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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 1 septembre 2012

Critiques

1 septembre 2012

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Version Flash ici.

After You, Mr. Gershwin
André Moisan, clarinette; Jean Saulnier, piano
ATMA classique ACD2 2517
5/6
Quelle bonne idée que de regrouper une sélection de compositeurs qui, dans la lignée d’un Gershwin, on créé une musique à la frontière du jazz et du classique. D’autant plus que la clarinette et le piano, instruments polymorphes et caméléons, se prêtent bien à ce métissage. André Moisan et Jean Saulnier interprètent avec une grande énergie et un sens musical solide ce programme situé quelque part entre l’arbre et l’écorce. On y retrouve un petit hommage fort sympathique à Gershwin signé Bélà Kovács, des pièces de musiciens classiques qui touchent au jazz (Joseph Horowitz, Robert Muczynski, Mike Mower) ainsi qu’un musicien de jazz– Paquito D’Rivera–qui touche au classique! À souligner aussi la très belle pièce de Daniel Mercure, d’une douceur mélancolique et d’une sensibilité à fleur de peau. De belles œuvres, peu connues mais extrêmement intéressantes, qui procurent grâce à ces interprètes brillants un plaisir d’écoute contagieux!             Éric Champagne

Alejandra Cifuentes Diaz...sous les Chandelles
Alejandra Cifuentes Diaz
Maga Multi Média (49 min 50 s)
4/6

Alejandra Cifuentes Diaz est une jeune pianiste qui a étudié à l’Université de Montréal. Comme beaucoup de pianistes avant elle, elle a décidé de nous présenter un album sous forme de pot-pourri, c’est-à-dire comportant des pièces pour le clavier parmi les plus connues. Par contre, avec ce CD, la musicienne, qui agit également comme productrice, ne cherche pas à éblouir la galerie en interprétant des œuvres pleines de virtuosité. Elle va plutôt dans un autre répertoire, celui de la sensibilité, de la douceur et même de la sensualité. Le disque compact comporte douze pièces durant, pour la plupart, moins de cinq minutes. On y retrouve, sans surprise, les très connus Für Elise de Beethoven et Claire de lune de Debussy, mais aussi quelques pièces moins souvent jouées comme le 2e mouvement du Concerto italien de Bach ou la sarabande de la suite Pour le piano de Debussy. Chaque œuvre y est interprétée avec toute la délicatesse requise. On sent que l’artiste est dans son élément. On regrette toutefois l’assez courte durée de l’album (environ cinquante minutes) et la présence de quelques bruits parasites ici et là. Malgré cela, il s’agit d’un bon investissement si vous voulez connaître cette pianiste très prometteuse.             Philippe Michaud

Bartók: Concerto for Orchestra; Music for Strings, Percussion and Celesta
Baltimore Symphony Orchestra/Marin Alsop
Naxos 8.572486 (67 min 27 s)
4/6

La qualité du timbre orchestral, chez Naxos, se raffine de façon fort perceptible depuis quelques années. Certes, les cordes ici manquent de présence (Concerto pour orchestre), là baignent dans une trop lourde réverbération (Musique pour cordes, percussion et célesta), mais l’ensemble s’avère digne des concurrents plus onéreux. Il en va de même pour l’interprétation. Il existe de nombreux enregistrements des chefs-d’œuvre bartokiens faisant preuve d’une plus sincère authenticité (tant dans la sauvagerie rythmique que les caractères folkloriques), mais la fine oreille de Mme Alsop, conjuguée avec la précision de la prise de son, permet à l’auditeur de jouir pleinement des plus beaux atours orchestraux du Concerto et de s’étonner des multiples subtilités de la Musique pour cordes qui échappent trop souvent au micro.             René Bricault

