aylmer), les élus étant Oliver Jones, Marianne Trudel, Lorraine Desmarais, John Roney et Matt Herskowitz. Je connais Matt depuis vingt ans au moins, peu après son arrivée en ville. Je l’ai entendu dans une des soirées musicales que j’animais dans mon atelier de piano. Sa virtuosité de musicien classique m’a vivement impressionné, mais il avait aussi le don de jouer spontanément, à la manière des jazzmen. J’ai d’abord connu John Roney comme étudiant à McGill – je l’avais engagé à une occasion –, mais je l’ai vraiment découvert en fournissant le piano pour un concert qu’il devait jouer. Non seulement l’ai-je convaincu de se joindre au projet, mais il a fini par acheter l’instrument que j’avais livré ce soir-là ! »

Plusieurs concerts plus tard, dont un pour clôturer le FIJM en juillet dernier, le duo Piano Caméléons a conclu en octobre dernier une entente d’enregistrement avec la maison de disques Justin Time. Cette signature coïncidait avec l’ouverture d’une nouvelle aire de performance : l’Espace Oliver Jones.

Situé dans le secteur industriel du Mile-End, cet espace est dissimulé dans un grand édifice à bureaux. On ne trouve aucune enseigne devant son entrée. La salle, elle, n’a ni estrade surélevée à l’avant-scène ni rangées de fauteuils au parterre, pas de tables ou un bar pour se désaltérer. Tout au plus, elle accueille une quarantaine de personnes sur des sièges de type table à cartes. Pourtant, l’espace n’est pas exigu, bien au contraire. En fait, il est rempli de gros meubles, au moins une quinzaine, les plus petits placés le long d’un mur, les autres mesurant deux mètres ou plus, l’avant-scène pouvant accueillir jusqu’à quatre d’entre eux, tous plus astiqués les uns que les autres.

Son propriétaire explique qu’il ne s’agit pas d’une salle de spectacle, mais d’un endroit multifonctionnel qui peut servir autant pour des répétitions que pour des concerts intimes. De plus, on y trouve une cabine isolée à l’arrière dotée d’équipements audiovisuels, offrant la possibilité de capter des spectacles et de les mettre en ligne.

Endroit de rêve pour Piano Caméléons, ce lieu sert de laboratoire pour leur premier enregistrement, dont la date n’est pas encore fixée, mais qui paraîtra fort probablement l’automne prochain.

Sur le plan musical, le duo veut relever l’un des défis musicaux les plus épineux, soit de décliner le répertoire classique à l’indicatif de l’improvisation jazzistique. À cette fin, les partenaires ont choisi des œuvres de Bach, Chopin, Gershwin et Debussy, mijotant même une composition originale conjointe toujours en chantier. Pour eux, les choses s’accélèrent depuis le Nouvel An, car ils viennent de jouer à New York en janvier pendant le grand congrès annuel des tourneurs de spectacles américains et internationaux, l’APAP.

Pour Roney et Herskowitz, deux fortes personnalités, l’expérience est une autant humaine que musicale. Interrogé sur ce que l’autre lui apporte, le premier déclare : « Matt est le partenaire idéal pour ce projet. Je ne connais aucune autre personne bénie d’une si grande connaissance du piano : l’harmonie, l’histoire, les styles, le répertoire. La communication musicale en est rehaussée, ce qui nous permet de mieux travailler ensemble sur le plan créatif. De plus, ma technique dite classique s’est grandement améliorée, car je pense davantage à la projection de mon son que par le passé. »

Herskowitz, pour sa part, déclare : « Travailler avec John sur ce projet a été simplement magnifique. Il y contribue une riche palette harmonique, son sens mélodique est aussi beau qu’il est engageant, sa technique est de tout premier ordre et il a un groove d’enfer. J’ai arrangé beaucoup de musique classique, toujours seul, mais c’est ma première collaboration. Mon réservoir d’idées et de possibilités musicales s’est épanoui en travaillant des arrangements à deux. Je crois vraiment que nous nous inspirons mutuellement en puisant librement dans nos idées, ce qui ne fait qu’ajouter au plaisir. Le matériel élaboré ainsi est certainement meilleur que ce que nous pourrions faire séparément, donc une raison de plus pour poursuivre l’aventure. »  

Oliver Esmonde-White : Passion piano

Corniste de formation, Oliver Esmonde-White a renoncé à l’inéluctable carrière de musicien de pupitre au début des années 1970. « J’ai toujours été du genre à relever de nouveaux défis, dit-il lors d’une rencontre récente dans son atelier, et je ne me voyais pas passer ma vie à jouer les mêmes notes dans une symphonie. » Il bifurque alors vers le piano, car l’instrument à cette époque était de loin le plus prisé par le public, même s’il estime que cela n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Il travaille d’abord en apprenti avec le technicien de l’époque de la Place des Arts, démarre sa propre entreprise, Pianos EW en 1974, suit ensuite des stages d’études, d’abord chez Baldwin, puis chez Yamaha à la fin des années 1980, cette dernière expérience ayant été tout à faite marquante pour lui en tant que premier Occidental formé au pays du Soleil-Levant.

D’autres rencontres sèment son parcours, dont une avec Darrell Fandrich, qu’Esmonde-White qualifie « d’Einstein du piano ». (Personnage assez exceptionnel dans le domaine, nous comptons revenir sur lui dans un numéro à venir.) Après avoir travaillé chez Piano Héritage et pour des radios publiques, Esmonde-White établit son commerce à domicile avec une petite équipe d’employés à ses côtés. En 2014, il emménage enfin dans ses locaux actuels. Dans une pièce jouxtant l’espace Oliver Jones, qui sert également de salle d’exposition, il a aménagé un atelier destiné à l’entretien et à la restauration d’instruments, lequel sert à la recherche et au développement de sa propre ligne d’instruments, sujet fascinant en soi, mais débordant le cadre de ce reportage. » www.pianoEW.com

» www.pianocameleons.com


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