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La Scena Musicale - Vol. 21, No. 1 septembre 2015

Allegra : 35 ans de musique de chambre

Par Kristine Berey / 1 septembre 2015

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Allegra Chamber Musicians

En novembre 1984, Eric McLean, critique musical, écrivait dans The Gazette : « la série Allegra offre de la musique d’un ordre supérieur ». McLean soulignait que les Variations temporelles de Benjamin Britten, présentées par « six musiciens en géométrie variable », était pour lui une expérience révélatrice. Il a également salué la performance de la pianiste Dorothy Fieldman Fraiberg dans un quatuor de jeunesse de Beethoven. « C’était une présentation intelligente et bien équilibrée d’une œuvre qui est généralement ignorée en faveur de ses compositions de maturité », écrivait McLean.

Après 35 ans, la raison d’être d’Allegra est restée la même : offrir à tous de la musique de chambre de qualité supérieure, y compris des oeuvres rarement jouées. « J’étais passionnée par l’idée de mettre ceci sur pied », rappelle Fraiberg, la fondatrice et directrice artistique d’Allegra. Lorsque l’ensemble a vu le jour, il y avait peu de musique de chambre à Montréal, à part Musica Camerata. « Je voulais la rendre accessible à tous », dit-elle, soulignant que tous leurs concerts sont gratuits, grâce à l’appui de dons bien appréciés.

Allegra, qui veut dire « joyeuse » en italien, rassemble certains des meilleurs musiciens de Montréal, recrutés dans les rangs de l’Orchestre Métropolitain et l’Orchestre symphonique de Montréal. Plus de 45 musiciens bien connus ont joué avec l’ensemble, qui comprend actuellement Simon Aldrich, clarinettiste solo de l’Orchestre Métropolitain, et la violoniste Elvira Misbakhova, alto solo associé du même orchestre.

La plus grande difficulté au fil des ans n’a pas été de jouer en concert, mais de ramasser des fonds. Provenant aussi bien de donateurs individuels que de sociétés commanditaires, ces fonds servent à rémunérer les musiciens, louer les salles, les coûts d’impression, la publicité, les partitions, etc. « Pour entretenir une série de concerts, une grande partie du travail se déroule dans les coulisses », dit Fraiberg. « Nous discutons ensemble du programme à venir, de ce qui est intéressant et nouveau, et nous écoutons différentes œuvres. Notre priorité est toujours de voir si elles sont bien écrites ».

Le choix du programme prend beaucoup de temps, explique Fraiberg : « Oui, les répétitions et l’apprentissage des oeuvres prennent du temps, mais même le simple fait de les lire du début à la fin prend des longues heures. Ensuite, on a besoin de quatre ou cinq répétitions, au moins ». L’ensemble peut passer deux heures en répétition sur un seul mouvement.

Mais Fraiberg dit qu’elle se sent chanceuse de pouvoir vivre une vie en musique, « J’aime la musique de chambre, c’est ce que j’ai toujours voulu faire. J’adore l’interaction avec mes collègues, et c’est un grand privilège de faire de la musique avec ces grands musiciens ».

Ce qui distingue la musique de chambre des autres formes, c’ est sa nature intime, ajoute Fraiberg. C’est excitant aussi. « La musique de chambre est une collaboration. Nous développons l’intimité d’une expérience musicale partagée », explique t-elle. « Pendant les répétitions, nous discutons tous ensemble de questions d’interprétation; mais souvent, en plein concert, les joueurs font des choses inattendues, ce qui amène les autres musiciens à y répondre sur le coup ».

Le public fait également partie de la musique, dit Fraiberg, notant qu’au fil des ans, Allegra s’est mérité un public fidèle, car « la musique de chambre permet au public de prendre part à l’intimité de la performance ».

Bach Avant Dodo

Depuis huit ans, Allegra a trouvé un nouveau public grâce à sa série de concerts « Bach Avant Dodo », conçu pour initier les jeunes enfants à la musique classique. Ces concerts de 45 minutes, qui ont lieu les mardis à la salle Tanna Schulich, sont chronométrés, combinant astucieusement 3 minutes de musique avec 40 secondes de présentation. « Je voulais vraiment que les très jeunes enfants se sentent à l’aise dans la salle de concert », explique Fraiberg. « Nous commençons habituellement avec un des Concertos brandebourgeois de Bach, et ensuite nous racontons une histoire en français et en anglais, entrecoupée d’extraits de musique classique. Pendant les concerts, les enfants ont la chance de diriger et de chanter. À la fin, nous faisons une chanson rock et nous distribuons des instruments de percussion ».

Après l’extrait final du Concerto brandebourgeois, les enfants sont invités sur scène pour « rencontrer les instruments », se rapprocher des musiciens, qui les accueillent avec un sourire. On leur donne même du jus et des biscuits avant leur départ.

« Je crois que l’exposition aux instruments, la proximité des musiciens et le confort de la salle aident les enfants à concentrer leur attention pendant une période prolongée, suscitant de l’empathie tout en aiguisant leur appétit d’apprendre un instrument », dit Fraiberg. Les extraits musicaux ont touché divers compositeurs tels que Donizetti, Arnold, Ibert, Vivaldi et, bien sûr, Bach. On espère que les enfants, ainsi que les parents et grands-parents qui les amènent, deviendront les amateurs de musique classique de l’avenir. Fraiberg connaît bien la valeur d’une expérience musicale précoce, puisqu’elle « a grandi entourée de musique », ayant eu deux tantes pianistes, l’une classique, l’autre jazz.

Cette année, les concerts BAD lancent une nouvelle initiative : Ensemble : Chaque enfant a besoin de BAD. « C’est un programme de sensibilisation ciblant les organismes pour enfants, pour assurer que ce grand programme soit accessible à tous », dit Fraiberg. En plus des concerts BAD réguliers le mardi, un deuxième concert sera ajouté pour divers groupes d’enfants de la communauté.

35e gala-bénéfice d’Allegra, le 30 septembre
Entre la vente aux enchères silencieuse et cocktail dînatoire d’ouverture, et le vin et dessert de clôture, le concert-gala, animé par Dennis Trudeau, rendra hommage à Rosalind Goodman, ancien membre du conseil, décédée en août dernier. L’invitée spéciale, la soprano Suzie Leblanc, offrira Le pâtre sur le rocher de Schubert, et « Ich bin der Welt abhanden gekommen » (« Je suis perdu pour le monde »), tiré des Rückert Lieder de Mahler, arrangé pour soprano, clarinette et cordes par Simon Aldrich. www.allegrachambermusic.com

Traduction : Eric Legault


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(c) La Scena Musicale