Christian Lane: 1e prix–Concours d’orgue du Canada 2011
Christian Lane, orgue
ATMA ACD2 2674 (74 min 38 s)
5/6
L’Américain Christian Lane avait impressionné le public et le jury de la 2e édition du Concours d’orgue du Canada en 2011. Grâce à cette victoire, il est revenu en début d’année 2012 afin de graver un récital pour la maison Atma aux Saints-Anges de Lachine (et sur son Casavant, signé «opus 869»). Christian Lane a choisi la formule du récital plutôt panoramique plutôt que d’approfondir une ou deux œuvres plus costaudes. Il a malgré tout concentré son attention sur le romantisme et sur ses dérivés plus modernes, de Schumann à Dupré en passant par Elgar, Liszt, Roger-Ducasse, Vierne et Whitlock. Ce répertoire lui sied bien. On apprécie la touche délicate, l’attention aux subtiles nuances et le talent de coloriste du jeune interprète, associé à l’université Harvard. La Pastorale de Roger-Ducasse possède un très joli charme bon enfant, le Clair de lune de Vierne est fort réussi, tout en textures diaphanes. On est heureusement satisfait des Variations Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen de Liszt. Le discours harmonique est bien maîtrisé, les contrastes dynamiques sont habilement conduits, et ce, de façon à magnifier le potentiel affectif de l’œuvre. Un très beau disque.             Frédéric Cardin

Connections–Franck: Sonata for Cello & Piano; Debussy: Sonata No. 1 for Cello & Piano; Chausson: Piece Op. 39; Fauré: Papillon Op. 77
Winona Zelenka, violoncelle; Connie Shih, piano
Marquis 774718142726 (54 min 21 s)
4/6

Winona Zelenka, artiste canadienne talentueuse, a été violoncelle solo du Toronto Symphony Orchestra durant cinq saisons. La pianiste Connie Shih s’est fait connaître à l’international à un âge étonnamment jeune. Sur ce nouveau disque bien enregistré, ce formidable duo joue plusieurs classiques du répertoire français. Zelenka possède une technique remarquable et un phrasé mature qui font oublier son jeune âge. La sonate de Franck, tout le monde la joue, que ce soit dans sa version pour violon ou celle pour violoncelle. Or, Zelenka et Shih parviennent à la vivifer, à la rafraîchir. Il ne fait aucun doute que Shih a ce qu’il faut pour les passages concertants, mais son jeu manque parfois de subtilité. Peut-être est-ce un peu la faute de l’enregistrement.
J’ai bien aimé la Pièce op. 39 de Chausson, une œuvre que je n’avais jamais entendue auparavant. Reste qu’il y a tant de répertoire de Chausson que personne ne connaît ni ne joue. L’heure serait-elle venue de ressusciter son œuvre?
Entre parenthèses, les «connexions» qu’annonce le titre de l’album ont à voir avec les compositeurs, les épouses et les interprètes associés à ces pièces. Dans ses notes d’accompagnement, la violoncelliste Zelenka met ces connexions en lumière avec autant de charme que de perspicacité.            Paul E. Robinson

Giovanni Battista Pergolesi: Stabat Mater et Laudate Pueri
Valer Barna-Sabadus, Terry Wey, contre-ténor; Neumeyer Consort Ensemble Barock Vokal, Mainz/Michael Hofstetter
Oehms Classics OC831
5/6
Une des plus belles œuvres vocales du 18e siècle, le Stabat Mater de Pergolesi (1710-1736) ne cesse de fasciner et d’émouvoir. La mort prématurée du compositeur, à 26 ans seulement, donne à cette œuvre une aura particulière, tout comme celle du Requiem de Mozart. Le Stabat Mater est ici chanté par deux hommes,comme c’était la coutume à l’époque. Les deux contre-ténors sont accompagnés par un ensemble de cordes réduit à un violon par partie. Cela apporte un sentiment de proximité avec les artistes. Leur timbre de voix étant à peu près semblable, les chanteurs se complètent très bien. On a droit ici à une très belle exécution d’ensemble, légère et séduisante, libérée de tout le pathos trop souvent entendu dans cette œuvre célèbre. En fait, on est plus près de l’opéra que d’une vision purement religieuse. Mais la véritable révélation de ce disque est Valer Barna-Sabadus qui chante la partie soprano. D’une tessiture particulièrement élevée, il étonne par la facilité d’atteindre les plus hautes notes en les agrémentant de superbes ornements. Sa voix est un plaisir de tous les instants, notamment dans le joyeux Laudate Pueri. Tout simplement un phénomène!             René François Auclair

