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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 3

Lucie Robert : S’inspirer, comprendre, transmettre

Par Jacqueline Vanasse / 1 novembre 2012

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Lucie Robert a su dès l’instant où elle a posé l’archet sur les cordes qu’elle serait violoniste. Et cet amour pour le violon a toujours été indissociablement lié à sa vocation de pédagogue. Être professeur est d’abord une chose instinctive et très naturelle pour elle. Très vite la talentueuse petite fille obtint l’admiration de sa sœur aînée, Anne. À tout juste 5 ans et en cachette de leurs parents qui trouvaient qu’une seule violoniste suffisait à la famille, Lucie entraînait sa sœur dans le sous-sol afin de lui prodiguer ses premières leçons de violon. Ensuite, vers 11 ou 12 ans, alors qu’elle était parmi les plus jeunes au Conservatoire de Montréal, il n’était pas rare que des élèves beaucoup plus âgés viennent lui demander conseil sur un phrasé ou un coup d’archet.

À 18 ans, Lucie part pour l’Université d’Indiana étudier avec le grand violoniste et pédagogue Josef Gingold. Elle se souvient d’avoir aimé l’école et son professeur dès le premier contact. Elle restera ainsi neuf ans à Bloomington et fut pendant les trois dernières années l’assistante de Gingold. Ces trois années ont été pour elle une formation exceptionnelle. Étant déjà reconnue pour ses qualités de professeur, de très bons musiciens venaient jouer pour elle afin d’avoir son avis. Enfin dès l’âge de 26 ans, la violoniste se voit offrir un poste de professeur à la prestigieuse Manhattan School.

Depuis plus de 20 ans professeure à la Manhattan School of Music et au Mannes College à New York, Mme Robert enseigne également dans les académies d’été depuis des années. Parcourant le monde, elle emmène chaque fois une partie de sa classe. « Le monde est grand, il y a de la place pour plusieurs idées différentes. Rencontrer les autres professeurs et les autres élèves avec leurs expériences différentes est très motivant et tellement important », explique Mme Robert. Ainsi chaque musicien est le résultat de plusieurs influences différentes et parmi tous ces gens et toutes ces influences, il faut faire son propre mélange et sa propre compréhension de ce qui nous entoure. La compréhension des autres et du monde est essentielle dans l’esprit de Mme Robert. Bien sûr les heures de travail passées sur l’instrument sont importantes, mais il faut aussi être conscient de ce qui se passe autour de nous. Il faut se laisser influencer toute sa vie.

« La vie en elle-même est inspirante, dit Lucie Robert, même les choses que l’on pense parfois être négatives deviennent inspirantes parce qu’elles nous changent, elles forment ce que nous sommes et définissent notre caractère. » La vie est ce qu’elle est et on doit apprendre de nos expériences, être passionné et faire de notre mieux à tout moment. Et si l’on désire vraiment quelque chose ou que l’on croit vraiment en quelque chose, on se doit d’être convaincant. Notre voix compte, mais il faut aussi réaliser que nous ne sommes pas seuls et qu’il y a toujours quelque chose de nouveau à apprendre. En cela la musique de chambre est un formidable exercice : même si des musiciens ne s’entendent pas personnellement ou musicalement, lorsque vient le temps de la prestation, ils n’ont pas le choix de jouer et d’en sortir une certaine compréhension mutuelle.

En tant que professeure, Mme Robert essaye toujours de voir avant tout ce qu’il y a de bon dans chaque élève. Ce n’est pas évident d’être à la place de l’élève qui est souvent bombardé de renforcement négatif. Son rôle, en tant qu’enseignante, pense-t-elle, est de sensibiliser et de conscientiser l’élève peu importe son niveau ou son talent. Son rôle est de l’ouvrir aux possibilités expressives infinies du violon et à la recherche d’une beauté sonore. On retrouve effectivement chez les élèves de Lucie Robert une grande force lyrique, une puissance et une beauté sonore particulières. Heureuse de retrouver sa signature dans le jeu de ses élèves, la pédagogue serait néanmoins très triste si tous ses élèves jouaient de la même manière.

« Je ne suis jamais aussi fière que lorsqu’un élève tourne une phrase provenant d’une œuvre que je connais bien juste un peu différemment, en restant fidèle au compositeur, mais avec ses propres sentiments », dit-elle. Un bon professeur trouve la voix individuelle de chaque élève et lui enseigne la technique afin qu’il puisse s’exprimer librement. Il faut toujours être à l’écoute de ce que l’élève ressent de la musique et l’aider à sublimer son sentiment. « La technique n’a rien de mystérieux, précise Mme Robert. C’est le talent de l’élève, sa sensibilité par rapport à la musique qui sont prodigieux, la façon dont ses oreilles entendent, ce qu’il a dans les tripes, comment il laisse parler son âme, comment il va d’une note à une autre. »

Exigeante, Mme Robert demande toujours à être surprise. Ne supportant pas la paresse, elle doit sentir chez ses élèves l’envie d’apprendre. En échange, elle mettra tous ses efforts et son énergie à pousser l’élève le plus loin possible. Notons que ses élèves se sont illustrés lors de plusieurs grands concours internationaux tels que le Concours musical international Reine-Elisabeth de Belgique, le Concours Musical International de Montréal, le concours d’Indianapolis et le Concours Paganini, pour n’en nommer que quelques-uns.

Pour ce qui est de l’avenir, Lucie Robert voit une nouvelle étape s’ouvrir devant elle. En effet, son fils quittant le domicile familial pour l’université, la pédagogue pourra consacrer plus de temps à se produire en concert. Ce qui est certain, c’est que toujours plus en demande, Mme Robert restera grandement impliquée dans l’enseignement du violon, prête à inspirer encore beaucoup de musiciens.


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