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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 2 octobre 2012

Le grand dialogue : Deux explorations de la relation entre danse et musique

Par Lina Scarpellini / 1 octobre 2012

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Cet automne, deux œuvres contemporaines nous feront découvrir le fruit d’une recherche artistique à travers un dialogue entre la danse et la musique. La première nord-américaine de la création Une idée sinon vraie… se tiendra du 24 au 26 octobre, à l’Agora de la danse. À partir de l’œuvre musicale en sept mouvements et trois interludes d’Ana Sokolović, la Commedia dell’arte I et II, le Quatuor Bozzini et le danseur et chorégraphe Marc Boivin se livrent sur scène à une mise à nu des facettes cachées de nos personnalités et de leurs contradictions.

Si la proposition d’Ana Sokolović ne sembla pas à prime abord interpeller le chorégraphe, c’est lors d’une visite au musée Goldoni, à Venise, que les liens se sont tissés. « Il y a des facteurs extérieurs à soi qui viennent chercher des éléments intérieurs et c’est ce que la musique d’Ana est venue chercher. » Boivin se dit troublé par le monde dans lequel on vit, un monde où on doit se construire des certitudes qui, au fond, reposent sur des idées sinon vraies du moins vraisemblables pour avancer, pour comprendre les choses. « On se crée des personnages, on revêt les vêtements des personnages pour apprendre à se connaître. » C’est en lisant un texte sur la forme de la Commedia dell’arte que le chorégraphe découvre une phrase qui inspirera le titre de l’œuvre. Ce texte d’Angelo Beolco, considéré comme le précurseur de Goldoni, contient, aux dires d’Isabelle Bozzini, quelque chose d’intemporel.

« La musique d’Ana, c’est un bijou ! » affirme Boivin. Si la partition musicale en sept mouvements reflète les sept personnages emblématiques de la Commedia dell’arte, il s’est éloigné de ces personnages et de la tradition théâtrale. Sur scène, il traverse différents états, parfois fantaisistes, parfois philosophiques, qui évoquent une quête, jouant de son corps comme les musiciens de leurs instruments. Ensemble, ils s’accordent, dialoguent et se transforment. En parlant des membres du quatuor, Boivin précise : « Ce ne sont pas des acteurs ni des danseurs, mais ce sont des êtres humains. Sur scène, il y a une chimie. Et cette chimie, je la voulais. » Ils ont passé énormément de temps ensemble, à jouer, à expérimenter et à improviser. Bozzini ajoute : « On a questionné beaucoup de nos acquis et idées reçues en tant que musiciens. Il y a beaucoup de mouvement dans l’espace. Il a fallu revoir la conception de l’éclairage. Il y a eu beaucoup d’exploration : jouer dans le noir, jouer dos à dos, il y a des moments où on est transporté par le danseur. » Selon le quatuor, le public sera ravi. « Le public doit s’attendre à un questionnement intéressant. La mise en scène est simple mais ingénieuse et la musique d’Ana est évocatrice. »

Du 14 au 16 novembre, le spectacle Vertiges sera présenté à l’Agora de la danse. Le chorégraphe et danseur Paul André Fortier affirme : « Mes projets sont d’abord liés à des personnes que je trouve stimulantes et inspirantes et Malcom Goldstein est une de ces personnes. » Les deux hommes d’âge mûr explorent la douleur, la perte et surtout la tristesse. « Il y a des tristesses négatives et d’autres non, que la maturité nous fait accepter. C’est de cette tristesse dont il est question, dit le chorégraphe. Lui et moi, on commence à se poser la question de la suite. Il y en a moins qui reste devant et on approche de la ligne d’horizon. D’où le vertige, l’espace derrière soi étant plus grand. »

« Dans cette heure que dure la pièce, il y a des moments très intenses, émouvants et d’autres loufoques. » Le chorégraphe a opté pour la plus grande simplicité. « C’est une recherche d’authenticité et l’honnêteté, pour le public, c’est intéressant. » Une large place est accordée à l’improvisation musicale vers la fin de la danse. Pas de deux ? Dialogue ? La question n’est pas de suivre ou de mener l’autre. « Dans ce processus, nous devenons un, souligne Malcom Goldstein. L’improvisation est au cœur de ma musique, tant à titre de compositeur que d’interprète. » Goldstein résume sa pensée ainsi : « Pour moi, l’improvisation est un processus de découverte, un état de résonance où on laisse émerger ce qui doit l’être, une intensification du moment présent. Le but n’est pas d’essayer d’exprimer quelque chose en particulier, mais simplement d’être totalement présent, concentré et vivant à chaque instant qui passe. » Fortier renchérit : « Il ne s’agit pas de la démonstration de ce qu’on sait faire, mais plutôt de montrer la somme de qui nous sommes, de conjuguer les deux. » Les spectateurs seront touchés par la grande complicité des deux artistes, par cette rencontre riche en émotions jusqu’au vertige.

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