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La Scena Musicale - Vol. 20, No. 4

2014 : Bilan d’une année musicale riche en rebondissements

Par Caroline Rodgers / 1 décembre 2014

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Année faste pour l’orgue

Parmi les événements musicaux majeurs de l’an 2014, on retiendra l’inauguration du Grand Orgue Pierre-Béique de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) à la Maison symphonique, en mai. Cet orgue Casavant de 6489 tuyaux et de 83 jeux a été acquis au coût de cinq millions de dollars grâce à un généreux don de Mme Jacqueline Desmarais, qui a bien connu Pierre Béique, l’un des fondateurs de l’OSM. Pour ce concert inaugural, Olivier Latry, organiste émérite, a joué la célèbre Toccata et fugue en ré mineur ainsi que la Symphonie no 3 de Saint-Saëns avec l’OSM.

En novembre, le Concours international d’orgue du Canada, qui se déroule aux trois ans, était de retour avec une programmation de 40 événements. En tout, 15 candidats de huit pays se sont disputé 70 000 $ en prix, et le grand prix est allé à David Baskeyfield, du Royaume-Uni. Cette année, le CIOC s’est associé à la chanteuse populaire Martha Wainwright qui a donné un concert à l’église unie St-James en compagnie des organistes Christian Lane et Jean-Willy Kunz, lauréats du CIOC en 2011.

Menaces sur les conservatoires

Le Conservatoire de musique et d’art dramatique du Québec a été dans la tourmente alors que des menaces sérieuses de fermeture ont pesé sur ses établissements en région à l’automne. En septembre, des informations ayant filtré au sujet d’un plan de redressement financier laissaient entendre que les conservatoires de Trois-Rivières, Saguenay, Rimouski, Gatineau et Val-d’Or étaient en danger de fermeture en raison d’un déficit accumulé de 14 millions. Interpellée à l’Assemblée nationale, la ministre de la Culture, Hélène David, a refusé pendant quelques semaines de s’engager à ne pas procéder à de telles fermetures, disant qu’elle attendait un rapport du conseil d’administration du Conservatoire avant de prendre une décision.

Pendant que les politiciens discutaient, les musiciens se mobilisaient. Plusieurs personnalités importantes du monde de la musique comme Yannick Nézet-Séguin, Jacques Lacombe, Alain Trudel et Karina Gauvin, entre autres, se sont prononcées à travers les médias pour défendre les conservatoires, souligner leur importance et dénoncer la perspective de fermetures. De leur côté, les étudiants des conservatoires et des écoles de musique ont organisé des manifestations. Le 30 septembre, les élèves du Conservatoire de musique de Montréal et ceux de la faculté de musique de l’Université de Montréal ont fait la grève et donné un concert à l’extérieur, près de la Place des Arts, sous la direction de Jean-François Rivest. Ils réclamaient également la démission du directeur général des conservatoires, Nicolas Desjardins. Finalement, après avoir enfin pris connaissance du fameux rapport, qui recommandait bel et bien les fermetures, la ministre David s’est fortement dissociée de ses conclusions. Moins d’une semaine plus tard, le directeur général Nicolas Desjardins et le président du conseil d’administration, Jean-Pierre Bastien, ont quitté leurs fonctions.

OSM au Parc Olympique

Carmina Burana

L’un des événements grand public marquants de l’année est sans contredit la présentation de Carmina Burana, de Carl Orff, à l’Esplanade du Parc olympique, par l’OSM et 1500 choristes venus d’un peu partout au Québec, devant une foule estimée à 40 000 personnes. La soirée était animée par le populaire Charles Lafortune, animateur de l’émission La Voix, et le ténor Marc Hervieux, lui-même originaire du quartier où avait lieu le concert, Hochelaga-Maisonneuve. Les solistes étaient Antonio Figueroa, le ténor Trevor Scheunemann et la soprano Aline Kutan.

Mélange des genres : en hausse

Les concerts mariant le classique et la musique populaire ont le vent dans les voiles. Ils ont été plus nombreux et plus populaires que jamais en 2015. On a également pu constater que la qualité de ces associations s’améliorait avec les années. Ainsi, la critique a été unanimement positive au lendemain d’un concert qui faisait craindre le pire : celui du « band de garage » Les Trois Accords avec l’OSM, sous la direction du chef Simon Leclerc. Le lendemain, l’Orchestre Métropolitain et le groupe électro-jazz Misteur Valaire attiraient une foule importante à l’église Saint-Jean-Baptiste avec Yannick Nézet-Séguin au podium. D’autres tentatives du genre ont ponctué l’année : l’OSM et sa Symphonie rapaillée aux FrancoFolies et I Musici de Montréal avec Ingrid St-Pierre. Même le chanteur de hiphop Koriass décidait d’ennoblir sa musique en s’associant à un petit orchestre à cordes formé pour son concert au Club Soda.