I Saw Eternity
Elora Festival Singers/Noël Edison
Naxos 8.572812 (73 min 58 s)
5/6
Seconde parution dans la série Classiques Canadiens de Naxos, ce programme de musique chorale canadienne-anglaise est une belle découverte. Ce disque regroupe onze œuvres d’autant de compositeurs qui s’inscrivent dans une lignée traditionnelle de l’écriture pour chœur. Une écriture traditionnelle, certes, mais d’une beauté intrinsèque indéniable. En témoigne la très belle Missa brevis de Ruth Watson Henderson, ou encore l’aérien Flying Swans de Marjan Mozetich. Dans ce lot, on retrouve peu de compositeurs vedettes–excepté Glenn Buhr et Stephen Chatman, compositeurs établis à l’œuvre imposant–,mais un très bel éventail de la création chorale récente du côté du Canada anglais. Les Elora Festival Singers, un chœur de chambre ontarien, démontre une qualité sonore et artistique hors du commun. C’est un véritable plaisir que d’écouter la beauté des timbres et la parfaite harmonie des voix. Naxos a visé juste avec ce deuxième opus de cette série prometteuse. On espère ardemment y découvrir dans les parutions prochaines des compositeurs et des interprètes québécois. D’ici là, nous avons de quoi nourrir nos oreilles et notre esprit!            Éric Champagne

Les Goûts Accordés: Robert de Visée - Jean-Baptiste Barrière
Esteban La Rotta, théorbe; Jivko Georgiev, violoncelle à 5 cordes; Margaret Little, viole de gambe; Katelyn Clark, orgue
ATMA Classique
ACD22673
3/6

La grande popularité du style italien à travers l’Europe baroque a réussi à franchir sans difficulté les frontières de la France. Bientôt apparurent de nouveaux musiciens qui tentèrent de réunir les différents «goûts». Ce disque démontre bien l’évolution de la musique française de cette époque. Robert de Visée (1655-1732), guitariste et luthiste à la cour du Roi Soleil, composa de nombreuses suites de danses richement ornementées, méditatives, distillant un certain lyrisme, mais limitées au plan mélodique. Le théorbe utilisé ici se substitue à la guitare baroque qui est souvent employée dans la musique de de Visée. Malheureusement, le résultat est plutôt décevant. L’instrument sonne faux dès les premières notes et on perd rapidement l’intérêt pour la musique, si belle soit-elle. Par contre, avec Jean-Baptiste Barrière (1707-1747), tout devient lumineux! Imprégnée du soleil italien tout en étant somptueusement française, sa musique nous charme pleinement. Utilisant un violoncelle à cinq cordes se rapprochant de la viole de gambe, Jivko Georgiev étonne par la facilité et la souplesse d’exécution de ces partitions méconnues. Margaret Little suit ses moindres inflexions à la basse continue. Sachant qu’il existe plus d’une vingtaine de ces magnifiques sonates, un album tout Barrière aurait dû lui être consacré!             René François Auclair

Mendelssohn: Violin Concerto; Schumann: Violin Concerto/Fantasy for Violin & Orchestra Op. 131
Christian Tetzlaff, violon; Frankfurt Radio Symphony Orchestra/Paavo Järvi
Ondine CD ODE 1195-2 (69 min 3 s)
3/6
Mendelssohn: Violin Concerto; Tchaikovsky: Violin Concerto
Ray Chen; violon; Swedish Radio Symphony Orchestra/Daniel Harding
Sony 88697984102 (63 min 50 s)
3/6

On dirait que chaque mois arrive un nouvel enregistrement du Concerto pour violon de Mendelssohn. Christian Tetzlaff, violoniste allemand reconnu, le joue depuis des années avec grand succès et le jeune artiste taiwanais Ray Chen a remporté le concours Menuhin en 2008 avec cette pièce. Si Chen a un son plus voluptueux, Tetzlaff, lui, joue Mendelssohn avec beaucoup de liberté et d’imagination.
C’est avec grande virtuosité que Chen interprète Tchaïkovski, mais encore une fois sans trop de fraîcheur. Jumeler ces pièces avec du Robert Schumann, comme l’a fait Teltzlaff, est plutôt rare. Je pense que la Fantaisie n’est pas un chef-d’œuvre du compositeur, et le concerto (mis à part le beau mouvement lent) est répétitif et assommant.
Paavo Järvi et Tetzlaff forment une excellente équipe, particulièrement dans le Mendelssohn. En revanche, l’orchestre est trop fort sur chacun des deux enregistrements. J’imagine que c’est la faute des techniciens plutôt que celle des chefs d’orchestre.             Paul E. Robinson

