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La Scena Musicale - Vol. 19, No. 7

Quelle est la répartition du financement pour les festivals canadiens ?

Par Philip Ehrensaft / 1 juin 2014

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Le Programme des manifestations touristiques de renom (PMTR), a été créé par le gouvernement canadien dans le cadre de sa politique de réponse à la récession mondiale provoquée par l’éclatement de la bulle financière de 2008. Le montant des financements accordés aux festivals et aux événements touristiques a bondi, atteignant 88 millions de dollars pour les années 2009-2010 et 2010-2011, mais n’a pas été renouvelé en 2011.

Le PMTR, cependant, a limité son financement aux plus gros joueurs, c’est-à-dire aux festivals et événements existant depuis trois ans ou plus et ayant soit 1) un public minimal de 250 000 personnes et un budget opérationnel de 2 millions, soit 2) un public minimal de 40 000 personnes et un budget opérationnel de 500 000 $.

Afin de prévenir la dégringolade de l’économie canadienne, Ottawa a voulu injecter un programme de relance de l’économie rapide et efficace. La préséance accordée aux plus importantes organisations ayant déjà fait leurs preuves semblait être le moyen le plus sûr. Cette perception était-elle juste ? C’est là un autre sujet.

Ce qu’on peut certainement affirmer, c’est que l’organisation de lobbying représentant les plus importants festivals, Festivals et Événements majeurs du Canada (FEEM), aurait bien aimé voir ce geste en faveur de ses membres devenir un élément permanent dans le paysage du financement des arts.

Une étude des plus récentes données disponibles sur le principal programme de bourses fédérales pour les festivals et les diffuseurs dans le monde des arts, les Fonds du Canada pour la présentation des arts, administré par Héritage Canada, nous permet de voir si cette inclination s’est maintenue dans le temps.

« La festivalisation de la musique »

Le contexte dans lequel œuvrent les festivals de musique d’aujourd’hui diffère de celui qui existait il y a quelques décennies. Les festivals de musique du 21e siècle représentent une part grandissante du marché des performances « live » dans de nombreux genres : classique, jazz, rock, musique du monde, folk et country. Les activités des festivals, qui se prolongent au-delà de la durée du festival proprement dite, avec des concerts hors saison, des programmes scolaires et des cours de maîtres, agrandissent cette part. En réaction, les salles de concert, les clubs et les musées organisent de plus en plus des événements musicaux spéciaux, qui sont en fait des festivals, mais sous un autre nom.

« La festivalisation de la musique » est un terme employé par Emmanuel Négrier, Michel Guéri et Luis Bonet dans leur ouvrage Festivals de Musique(s) : Un monde en mutation (Éditions Michel de Maule, 2013). La festivalisation grandissante de la musique peut être attribuable à des facteurs anthropologiques bien plus qu’à des variables esthétiques ou économiques. Comme l’explique Marie-José Justamond, directrice artistique du festival de musique du monde SUDS, à Arles, en France : « Les festivals ont peut-être remplacé les grands rituels, les grandes cérémonies religieuses. Cela dépasse le simple cadre de la musique, ce sont des moments collectifs forts. Au-delà de l’impact économique, artistique, il y a un impact humain indéniable. »

La festivalisation a peut-être atteint le point de saturation dans de multiples genres musicaux et sur l’ensemble du territoire depuis que les politiciens ont accepté l’idée que les festivals artistiques généraient des retombées économiques importantes. Comme avec les autres innovations, les premiers acteurs ont retiré de gros profits, mais lorsque les deuxième et troisième générations sont entrées sur le marché, les revenus ont baissé, la concurrence s’est intensifiée et on assiste à une série d’abandons.

Quand la concurrence devient trop forte, le niveau et, par-dessus tout, la répartition des subventions gouvernementales est un facteur clé qui détermine la voie que le marché va emprunter.

Le financement fédéral des festivals

Parmi les 28 organisations membres de Festivals et Événements majeurs du Canada, il y a le Regroupement des événements majeurs internationaux (RÉMI), une coalition qui regroupe les plus importants événements touristiques et festivals du Québec. Collectivement, les membres de FEEM exercent une importance considérable dans le paysage économique national.

Dans un mémoire présenté en 2011-12 au Comité permanent de la Chambre des Communes, FEEM écrit :

« Pourquoi financer des événements et des festivals à succès ? Les principaux festivals et événements artistiques canadiens sont parmi les meilleurs au monde. Il y a une opinion répandue au Canada selon laquelle les dollars du secteur public doivent être réservés aux nécessiteux et aux personnes ou organismes en difficulté. Le succès n’élimine en rien le besoin d’investissement du fédéral; en fait, nous sommes d’avis que le gouvernement devrait investir davantage dans des initiatives à faible risque et à rendement élevé qui vont générer des revenus à court terme et aider le gouvernement à réduire la dette. »

Il n’est pas certain qu’Ottawa sera réceptif à la position de FEEM maintenant que l’économie est plus ou moins rétablie. Même si les décideurs au fédéral se laissaient convaincre par le raisonnement de FEEM, il y a un courant contraire provenant de plus petits festivals que l’on retrouve dans de nombreuses municipalités habitées par des gens qui votent aux élections, et ce, sur l’ensemble du territoire canadien.

FEEM est clairement mécontent du fait qu’en moyenne, le financement fédéral ne représente que 4% du budget opérationnel de ses membres. La plupart reçoivent plus d’argent aux niveaux provincial et municipal ou de commanditaires privés.


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