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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 7

Un grand projet : Ensemble Caprice s’aventure dans le Motezuma de Vivaldi

Par Hassan Laghcha / 1 juin 2013

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L’Ensemble Caprice présente, au Festival Montréal Baroque (21-24 juin), une reconstruction de l’opéra Motezuma de Vivaldi, dont une partie de la partition a été retrouvée en 2002 à Berlin. Cette grande première montréalaise est une mise en scène à mi-chemin entre un concert et un opéra et qui donne une autre direction artistique à l’œuvre originale. Elle allie des récitatifs et des airs baroques avec une narration faite par l’acteur principal sur fond de musique d’ambiance contemporaine. Aussi, elle fait appel aux technologies numériques pour nous faire revivre la saisissante histoire du dernier empereur aztèque. Tout un programme.

« C’est notre plus grand projet », indique Mathias Maute, le directeur artistique de cet ensemble qualifié par le New York Times de « grande force de changement progressive et réfléchie » sur la scène musicale. « Représenter cet opéra est un défi en soi, vu les soins particuliers avec lesquels Vivaldi l’a écrit. Il tenait à ce que cette œuvre précisément soit de la plus haute qualité possible », nous confie Maute en soulignant combien le travail sur cet opéra en compagnie des artistes de l’Atelier lyrique de Montréal a été pour lui stimulant.

 « La reconstruction de cette œuvre, présentée pour la première fois en 1733, est un test de ma capacité d’intérioriser l’esprit du style de Vivaldi. » Mathias Maute ne tarit pas d’éloges pour le compositeur italien plus connu pour ses concertos pour violon que pour ses opéras. « Pour la recomposition des 17 mouvements manquants, raconte-t-il, j’ai été amené à plonger dans le contexte de l’écriture de Motezuma. Vivaldi, qui avait alors 55 ans, était à l’apogée de son art. Mais il était soumis à la pression qu’exerçait à l’époque l’imposante école napolitaine avec ses airs et son style galant. » En fait, pour ce compositeur et ses collègues de l’Ensemble Caprice, Motezuma résume admirablement le rapport qu’avait Vivaldi avec l’opéra. « Vivaldi reste à découvrir comme compositeur d’opéra baroque », affirme-t-il en exprimant sa fascination pour le « grand feeling de la trame narrative » qu’avait Vivaldi – dont les opéras n’obtenaient pas, pourtant, le succès qu’il espérait.

Genèse

« Vivaldi ne voulait à aucun prix abandonner son propre style et sa propre conception de l’écriture opératique. Bien entendu, il a fini par faire des compromis en insérant dans ses œuvres quelques airs de style napolitain. Mais jamais il ne s’est identifié entièrement à cette école. » D’après Mathias Maute, cela peut être une explication du moindre succès des opéras de Vivaldi comparativement à ses concertos. En fait, ce contexte de naissance rajoute à l’intérêt de cette œuvre qui traduit bien le style propre d’Antonio Vivaldi, qui aimait varier les couleurs musicales et harmoniques et n’hésitait pas à intégrer des instruments qui n’étaient pas très usités dans l’écriture opératique de l’époque. « Dans ma version, j’ai tenu compte de tous ces éléments pour faire un mixage qui restitue l’esprit de l’œuvre et son contexte. J’ai écrit, par exemple, un air qui restitue le style napolitain avec ses triolets et sa structure harmonique distinctive, dit Maute. Car, comme on le sait, dans un opéra baroque ce sont les airs qui constituent les moments forts. L’essentiel est de produire une interprétation fidèle à l’esprit novateur de l’Ensemble Caprice, qui porte sa signature et exprime sa propre sensibilité artistique. » Il rappelle que l’Ensemble Caprice, dans ses travaux, garde toujours à l’esprit que la restitution des musiques anciennes doit être vivante et doit faire le lien entre le présent et le passé. « L’interprétation ne doit pas être une simple répétition, dit-il. Le grand problème dans la musique classique, c’est qu’on répète toujours la musique du passé de la même façon. Au contraire, l’interprétation des musiques anciennes doit donner de la vie aux œuvres en les restituant dans le temps présent pour répondre aux besoins de l’auditoire actuel. »

L’opéra Motezuma : une histoire rocambolesque

L’opéra Motezuma a été créé en 1733 au théâtre Sant’Angelo de Venise. Le livret d’Alvise Giusti raconte l’histoire de Moctezuma II, dernier empereur du Mexique. Vaincu, Motezuma est recherché par les soldats du conquistador espagnol Fernando Cortes. Il demande à son épouse Mitrena de tuer leur fille Teutile pour qu’elle ne tombe pas entre les mains des Espagnols. Suivront des épisodes où s’entremêlent les destins des uns et des autres dans une trame captivante et pleine de rebondissements. À la fin, Teutile épouse Ramiro, le frère de Fernando.

À la partition découverte en 2002, dans les archives de la Sing-Akademie de Berlin par le musicologue allemand Steffen Voss, manquent les débuts de l’acte I et de l’acte III et le finale de l’acte III. Seul le deuxième acte est complet. Dans la version qui sera présentée le 21 juin 2013 par l’Ensemble Caprice au théâtre St-James à Montréal, la partition reconstituée comporte 31 mouvements, dont 14 sont de Vivaldi.

Festival Montréal Baroque. 21 juin. montrealbaroque.com 


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