Shawn Mativetsky: Cycles
Shawn Mativetsky, tablas; Marie-Hélène Breult, flûte; Catherine Meunier, vibraphone; Xenia Pestova, harmonium; Windsor Symphony Orchestra/Brian Current
Ombú  1015 (67 min 42 s)
5/6
Le percussionniste Shawn Mativetsky est le spécialiste et défenseur d’un instrument de percussion indienne tout a fait fascinant: le tabla. Instrument aux inflexions subtiles et surprenantes, le tabla charme à coup sûr. Pour ce nouveau disque, Shawn Mativetsky a fait appel à cinq compositeurs canadiens pour créer des œuvres où la tradition musicale indienne classique trouve une résonance dans un discours contemporain nord-américain. Le métissage musical est réussi et particulièrement intéressant. Christien Ledroit, Nicole Lizée, Bruno Paquet, Jim Hiscott et Paul Frehner livrent ici des créations sensibles, enivrantes ou carrément ensorcelantes. Il faut de plus souligner l’extraordinaire complicité des musiciens qui collaborent avec Shawn Mativetsky. Le plaisir que prennent ces musiciens à jouer ensemble est tout a fait audible et contribue au partage et à l’appréciation de cette musique chaleureuse, envoûtante, humaine. À découvrir!             Éric Champagne

tenThing
Tine Thing Helseth, trompette; tenThing
EMI 50999 0 88326 2 7 (68 min 46 s)
4/6
Tine Thing Helseth est une trompettiste norvégienne qui semble vouloir concurrencer la britannique Allison Balsom en charme physique, cheveux blonds, virtuosité technique parfaite et onctuosité du son. La jeune femme de 25 ans née à Oslo est cependant allée plus loin que son homologue du Royaume-Uni en formant son propre ensemble de cuivres, composé uniquement de femmes. Une sorte de Pieta d’Angèle Dubeau, version scandinave avec des trompettes, cor, trombones et tuba! Le répertoire de ce premier disque enregistré sur EMI est résolument amical et constitué d’arrangements populaires. La Suite de Carmen de Bizet, Asturias d’Albéniz et le Rondo alla turca de Mozart côtoient quelques fort jolie bluettes de Grieg, deux pièces de Piazzolla et un arrangement pour cuivres de l’Opéra de quat’sous de Weill. Seules deux œuvres de Jan Koetsier, compositeur néerlandais méconnu décédé en 2006, sont des partitions originales pour ce type d’ensemble, soit sa Brass Symphony op. 80 et son Grassauer Zwiefacher. La symphonie est assez consonante, rythmiquement engageante et peu avant-gardiste. Les effet de tonitruance cuivrée s’y retrouvent, comme l’on doit s’y attendre, mais l’œuvre est plutôt agréable. Les jeunes musiciennes démontrent un excellent esprit de groupe et la sonorité d’ensemble est très belle.             Frédéric Cardin

DVD & BLU-RAY

George London: Between Gods and Demons
Un film de Marita Stocker
Arthaus Musik 101 473 (60 min + 95 min bonus)
5/6
Le titre dit tout. Qu’il chante Wotan ou Méphistophélès, George London (1920–1985) a toujours su apporter une touche unique de musicalité et d’intensité dramatique à ses multiples rôles. Né à Montréal et formé aux États-Unis, London a joué d’inoubliables Wotan, Méphistophélès, Scarpia, Amfortas, Wolfram, Mandryka, Iago et Don Giovanni, pour n’en nommer que quelques-uns. C’est entre la fin des années 1940 et 1967, quand une corde vocale paralysée l’a prématurément conduit à la retraite à l’âge de 46 ans, qu’on le voyait sur scène. Il a notamment été le premier non-Russe à chanter Boris au Bolshoï en 1960, au plus fort de la guerre froide. Sa voix volumineuse et sombre de baryton-basse légèrement voilée avait un timbre unique et idéal pour le tourmenté Amfortas, le méchant Scarpia ou le tragique Boris. Ce documentaire allemand dresse un excellent portrait de la vie et de l’art de ce grand chanteur à travers de nombreuses entrevues avec quelques-uns de ses collègues, de ses anciens élèves et, bien sûr, son épouse Nora London. Après sa retraite forcée, George London est devenu un professeur influent. Il a formé plusieurs chanteurs et les a soutenus grâce à la Fondation George London. Quelques-uns ont mené d’importantes carrières internationales, dont Neil Shicoff, Deborah Polaski et Catherine Malfitano. Dans le documentaire, ils parlent avec respect et admiration de leur ancien professeur. Le DVD renferme aussi de généreux extras: des prestations d’opéra inédites sorties tout droit des archives dans lesquelles London incarne Figaro, Don Giovanni, Méphistophélès, Iago, Boris, Wotan et Scarpia. Dans ce dernier rôle, il partage la scène avec l’incandescente Tosca de Maria Callas. On peut également y voir d’intéressantes vidéos où London chante des spirituals, des pièces de Broadway et des lieder de Schubert. Ce DVD est un document indispensable sur ce grand chanteur.             Joseph K. So

