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La Scena Musicale - Vol. 2, No. 10

A Grand Bohème

Par Wah Keung Chan / 1 juillet 1997

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La Bohème de Puccini est un chef-d’oeuvre tellement familier et populaire que les compagnies d’opéra et les auditoires se contentent souvent de productions plus ou moins adéquates. C’est pourquoi il est d’autant plus admirable que la dernière production de La Bohème présentée par l’Opéra de Québec, le 26 mai, se soit révélée aussi intéressante et remarquable.

Les rôles principaux étaient distribués avec efficacité et imagination. La performance de la soprano québécoise Lyne Fortin, dans le rôle de Mimì, l’héroïne atteinte de tuberculose, la place d’emblée parmi les meilleures cantatrices au Canada. La Mimì de Fortin est déjà mourante au début du premier acte. Elle est maladive, fragile et déchirée par des quintes de toux tuberculeuse. Le son de la voix n’était pas agréable mais réaliste et madame Fortin doit être félicitée de n’avoir jamais chargé son rôle. Son interprétation des troisième et quatrième actes était bouleversante. L’agonie interminable de Mimì peut sembler ennuyeuse ou même ridicule si la musique est trop lente ou si la chanteuse charge trop son rôle. Le déclin physique de Mimì nous a démontré que madame Fortin avait beaucoup travaillé son rôle depuis Montréal, il y a deux ans.

Le rôle de Rodolfo était chanté par Jianyi Zhang, bien connu des auditoires montréalais pour sa performance dans la Légende de Faust au Festival de Lanaudière en juillet 1996 et celle du Duc dans Rigoletto présenté par l’Opéra de Montréal en février 1997. Dans Rodolfo, Zhang a trouvé un rôle parfaitement adapté à sa voix et à son tempérament dramatique. Dès les premières phrases, on s’aperçoit que la voix de Zhang est bien placée et en pleine forme. Il a chanté ses arias et duos avec une facilité et une agilité qu’on trouve rarement chez les ténors contemporains. Son puissant contre-ut de l’air «Che gelida manina» manquait peut-être de finesse, mais il y eut des moments (dans le duo du 3e acte, par exemple) où le phrasé et le timbre rappelaient la voix du grand Jussi Bjoerling. Au rideau, l’audience démontra son appréciation par une ovation debout.

Le baryton Gaétan Laperrière a donné un portrait convaincant du peintre Marcello. Anne Saint-Denis a chanté Musetta, l’amante passionnée, avec une magnifique voix de soprano. Le Schaunard du baryton Nathaniel Watson et le Colline de la basse Mikhail Svetlov Krutikov ont été bien joués mais je n’ai pas beaucoup apprécié la voix râpeuse de Krutikov.

Les décors compacts et réalistes de Wolfram Skalicki (loués de l’Opéra de Montréal mais construits pour une petite salle) s’accordent bien avec la salle Louis Fréchette du Grand Théâtre. Les décors du café Momus de l’acte II, construit sur un monticule pour ressembler au quartier Montmartre de Paris, faisaient penser au vieux quartier de Québec. Sous la direction de Brian Deedrick les airs joyeux dans le studio de Rodolfo aux premier et quatrième actes étaient amusants. Bernard Labadie, directeur artistique de l’Opéra de Québec, a tiré une interprétation fougueuse mais sensible de l’Orchestre symphonique de Québec. La salle Louis-Fréchette est un théâtre de taille moyenne de 1 878 sièges, assez intime pour qu’aucune voix ou musique ne soit étouffée comme il arrive souvent dans les plus grandes salles. L’excellente qualité acoustique de la salle Louis-Fréchette dessert bien l’Opéra de Québec. Cette série de représentations de La Bohème était vendue d’avance à 95 %, ce qui a permis d’ajouter une cinquième performance. Félicitations pour un succès bien mérité.


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(c) La Scena Musicale 2002