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La Scena Musicale - Vol. 19, No. 4

Les Canadiens rayonnent

Par Emilie White / 1 décembre 2013

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Jeunes Ambassadeurs Lyriques gala

Comme à chaque année, une délégation de jeunes chanteurs d’opéra canadiens et sa contrepartie internationale se sont exposées devant des directeurs de maisons d’opéra pour le XXe Gala des Jeunes Ambassadeurs Lyriques. Ces jeunes chanteurs sont à la recherche d’engagements et de stages.

Lors de leurs prestations à la salle Bourgie, même s’ils sont en début de carrière, la puissance de la voix des Canadiens a fortement impressionné.

Christine Bélanger
Résultats du XXe Jeunes Ambassadeurs Lyriques 
Grande gagnante : la mezzo Christianne Bélanger

Autres gagnants :
Leigh-Ann Allen, Laurence Guillod (Suisse), Lian Liu (Chine), Chantal Nurse, Inga Williams, Jang Eun Young (Corée), soprano
Beste Kalender, Emma Parkinson, Laurelle Jade Froese, Katrina Westin, mezzo
Yujoong Kim (Corée), ténor
Andrey Andreychik, Jonathan Estabrooks, Philip Kalmanovitch, Pierre Rancourt, Cairan Ryan, Anton Vinogradov (Russie), baryton

Vincent Monteil, directeur musical de l’Opéra Studio de l’Opéra national du Rhin, croit que la voix des chanteurs canadiens se distingue par cette force : « Ce sont des voix assez puissantes et ouvertes – peut-être pas toujours raffinées, ce serait la seule critique. Ce sont de grandes voix pour remplir des grandes salles comme vous avez en Amérique du Nord. Les théâtres de province en France ne font pas plus de 1000 places généralement, et peut-être 2500 places à Paris. À la salle Wilfrid-Pelletier : 3000 places, c’est énorme ! Ça conditionne la voix. »

La demande pour des chanteurs d’opéra canadiens est plus importante que pour des chanteurs français, qui sont, aujourd’hui, moins nombreux sur la scène internationale. Certes, la France a jadis su produire ses propres étoiles de l’opéra, comme Régine Crespin, dans les années 1950 et 60. Présentement, Roberto Alagna et Natalie Dessay sont les flambeaux de la France à l’international. En comparaison, les chanteurs québécois et canadiens fourmillent sur les scènes du monde.

Monteil concède que la réputation internationale des chanteurs canadiens est supérieure à celle des chanteurs français. « [Les Français] ne sont pas très nombreux, mais il y en a toujours eu dans toutes les générations – des barytons surtout – qui ont fait carrière, particulièrement au Metropolitan Opera. »

Quant à Jeannette Aster, directrice générale de l’Académie de la Roche D’Hys, le rayonnement des chanteurs canadiens serait attribuable au système d’éducation canadien, qui, selon-elle, est plus rigoureux. « Les Canadiens sont exposés à plusieurs langues en raison de l’immigration. Ils sont habitués à cette ouverture. Lorsqu’on chante de l’opéra, il faut chanter dans plusieurs langues, et pour un Canadien cela n’a rien d’étrange. Ils sont très ouverts d’esprit, et aussi ouverts à recevoir. Et cela est d’un grand bénéfice pour les chanteurs canadiens. »

Selon Hans Nieuwenhuis, directeur général de la Fondation Orfeo, l’ouverture d’esprit des Canadiens facilite leur intégration dans un autre pays. « J’ai eu beaucoup de Canadiens dans mon programme à Amsterdam, au moins 25 à 30 en dix ans. Il n’ont jamais eu de mal à trouver leur place dans une autre société. »

Monteil, quant à lui, estime qu’une certaine conciliation avec la vie familiale pourrait être un facteur qui limite les chanteurs français. Il croit que les chanteurs français se contentent des demandes du marché local, question de pouvoir revenir à la maison le soir. « Le choix de vouloir faire une carrière internationale implique des sacrifices. C’est très exigeant pour la vie familiale, la vie personnelle, le jet-lag, etc. Ce sont des coûts qui font qu’on ne va pas trop regarder, les Français, vers l’Amérique. Le marché est assez grand sur place pour ne pas avoir à s’exporter trop loin pour travailler. »

En arrière-scène : ce que les directeurs du monde proposent aux jeunes chanteurs

Trois jours avant le XXe Gala des Jeunes Ambassadeurs Lyriques, une quinzaine de directeurs d’opéra se sont assemblés en conférence. De la Russie à l’Italie, en passant par la Colombie-Britannique, les directeurs ont discuté des programmes de formation professionnelle pour les jeunes chanteurs d’opéra, maintenant offerts dans toutes les grandes villes européennes et canadiennes.

À Moscou, un jeune chanteur aura à apprendre énormément de rôles puisqu’il y a 300 représentations par année. À Vancouver, on lui demandera de se faire coacher par un styliste pour s’habiller convenablement lors de soirées de gala. Des cours d’escrime seront au rendez-vous pour certains studios. Et d’autres, comme à Düsseldorf, collaboreront avec des universités.

À Munich, on souligne l’importance sociale du jeu au théâtre. On exprime les difficultés du syndrome de la diva  : on chante et joue bien seul, mais on a de la difficulté à interagir sur scène avec les autres. La formation professionnelle tente de combler cette lacune.

Tout aussi importante, la planification de l’apprentissage d’un rôle. À Strasbourg, on donnera au jeune chanteur un horaire à suivre, en espérant qu’il sera par la suite assimilé. À Munich, on ne fait pas de coaching sur cet aspect, mais on espère que le chanteur l’apprendra naturellement. Alors qu’au Canada, on offre une formation spécialisée sur le sujet.

Finalement, certains programmes organisent le mentorat de manière structurée, alors que d’autres sont plus souples.

Somme toute : comprendre les besoins actuels du marché de l’opéra permettra au jeune chanteur de mieux évaluer, et décrocher, un futur contrat.


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