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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 3 novembre 2012

Critiques

1 novembre 2012

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Version Flash ici.

Berlioz: Requiem op. 5
Nicolai Gedda, ténor/Chœur et Orchestre symphonique de la WDR de Cologne / Dimitri Mitropoulos
ICA Classics ICAC 5075 (82 m 22 s)
4/6
À la mort de Dmitri Mitropoulos, en 1960, pendant une répétition de la Troisième Symphonie de Gustav Mahler, on se souviendra de sa démission de la direction de l’Orchestre philarmonique de New York et du faible nombre de ses enregistrements de qualité sur disque. Toutefois, les performances en direct, qu’on voit peu à peu réapparaitre, confirment ce qu’un petit cercle d’admirateurs savaient déjà : il fut l’un des plus grands chefs d’orchestre de sa génération tant dans les salles de concert que dans les opéras. Ce nouvel album contribue à perpétuer la légende. Dédié au Requiem de Berlioz, une œuvre magistrale que le maestro n’a jamais enregistrée à des fins commerciales, la performance est méticuleusement soignée, profondément touchante dans les moments les plus calmes et bouleversante dans les moments culminants. L’effet éclatant des quatre ensembles de cuivres, disposés aux quatre coins de la scène, en particulier dans le Dies Irae, peut difficilement être rendu sur disque, mais cet album y parvient presque. Les joueurs de cuivres, galvanisés, ont su donner ce que Mitropoulos attendait d’eux et je suis certain qu’il en a été satisfait. Le jeune Nicolai Gedda donne une remarquable lecture du difficile Sanctus malgré quelques difficultés au plan de la tessiture. Paul E. Robinson

Beethoven: Sonates pour violon et piano (intégrale)
Henri Temianka (violon) /Leonard Shure (piano)
DOREMI DHR-8011-3 (206 m +)
4/6
Plusieurs artistes renommés ont enregistré ces pièces, mais peu peuvent prétendre avoir atteint la virtuosité déployée lors de ces interprétations en direct, données à la Bibliothèque du Congrès (Washington) en 1946. Temianka (1906-1992) est né en Écosse de parents juifs polonais. Il a étudié auprès de Carl Flesch au Curtis Institute de Philadelphie et a vécu la plus grande partie de sa vie aux États-Unis. Entre autres honneurs, il a reçu le troisième prix au concours Wieniawski en 1935. Pas mal du tout quand on sait que Ginette Neveu obtint le premier prix et David Oïstrakh le second !
Il faut entendre la beauté du jeu de Temianka pour y croire. Par contre, il ne cherche jamais à épater avec ce son à couper le souffle, toujours jumelé à un phrasé exemplaire et à des choix de tempo presque parfaits ! Son partenaire est le pianiste américain émérite, Leonard Shure (1910-1995), lequel a été, à un certain moment, l’assistant d’Artur Schnabel.
Les interprétations sont vives et étonnamment bien enregistrées malgré l’époque et le fait qu’elles soient en direct. L’interprétation de la neuvième sonate (« Kreutzer ») est sans contredit la meilleure que j’aie jamais entendue. En écoutant ces sonates en ordre chronologique, j’ai été frappé de nouveau par l’originalité de cette œuvre monumentale. Paul E. Robinson

Busoni : Clarinet Concertino; Divertimento for Flute and Small Orchestra; Tanzwalzer op. 53; Eine Lustspielouvertüre; Gesang vom Reigen der Geister; Rondo arlecchinesco op. 46
Giammarco Casani, clarinette; Laura Minguzzi, flûte; Gianluca Terranova, ténor; Orchestra Sinfonica di Roma/Francesco La Vecchia
Naxos 8.572922 (60 min 38 s)
5/6
Quand on pense à Ferruccio Busoni, on pense assez rapidement à une musique dense et contrapuntique. Les œuvres au programme de ce généreux disque témoignent occasionnellement de cette esthétique privilégiée par le compositeur, mais elles surprendront le mélomane par une légèreté plus vivante que ce à quoi on s’attendrait habituellement d’un programme consacré à cet Italien mort en 1924. L’Ouverture pour une comédie (Eine Lustspielouvertüre) est très mozartienne, la Tanzwalzer presque danubienne et le Rondo arlecchinesco est d’un modernisme résolument teinté d’espièglerie. On reconnaîtra le Busoni plus touffu et sérieux dans le Gesang vom Reigen der Geister (Chant de la ronde des esprits). Le Concertino pour clarinette est éminemment suggestif, élargissant parfois le cadre de la tonalité, mais en demeurant constamment ancré dans une conceptualisation très picturale. Il s’agit là d’une très jolie découverte. Le Divertimento pour flûte procède d’une même conception à cheval entre le romantisme tardif et le modernisme élégiaque. Un excellent disque. Frédéric Cardin

Brahms : Intégrale des Quatuors à cordes ; Quintette pour clarinette et cordes
Quatuor Juilliard (Robert Mann, Joel Smirnoff, violons ; Samuel Rhodes, alto ; Joel Krosnick, violoncelle), Charles Neidich, clarinette
Newton Classics 8802131
(2 CD : 71 min 55 s et 76 min 47 s)
4/6