Controverses internationales

Sur le plan des nouvelles controversées ayant alimenté les discussions dans le monde de la musique cette année, trois noms sont à retenir : Gustavo Dudamel, John Adams et Martin Jarvis.

En février, le jeune chef vénézuélien de renommée internationale Gustavo Dudamel, directeur artistique du Los Angeles Philharmonic, défrayait les manchettes. Alors que des troubles politiques importants soulevaient son pays d’origine et que des manifestations étaient violemment réprimées par les forces de l’ordre depuis des semaines, Gustavo Dudamel dirigeait un concert de l’Orchestre symphonique Simon Bolivar le jour même où six manifestants étaient tués. Dans une lettre ouverte publiée par les médias, la pianiste Gabriela Montero, aussi native de ce pays, lui demandait de se justifier et de prendre position contre la répression et le régime en place au Venezuela.

Le maestro a répondu lui aussi par la voix des journaux, avec un bref message où il dénonçait toute forme de violence, soulignait l’importance d’El Sistema, le réseau d’enseignement de la musique et d’orchestres de jeunes du pays. Il concluait en disant qu’il n’avait pas voulu annuler et renvoyer les jeunes de son orchestre dans les rues de Caracas en proie aux manifestations violentes.

The Death of Klinghoffer

Après avoir échappé de justesse à un lock-out après des mois de négociations houleuses entre la haute direction et les différents syndicats représentant son personnel, le Metropolitan Opera de New York s’est retrouvé de nouveau dans l’eau chaude en présentant le très controversé opéra The Death of Klinghoffer, de John Adams, composé sur un livret d’Alice Goodman.

L’opéra raconte l’histoire de la prise d’otages des passagers du navire Achille Lauro, en 1985, par des terroristes du Front de libération de la Palestine. Lors de cet attentat, les terroristes avaient assassiné le passager Leon Klinghoffer, un citoyen américain juif en fauteuil roulant, d’une balle dans la tête, avant de le pousser par-dessus bord avec son fauteuil. Les filles de Klinghoffer se sont toujours opposées à la présentation de cet opéra en affirmant qu’il était de nature antisémite et qu’il glorifiait le terrorisme. Le Met a accepté d’annuler la diffusion de l’opéra en direct dans les cinémas du monde entier dans le cadre de sa série Live HD ainsi qu’à la radio. Cependant, Peter Gelb, directeur du Met, a maintenu sa décision de présenter la production, ce qui a donné lieu à de nombreuses manifestations devant la prestigieuse maison d’opéra et à une foule d’articles « pour » ou « contre » l’œuvre publiés dans les journaux des États-Unis et d’ailleurs. Au beau milieu de la première des sept représentations, un spectateur a crié : « La mort de Klinghoffer ne sera jamais pardonnée. »

Les Suites pour violoncelle de Bach

Jean-Sébastien Bach n’aurait pas composé lui-même ses fameuses Suites pour violoncelle, selon l’Australien Martin Jarvis, professeur à la Charles Darwin University. Elles seraient plutôt l’œuvre de sa seconde épouse, Anna-Magdalena. Il a même conçu un documentaire pour démontrer sa thèse. Le film s’intitule Written by Mrs. Bach. Il avait déjà publié un livre du même titre en 2011. Les arguments avancés par Jarvis sont que l’un des deux principaux manuscrits des Suites porte la mention « Écrit par Madame Bachen, son épouse », et que des analyses des manuscrits révèlent, selon lui, que la personne ayant écrit ne recopiait pas le travail d’un autre, mais composait. Il va de soi que les affirmations de M. Jarvis lui ont valu les foudres de nombreux musicologues et spécialistes de l’œuvre du Cantor de Leipzig et fait couler beaucoup d’encre.

Hécatombe chez les chefs d’orchestre

Si chaque année voit disparaître quelques éminents chefs d’orchestre, 2014 aura sans doute établi un funeste record. Plusieurs grands chefs se sont éteints : Claudio Abbado, Lorin Maazel, Frans Brüggen, Christopher Hogwood, Franz Paul Decker et Rafael Frühbeck de Burgos.


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