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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 7

En plein essor : Jan Lisiecki

Par Joseph So / 1 juin 2013

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Comment se sent-on lorsqu’on a dix-huit ans et qu’on est au sommet de son art ? Vous n’avez qu’à poser la question à Jan Lisiecki, la nouvelle grande vedette canadienne du piano.

Né à Calgary de parents polonais, Lisiecki s’est mis au piano à l’âge de cinq ans et il a joué pour la première fois avec un orchestre à neuf ans. En seulement quelques années, il a déjà atteint le sommet, jouant dans des salles de concert célèbres, accompagné de prestigieux orchestres. En 2012, Jan a eu l’honneur d’ouvrir les célébrations organisées pour le 200e anniversaire de Chopin dans le pays d’origine du compositeur, la Pologne.

Lisiecki est présentement étudiant de deuxième année au Conservatoire royal de musique à Toronto. Il étudie avec Marc Durand, tout en gardant un emploi du temps chargé d’environ cent représentations par année. Combien de jeunes de dix-huit ans peuvent se vanter d’avoir décroché un contrat exclusif avec Deutsche Grammophon, sans doute la plus prestigieuse maison de disques de musique classique ? À la signature de ce contrat, Jan n’avait que quinze ans, ce qui faisait de lui le plus jeune pianiste à signer un contrat avec DG.

Lisiecki a enregistré son premier récital des Études de Chopin pour DG au Koerner Hall en janvier. J’ai asssisté à une des séances. Lisiecki est plus mature que les jeunes de son âge, et sa création musicale est sincère et profonde.

Comment aimes-tu le travail d’enregistrement versus une représentation devant un public ?

JL : J’essaie de transformer chaque enregistrement en exécution devant public : je joue comme si je jouais pour un public. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de mes enregistrements sont des prises continues. C’est comme ça que j’aime travailler.

Comment te définis-tu en tant qu’artiste ?

JL : C’est une question difficile, mais intéressante ! Je pense que différentes personnes vont entendre différentes choses [dans ce que je joue], mais j’essaie de montrer la beauté avec laquelle chaque morceau a été écrit par le compositeur, et non que je joue très bien, même si je joue vite ou à la perfection.

Tu possèdes déjà une très bonne technique et une imagination poétique. Quelles sont les autres qualités d’un vrai artiste ?

JL : Il faut avoir de multiples talents pour être un artiste et j’y travaille tout le temps. Pour jouer très bien, il faut avoir un fond derrière le jeu : des pensées, des expériences. Pour moi, il s’agit d’aller visiter des musées, des galeries, de marcher dans les villes d’Europe, essayant d’apprendre quelque chose sur l’endroit, rencontrant des gens. Cela fait de quelqu’un un artiste et non seulement un technicien. On peut être un très bon technicien si on s’exerce huit heures par jour, si on travaille encore et encore ; on peut jouer les études de manière précise et exacte, mais si on ne raconte pas une histoire, on ne partage pas ses pensées.

Ta carrière a pris son envol sans que tu participes à de grandes compétitions. Que penses-tu des concours ?

JL : Pour de nombreux musiciens, c’est génial : se faire entendre, avoir l’expérience de donner des représentations. Malgré cela, le but principal d’un concours est, pour moi, de jouer devant un public. Pour me rendre en finale, je me fixe comme but de jouer avec un orchestre. C’est beaucoup plus important pour moi que d’obtenir le premier prix ou de l’argent. Mais je suis content de ne pas devoir participer à des concours. Je ne suis pas une personne compétitive.

Comment vois-tu le développement futur de ta carrière ? Que vas-tu jouer dans un an ou dans cinq ans ?

JL : Dans un an ? Je peux très bien répondre, c’est écrit dans mon calendrier. (petit rire) Beaucoup d’orchestres au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Asie. Dans le futur ? J’espère juste continuer à donner des concerts, à aimer ce que je fais. J’espère obtenir une éducation, il me reste deux ans avant d’obtenir le baccalauréat en musique à l’École Glenn Gould.

Qu’est-ce qui t’intéresse, à part la musique ?

JL : Le théâtre, l’opéra, la peinture, la sculpture… toutes les sortes d’art. J’adore l’art. En dehors des arts, j’aime voyager. Il s’agit de mon deuxième champ d’intérêt préféré après jouer de la musique.

Sainte-Pétronille (1er août), Orford (3 août), Stratford Summer Music (8-10 août)
Gagnez un disque de Jan Lisiecki. contest@lascena.ca

CRITIQUE
Chopin: Etudes Op. 10 & 25
Jan Lisiecki, piano
Deutsche Grammophon CD 4791039

Voici le deuxième disque (et premier disque solo) de Jan Lisiecki. Avec ce répertoire très populaire, Lisiecki perce dans un domaine extraordinairement plein de poids lourds du passé et du présent. Cette liste de grosses pointures inclut Ashkenazy, Perahia, Pollini, Horowitz, Argerich, Cortot, Freire, Cherkassky, et bien d’autres encore. La dernière fois que DG avait enregistré ces morceaux, c’était il y a très longtemps, en 1972, avec le grand Maurizio Pollini ! Le jeune Lisiecki est-il à la hauteur ? Généralement, les opinions diffèrent, mais selon moi, il est très agréable à l’oreille. Il n’y a aucun doute qu’il possède la prouesse technique nécessaire pour jouer avec virtuosité même les morceaux les plus difficiles, tels que l’op. 10, no 12 et l’op. 25, no 10. Son jeu témoigne d’une maturité et d’un naturel sans affectation qui sont attirants. Cependant, pour ce qui est de la profondeur d’expression et de la musicalité, on ne peut affirmer que Lisiecki a atteint les niveaux triomphants de certains des géants mentionnés ci-dessus. Ayant seulement 17 ans au moment de l’enregistrement, Lisiecki a l’avantage d’être jeune et, étant donné son prodigieux talent, il se développera encore sans aucun doute. Pour le moment, nous avons un jeune pianiste très prometteur qui joue un répertoire pour lequel il a fait preuve d’une affinité et d’un talent hors pair. Le son enregistré est clair et chaleureux. Nous le recommandons vivement. JKS


Traduction : Stefania Neagu


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