La jeune maison hollandaise Newton se consacre à la reprise d’enregistrements disparus du catalogue à tort ou à raison. L’exécution des Quatuors à cordes de Brahms par les Juilliard, entreprise en 1993 et 1994, n’a pas fait date. Il faut croire que, à cette époque, l’ensemble américain fondé en 1946 et qui avait déjà subi des changements dans sa formation n’était plus au sommet de ses moyens. Un professionnalisme impeccable mais quelque peu routinier avait remplacé la rigueur structurelle qui avait établi sa renommée. Et ces œuvres de Brahms, si difficiles à équilibrer, s’en ressentent. Le jeu d’ombres et de lumière qui leur est nécessaire échappe aux Juilliard et l’intensité particulière des deux premiers Quatuors n’est pas au rendez-vous. Le Troisième semble retrouver un peu d’allant sous leurs archets. Le Quintette pour clarinette et cordes ne trouve pas non plus en Neidich son interprète idéal, mais le deuxième mouvement atteint à une certaine émotion. Alexandre Lazaridès

Kraus: Viola Concertos
David Aaron Carpenter, alto; Riita Pesola, violoncelle; Tapiola Sinfonietta
Ondine ODE 1193-2 (61 min 51 s)
5/6

Joseph Martin Kraus était le presque parfait contemporain de Mozart (il est né la même année et est décédé moins d’un an plus tard). Il avait un flair évident pour les mélodies accrocheuses et, bien que ne présentant pas la même étincelle de génie que l’Autrichien, il savait développer ses idées de manière engageante et assez efficace. La principale faute de Krauss fut d’être engagé à la cour du roi de Suède. Stockholm n’était pas au centre de l’activité artistique de l’époque. Le grand talent de Kraus, que l’on redécouvre de plus en plus depuis quelques années, ne fut pas suffisant pour compenser le manque de reconnaissance associé à la relative obscurité artistique et l’excentricité géographique de son employeur. Quoi qu’il en soit, nous avons la chance aujourd’hui d’avoir à notre disposition des musiciens passionnés qui osent déterrer ces trésors oubliés. Les concertos pour alto de Krauss se comparent avantageusement aux autres exemples de l’époque et ils constituent un ajout important au répertoire peu foisonnant pour cet instrument. Mélodies mémorables et rythmes allègres se joignent à une interprétation enlevante et convaincante du jeune David Aaron Carpenter et de la Tapiola Sinfonietta. Une autre très belle découverte à ajouter à votre discothèque. Frédéric Cardin

DVD

Bruckner: Symphonie No 7 / Documentaire “The Triumphant Return”
Orchestre philarmonique de Berlin/Sergiu Celibidache
Enregistré en direct au Schauspielhaus à Berlin, le 31 mars et le 1er avril 1992
Euroarts DVD 2011408 (90 m : concert; 54 m : documentaire)
3/6
Pour certains mélomanes, le nom « Celibidache » est associé à la quintessence de la direction orchestrale. Je dois admettre avoir vu le maestro pour la première fois en 1969 et avoir été ébloui moi aussi par son charisme et sa puissance extraordinaire. Mais au fil des années, ma perception a changé et pas pour le mieux. Les présentations A et B, le concert et le documentaire, incluses dans ce DVD me suffisent pour démontrer que Celibidache est devenu, hélas, un exemple déplorable de ce type de maestro de sa génération, surestimé, omniscient et omnipotent.
Ce documentaire est composé presque entièrement d’extraits de répétitions des concerts présentés par le Philarmonique de Berlin en 1992 (les premiers concerts de Celibidache avec cet orchestre en 38 ans). Celibidache traite les musiciens de cet orchestre, un des plus réputés au monde, comme s’il s’agissait d’étudiants, voire de piètres étudiants. Était-ce sa façon de leur dire que ce qu’ils avaient appris sous la direction de Karajan était faux et qu’il fallait tout réapprendre ? Est-ce lié au fait que Karajan vouait une inimitié à Celibidache, court-circuitant sa carrière à ses débuts ? Celibidache avait été le chef de l’orchestre pendant quelques années après la Seconde Guerre mondiale alors que personne n’était disponible. Quand l’Allemagne ouvrit à nouveau ses frontières, Furtwängler, le chef en titre, revint reprendre son poste et, après son décès en 1954, c’est Karajan qui fut nommé chef à vie. Obligé de quitter son poste, Celibidache poursuivit alors une carrière marginale et pleine de mutations remplie de répétitions sans fin, de classes interminables avec des résultats somme toute bien ordinaires.
Mais revenons à la question des répétitions. Celibidache parle sans arrêt et trouve à redire au jeu des musiciens à pratiquement chaque mesure. Il va même jusqu’à leur dire qu’il est le seul à avoir compris la Septième Symphonie de Bruckner depuis Furtwängler. Or, je peux facilement évoquer plusieurs grands chefs d’orchestre qui ont dirigé la Septième de Bruckner avec le Philharmonique de Berlin entre 1954 et 1992. Citons, entre autres, Karajan, Böhm, Jochum, Wand, Barbirolli et Giulini. Sans doute ont-ils tous été vraiment mal informés, suivant les standards de Celibidache ! Ses remarques aux musiciens sont-elles vraiment le fruit d’un esprit érudit ? Au contraire, ne témoigneraient-elles pas plutôt, de façon caricaturale, de son arrogance absurde ?
La performance en soi est remarquable pour la qualité de l’interprétation bien qu’on ne s’attende à rien de moins de la part du Philarmonique de Berlin. Hélas, les tempos sont si lents qu’on croirait par moments que la musique va s’arrêter. Le premier mouvement est noté « Allegro moderato » et le scherzo « Sehr schnell », mais Celibidache décide, dans son infinie sagesse, d’ignorer complètement les indications de tempo. Bref, cette performance est une parodie qui entache l’appréciation de Bruckner pour plusieurs décennies. Paul E. Robinson

