Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 20, No. 3

Figaro! Figaro!

Par Wah Keung Chan / 1 novembre 2014

English Version...


Version Flash ici.

Etienne Dupuis chante Figaro dans Le Barbier de Séville à l'Opéra Théâtre d'Avignon

Largo al factotum della città. Place au factotum de la ville.
Presto a bottega che l’alba è già. Vite au travail, on s’éveille à Séville.
Ah, che bel vivere, che bel piacere La belle vie en vérité,
per un barbiere di qualità ! di qualità ! ... Pour un barbier de qualité ! de qualité ! ...

Gioacchino Rossini a remporté le gros lot avec Le Barbier de Séville, une œuvre remplie d’airs mélodieux. Rien d’étonnant à ce que cet opéra soit toujours à l’affiche ! L’air le plus connu est « Largo al factotum della città » (place au factotum de la ville), que chante l’intrépide barbier Figaro dès son arrivée sur scène à la rescousse du comte Almaviva.

Sans doute l’air le plus difficile du répertoire pour baryton, c’est un morceau de haute voltige vocale qui dure cinq minutes (une partition vocale de douze pages). Plus d’un baryton novice a voulu s’y frotter et a échoué. « C’est l’air le plus stressant pour les barytons, à cause des notes très hautes », commente Étienne Dupuis, qui a chanté le rôle de Figaro neuf fois dans trois productions européennes et qui fait ses débuts dans sa ville natale au Canada dans un rôle dans la prochaine production de l’Opéra de Montréal. « On démarre sur les chapeaux des roues, poursuit-il, et on sait qu’il faut économiser ses forces, parce qu’à la fin, ça va très vite et très haut. »

Dès son arrivée sur scène, le baryton entonne cet air. « Avec le trac, c’est vraiment la pire chose qui puisse arriver, souligne le baryton canadien. On a moins de souffle et moins de temps pour faire ce que l’on veut. L’autre défi, c’est qu’il faut jouer la comédie en même temps. Personne ne se contentera de vous regarder en train de chanter ».

Les sections

L’air peut être divisé en six sections : vite, plus vite, lent, modéré, vite et plus vite, culminant avec un contre-sol tenu très longtemps. Dans sa thèse de doctorat soutenue en 2014, le baryton Andrew Briggs a analysé 33 enregistrements de l’air depuis 1908 et a trouvé de nombreux ornements différents, ce qui prouve qu’il n’existe aucune version idéale. Toutefois, d’après Étienne Dupuis, il faut chanter cet air comme une longue aria. « Il faut penser à un tout, et non diviser l’aria en petits segments, sinon cela produira un effet ennuyeux. Il faut tenir jusqu’à la fin. Dès qu’on s’inquiète pour une section, tout va mal. »

En revanche, sa section préférée est la partie lente : « Quand je chante “colla donnetta, col cavaliere”, j’ai le plaisir d’interagir avec le public. Cette partie donne la liberté de se déplacer et faire une pause. On peut alors reposer sa voix, mais pas pour longtemps. » La partie plus difficile vient ensuite. « La phrase répétée “uno alla volta, per carità” peut être fatale, parce qu’il faut monter dans les notes de passage, qui sont le mi et le fa pour le baryton. Dès lors qu’on est malade ou fatigué, on risque d’avoir des ennuis. »

Conseils

Quels conseils le jeune baryton donne-t-il à ses collègues débutants ? « Nous avons tous des problèmes avec les voyelles et leur placement, répond-il. La ligne musicale fait des bonds, avec des sauts d’octave et des arpèges. Il est difficile de garder la bonne ouverture dans la gorge et la bouche pour assurer que ça résonne bien. Il faut garder cela simple et s’assurer de ne pas pousser. Si les notes sont trop élevées, c’est d’autant plus difficile. On peut alors essayer de compenser en donnant plus d’énergie, en poussant, et il suffit de faire cela pendant deux secondes pour ne plus être capable de terminer. Je mets l’accent sur une détente constante et sur le placement correct de toutes les voyelles, de manière à éviter la fatigue. Une fois qu’on a maîtrisé cela, on peut ajouter les intentions artistiques, qui importent le plus en fin de compte. »

Étienne Dupuis évoque une représentation au gala de l’Opéra de Québec il y a deux ans. « J’étais malade et ma voix était fatiguée, mais les critiques m’ont fait un triomphe. Je savais que je n’étais pas au sommet de ma forme vocale, et je me suis donc entièrement investi dans mon personnage, ce qui m’a aidé à me rendre jusqu’au bout ».

Étienne Dupuis à l’Opéra de Montréal

Le baryton Étienne Dupuis tiendra le rôle-titre dans Le Barbier de Séville de Rossini à l’Opéra de Montréal cette saison. À ses côtés : Mireille Lebel, Carlo Lepore, Bogdan Mihai ou encore Paolo Pecchioli. L’accompagnement sera assuré par l’Orchestre Métropolitain et le Chœur de l’Opéra de Montréal. Salle Wilfrid-Pelletier, Place des Arts – 8, 11, 13, 15 et 17 novembre, à 19 h 30.

www.operademontreal.com

Traduction : Anne Stevens


English Version...
(c) La Scena Musicale