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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 6

Critiques / Reviews

April 1, 2013


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Amoroso
Cecilia String Quartet
Analekta AN 2 9984 (54 min 7 s)


Le leitmotiv qui traverse cet enregistrement est celui de l’amour intense, l’amour qui se conjugue à la passion, puissante et parfois dévorante. Le Quatuor no 1 « La sonate à Kreutzer » de Janáček illustre avec raffinement et intelligence la nouvelle éponyme de Tolstoï, dans laquelle un mari, malade de jalousie, assassine sa femme et un violoniste qu’il soupçonne d’être son amant. Janáček adopte le point de vue de la victime, en ponctuant ses élans lyriques d’interventions discordantes, telles des manifestations spontanées et obsédantes d’une menace grandissante. La Suite lyrique de Berg est une lettre d’amour codée destinée par son auteur à la femme d’un riche industriel et le Langsamer Satz de Webern, écrit pour sa cousine Wilhelmine, est une magnifique pièce romantique, explosion de lyrisme pré-atonal de l’élève de Schoenberg. Le quatuor Cecilia, gagnant de l’édition 2010 du Concours de Banff, tire très bien son épingle du jeu, par ses lectures vives et pleine de tension contenue.  — Frédéric Cardin

Bruckner : Symphonie no 6
Yannick Nézet-Séguin, Orchestre Métropolitain
Atma ACD2 2639 (53 min 24 s)


Yannick Nézet-Séguin poursuit son parcours du corpus symphonique brucknérien, arrivé maintenant à mi-chemin avec cette interprétation magistrale de la courte, mais si belle Sixième symphonie. Le problème habituel de l’édition se pose moins dans le cas de cette symphonie, peu « revisitée » par son auteur en comparaison des autres. Yannick soutire de son orchestre montréalais des trésors de nuances et de subtilités. La section des cors est particulièrement resplendissante, menée avec talent par le jeune Louis-Philippe Marsolais. Franchement, cette intégrale qui se dessine constituera probablement un jalon dans la discographie canadienne et peut-être même internationale. On en redemande.  — Frédéric Cardin

Haydn : Piano Concertos
Marc-André Hamelin, piano
Bernard Labadie, Les Violons du Roy
Hyperion CDA67925 (61 min 44 s)


Cette toute première rencontre discographique entre Marc-André Hamelin et Les Violons du Roy est très convaincante. Les trois concertos de Haydn choisis (nos 3, 4 et 11) sont habituellement les plus populaires du compositeur, la question de l’authenticité s’étant moins posée dans l’histoire que pour plusieurs autres du corpus. Hamelin a déjà enregistré plusieurs des sonates de Haydn. Ce disque consacré à la facette concertante de l’œuvre pianistique du compositeur poursuit la même direction adoptée par le virtuose québécois, soit une lecture claire et limpide, menée avec vivacité et assez d’énergie. On ne constate pas, cela dit, les exagérations « baroquistes » de certains artistes contemporains. Il se dégage de cette gravure un sentiment d’espace et de clarté qui imprègne toute la musique. Bernard Labadie accompagne Hamelin avec beaucoup de rigueur, mais aucune froideur. Une très, très belle production fabriquée au Québec.  — Frédéric Cardin

Rosenmüller : Sonate a 2, 3, 4 è 5 
stromenti, da arco & altri
Olivier Fortin, Ensemble Masques
Atma ACD2 2660 (72 min 52 s)


Johan Rosenmüller (1617-1684) est considéré par le musicologue Kurt Gudewill comme « le plus important compositeur allemand avant Bach et Haendel ». L’anecdote la plus intéressante à son sujet est celle qui nous apprend que, 100 ans avant Bach et Vivaldi, il travailla tour à tour à Saint-Thomas de Leipzig (que Bach dirigera) et à l’Ospedale della Pietà (tenu par Vivaldi). L’Ensemble Masques est un jeune groupe de Montréal et mené par le violoniste Olivier Fortin. Le niveau musical est très élevé, et le choix de répertoire toujours judicieux. Sans nous révéler une sorte de Monteverdi ou Corelli oublié, la musique de Rosenmüller démontre une grande intelligence et un sens convaincant de la mélodie. Les six musiciens de Masques affirment leur conviction de la qualité de ces partitions et réussissent à communiquer cette assurance. Une très belle musique, peu encline à la virtuosité, mais plutôt dédiée à la beauté des lignes et à l’équilibre des textures. Laissez-vous séduire par ces découvertes. — Frédéric Cardin

Brady : Atacama – Symphonie no 3
Peter Schubert, Vivavoce
Tim Brady, Bradyworks
Atma ACD2 2676 (50 min 29 s)


Tim Brady s’affirme de plus en plus comme l’un des créateurs les plus originaux de la scène contemporaine canadienne. Le guitariste électrique a depuis longtemps réussi à intégrer son instrument mal aimé de l’establishment classique dans le répertoire sérieux et respecté de la musique savante d’aujourd’hui. Cette 3e Symphonie est écrite pour chœur et ensemble et est inspirée du recueil poétique Symphonie (titre on ne peut plus approprié) du Chilien Elías Letelier. Dans cette œuvre, Letelier se fait critique du régime Pinochet, qui a dirigé de main de fer le Chili pendant de nombreuses années. La musique de Brady procède d’un modernisme postminimaliste sophistiqué, dans lequel la pulsation rythmique n’écarte pas l’utilisation efficace, mais pas abusive, de la dissonance et des harmonies corsées. Il en résulte une musique vibrante, intelligente et accessible, un peu à l’image de ce qui se fait de mieux chez l’Américain Michael Gordon et l’école new-yorkaise associée au collectif Bang on a Can. Ça fait du bien à entendre ! L’évolution de Tim Brady, en tant que compositeur, est fascinante à observer. Elle permet à la musique d’ici de s’enraciner pleinement dans le 21e siècle. — Frédéric Cardin