Ivry Gitlis : Volume 1. Live Performances 1955-1992. Sibelius: Concerto pour violon; Brahms: Double Concerto; Paganini: Concerto No 2 pour violon; Hindemith: Concerto pour violon, etc.
Ivry Gitlis, violon, avec plusieurs orchestres et accompagnateurs.
DOREMI DHR-7981-3 2 CD et un DVD (180 m+)
5/6

Ivry Gitlis a récemment célébré son 90e anniversaire de naissance et demeure ainsi l’un des plus grands violonistes vivants. Israélien né en Palestine, il étudie en France où il acquiert rapidement la réputation d’être un jeune artiste talentueux doté d’une technique exceptionnelle. Outre sa virtuosité, Gitlis s’est fait connaître pour son jeu passionné et pour l’originalité de ses interprétations.
Ce coffret constitue une collection inestimable, un incontournable dans la discothèque de tout mélomane averti. Le Concerto de Sibelius, enregistré alors qu’il était en tournée aux États-Unis en 1955, est tout simplement sensationnel. Le chef d’orchestre George Szell ne sait plus où donner de la tête en tentant de suivre les tempos de Gitlis, notamment dans le dernier mouvement, mais la performance est convaincante du début jusqu’à la fin. Dans le même ordre d’idées, on trouve la performance du violoniste, datant de 1966, du mésestimé Concerto pour violon de Hindemith sous la baguette de Sixten Ehrling.
Certaines des prestations sur DVD manquent de synchronisme. Néanmoins, elles valent la peine d’être visionnées. On ne peut s’empêcher de noter, non sans stupéfaction, l’aisance avec laquelle Gitlis réussit les passages les plus difficiles, et ce, sans sourciller le moins du monde. Il a su captiver le public à travers le monde grâce à son talent et non par cabotinage. Paul E. Robinson

Luciano Pavarotti
Un film d’Esther Schapira
Euroarts 2058918 (58 min + bonus 35 min)
5/6

Au risque de faire une hyperbole, il y a Pavarotti et il y a les autres. Aucun ténor des 50 dernières années n’avait une personnalité aussi grande que la sienne, aucun n’avait non plus la qualité méditerranéenne ensoleillée de sa voix si reconnaissable. Peu importe qu’il ne sût pas lire la musique, qu’il ne fût pas le parangon de la discipline et qu’il ait eu un répertoire limité : rien de tout ça n’importe tant le public l’aimait. Pour complémenter tout ce que nous avons déjà sur Pavarotti l’artiste, voici un nouveau documentaire allemand sur Pavarotti l’homme. De ses premières années à sa mort prématurée du cancer pancréatique en septembre 2007, tout est raconté par le documentaire avec candeur et sensibilité. On y trouve beaucoup d’entrevues avec son épouse Adua Veroni, son ami d’enfance Luciano Ghelfi, son assistant personnel Edwin Tinoco, ses collègues Mirella Freni et José Carreras, son agent Herbert Breslin, l’intendant du Met Joseph Volpe, le chef d’orchestre et mentor Leone Magiera et même avec la célébrité Bono, qui l’admirait. La seule absence évidente est sa seconde épouse Nicoletta Mantovani, qui n’a pu être là en raison des conditions qu’a imposées sa première épouse Adua pour participer au documentaire. Le documentaire montre bien l’essence de Pavarotti, sa personnalité ensoleillée, son âme généreuse, son amour de la vie (et de la nourriture), sans oublier combien il appréciait la beauté féminine. Le documentaire raconte des potins, mais de façon respectueuse, et ne fait pas dans la médisance. Lamentablement courtes, les 58 minutes du film passent en un clin d’œil. Les extras renferment des extraits additionnels des entrevues avec Bono, Carreras, Breslin et Volpe. Quiconque est intéressé par le charismatique Luciano Pavarotti doit voir ce documentaire. Joseph K. So

Traduction : Lina Scarpellini, Jérôme Côté


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(c) La Scena Musicale 2002