Glenn Gould joue Bach (Glenn Gould Plays Bach)
Bruno Monsaingeon, réalisateur
Sony Classical (3 DVD: 57 min 7 s, 57 min 21 s, 57 min 55 s)
6/6

Sony a eu l’heureuse idée de réunir en un coffret les trois documentaires que le violoniste et cinéaste français Bruno Monsaingeon avait réalisés, entre 1977 et 1980, pour éclairer la conception très personnelle que se faisait Glenn Gould de la musique de Bach et la manière dont il l’interprétait au piano. Le premier documentaire est consacré à la question de l’instrument, si épineuse alors, quand la redécouverte du baroque était en train de bouleverser des habitudes bien ancrées. Le deuxième porte sur l’importance de la fugue dans la musique en général et plus particulièrement chez Bach. Le dernier est réservé aux Variations Goldberg, chef-d’œuvre encore relativement peu joué en 1955, mais avec lequel le jeune Gould avait pourtant décidé d’inaugurer sa carrière discographique. Le pianiste, retiré depuis une vingtaine d’années, mourait peu après la fin du tournage. Ces trois documentaires cinématographiques sont entrés dans l’histoire de la musique et peuvent être désormais abordés comme des documents. Ils font appel aux ressources du cadrage, du montage et de l’éclairage pour donner encore plus de vie et de piquant aux réflexions de Gould, souvent paradoxales (sa détestation de la Fantaisie chromatique...) mais toujours intéressantes. Dans les deux premiers DVD, il les exemplifie en jouant quelques extraits du cantor, des fugues complètes aussi, voire des œuvres plus longues, telle la Quatrième Partita. Dans son exécution testamentaire des Variations Goldberg, on voit et on entend Glenn Gould, sur sa célèbre chaise basse, dans une posture apparemment inconfortable, accompagnant de ses marmonnements et de sa gestuelle de sculpteur de sons la musique inouïe qui s’échappe de son vieux Steinway.             Alexandre Lazaridès

Wagner: Tannhäuser
Chœur et Orchestre symphonique du Gran Teatre del Liceu/Sebastian Weigle; Peter Seiffert (Tannhäuser), Petra Maria Schnitzer (Élisabeth), Béatrice Uria-Monzon (Vénus), Markus Eiche (Wolfram) et Günther Groissböck (Landgrave)
Robert Carsen, metteur en scène
Unitel Classica  709404 (Blu-Ray: 201 min)
3/6

Le Canadien Robert Carsen a fait de Tannhäuser un peintre contemporain rejeté par ses pairs, passant ainsi outre au titre complet de l’œuvre («et le concours de chant de la Wartburg») et au mysticisme qui infiltre l’univers wagnérien. Tiraillée entre la vision du compositeur et la conception du metteur en scène, la transposition jongle avec les valeurs d’époques éloignées l’une de l’autre. La scénographie surchargée fonctionne comme en marge de la musique et du texte, lesquels devraient en principe fonder la force de l’œuvre. Des accrocs vont de pair avec la lecture au «deuxième degré», passe-partout qui remplace l’exercice de l’esprit critique. Quand, au troisième acte, Wolfram affirme: «Je savais la trouver en prières», alors qu’Élisabeth, en simples dessous, se tord de pâmoison inassouvie sur le matelas de Vénus aperçu au premier acte, l’incongruité incite à s’interroger sur la cohérence du personnage et la logique de la transposition. Certains pourraient cependant rétorquer: «Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse…» Ensuite, Élisabeth (que Wagner faisait mourir) rejoint Vénus sur ledit matelas, jumelles drapées de blanc à l’identique, bien que rivales en amour, l’une brune, l’autre blonde: Tannhäuser choisit de ne pas choisir entre elles. Ses tableaux finiront quand même par triompher dans les musées. Ajoutons que la production du Liceu est bien défendue par les chanteurs, mais l’orchestre paraît plutôt en retrait.            Alexandre Lazaridès

Traduction : Jerome Cote


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(c) La Scena Musicale 2002