Sonatas & Suites : De Bréville, Koechlin & Tournemire
Steven Dann, alto
James Parker, piano
Atma ACD2 2519 (66 min)


Trois contemporains de Debussy injustement négligés sont ici « débusqués » par deux des meilleurs musiciens de chambre canadiens actuels. L’altiste Steven Dann (coordonnateur de la musique de chambre au Domaine Forget, entre autres) et James Parker (pianiste du Trio Gryphon) nous font découvrir, dans ce très bel enregistrement de la maison Atma, la musique de trois compositeurs français largement mésestimés de nos jours. La Sonate pour alto et piano de Pierre de Bréville (un étudiant de César Franck) est une merveille mélodique qu’on regrette vite de n’avoir jamais entendue plus tôt. Son lyrisme touchant, équilibré par la force nette et affirmée du dernier mouvement, constitue l’une des belles révélations de l’année, à n’en pas douter. La Sonate de Charles Koechlin est typique du caractère évanescent, un brin mystique, de ce compositeur singulier et souvent surprenant. L’impressionnisme intellectuel de Koechlin a l’avantage d’être appuyé par un sens de la coloration instrumentale exceptionnel. Il est le plus « moderne » des trois compositeurs sur ce disque. La Suite en trois parties op. 11 de Charles Tournemire (élève de Franck lui aussi) est une œuvre assez romantique, bien que manifestement tournée vers l’avenir dans l’élargissement, occasionnel, de sa palette tonale. Performances solides et chaleureuses de Dann et Parker, baignées dans une prise de son ample et juste assez réverbérante. La pochette à elle seule vaut l’achat du disque : cette magnifique teinte bleutée d’un escalier et de lampadaires nous plonge dans une sorte de Paris nocturne et onirique absolument irrésistible. — Frédéric Cardin

Dvořák: Stabat Mater Op. 58
Janice Watson, soprano; Dagmar Peckova, mezzo soprano; Peter Auty, tenor; Peter Rose, bass; London Philharmonic Orchestra and Choir/Neeme Järvi
Recorded live at the Royal Festival Hall October 9, 2010
LPO-0062 (67 min 8 s)

This great choral work used to be enormously popular but in recent years it has become a rarity in concert halls and on recordings. The first and last movements are enormously dramatic and powerful while the inner movements are more lyrical. Unusual in a large choral work from this period, there is very little contrapuntal writing except in the final Amen. Neeme Järvi has the measure of the work and leads an outstanding performance. One of the essentials of the piece is to keep it moving—somewhat counter-intuitive given the subject matter—and he does just that. In the outside movements he builds tremendous climaxes and elsewhere finds lightness where the music requires it.
Among the soloists, tenor Peter Auty is very good indeed, especially in his solo “Fac me vere tecum flere.” All the performers sound committed and inspired and the LPO Choir responds superbly to Järvi’s authoritative direction. — Paul E. Robinson

Prokofiev: Symphony No. 5 Op. 100/The Year 1941 Op. 90
Sao Paulo Symphony Orchestra/Marin Alsop
Naxos 8.573029 (59 min 48 s)

Brazil has been forging ahead in recent years as an economic powerhouse, and on the evidence of this recording its musical life is not far behind. The São Paulo Symphony Orchestra is a first-rate ensemble and under its new music director, American Marin Alsop, it is sure to become better known within a short time. Just recently it made its first appearance at the Proms.
Homebase for Alsop is the Baltimore Symphony, with whom she has already made many recordings, but by all accounts she will be commuting to Brazil on a regular basis. She leads an exciting and powerful performance of Prokofiev’s familiar Fifth Symphony. The brass and percussion will lift you out of your seat—watch out for that tam-tam—but the winds and strings make stylish and expressive contributions too.
The filler piece is the all but unknown The Year 1941, which evokes the Nazi invasion of the Soviet Union early in World War II. It was not well-received at its first performance and there seems to be no reason to change that judgement. Lots of patriotic fervor but little musical substance. — Paul E. Robinson

DVD
Music is the Language of the Soul: A Portrait of Mariss Jansons; Mahler: Symphony No. 2 “Resurrection”
Ricarda Merbeth, soprano; Bernarda Fink, mezzo-soprano; Royal Concertgebouw Orchestra/Mariss Jansons
C Major DVD Unitel Classica 709708 (142 min)

Latvian conductor Mariss Jansons turns 70 next year, and for a conductor, that means he is in his prime. He is the music director of two of the world’s great orchestras—the Royal Concertgebouw and the Bavarian Radio Symphony—and his performances these days are consistently mature and unaffected. That is certainly the case here with a Mahler Second that is faithful to virtually every marking in Mahler’s score while being dramatic and inspiring. Jansons is never ‘over the top’ in the Bernstein manner but he has a sure sense of how to build a climax and how to achieve just the right orchestral colour for every moment of the score. In that sense he is more like his mentor Herbert von Karajan.
There are two DVDs in this album and the first of them is devoted to a documentary about Jansons. We see him visiting old haunts in Riga and St. Petersburg, but Jansons comes across as somewhat self-effacing and reserved. Perhaps it is the fault of director Robert Neumüller that he was not able to get the conductor to reveal more of himself. — Paul E. Robinson

(c) La Scena Musicale