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La Scena Musicale - Vol. 18, No. 1 septembre 2012

Nikki Chooi : Le violoniste canadien se rend en finale du Concours Reine Elisabeth

Par Jacqueline Vanasse / 1 septembre 2012

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photo Bruno Vessié

Il est souvent dit que le Concours musical international Reine Elisabeth de Belgique (CMIREB), de par son ancienneté, la difficulté de ses épreuves et la grandeur de sa tradition, ne se compare à aucun autre concours. L’édition de cette année, consacrée au violon, a porté le jeune Canadien Nikki Chooi jusqu’en finale. Chooi fut le premier à être impressionné par ce qu’il a accompli: «Le simple fait de préparer un tel concours et de se rendre en finale change une vie.» Le musicien, comme la plupart des jeunes finalistes, avoue s’être demandé comment il survivrait à la mise en loge à la Chapelle Reine Elisabeth, coupé de toute technologie pendant une semaine. La mise en loge, qui est une particularité du concours, consiste à isoler les douze finalistes pendant la semaine précédant leur ultime prestation. Coupés du monde extérieur, sans ordinateur ni téléphone, les jeunes musiciens doivent apprendre seuls une œuvre contemporaine écrite spécialement pour l’occasion. À la suite de cette épreuve, le jeune Canadien admet avoir trouvé rafraîchissant de pouvoir tout mettre de côté et simplement profiter d’être «enfermé» avec onze autres superbes violonistes. Situation enviable entre toutes pour un jeune musicien que de déjeuner, dîner et souper avec onze des plus grands talents de sa génération, onze personnalités distinctes provenant d’horizons et de réalités souvent très différents! Comme pour la plupart des autres lauréat qui l’ont également mentionné, l’«obligation» de socialiser entre candidats aura été pour Chooi une expérience particulièrement stimulante, mais plus étonnant encore, une activité devenue inaccoutumée, presque insolite dont on aurait perdu l’habitude.

Au delà de la dimension sociale de la semaine d’isolement, c’est l’aspect pédagogique qui laissera son empreinte sur Chooi. Il dit avoir appris énormément sur lui-même et, ayant repoussé ses limites, s’être prouvé qu’il était capable de beaucoup plus qu’il ne le pensait jusque-là. Le violoniste estime qu’en temps normal, il lui aurait fallu facilement un mois ou deux de travail pour apprendre l’œuvre imposée. Aujourd’hui, il se sent très fier d’avoir pu apprendre un morceau aussi difficile en une semaine seulement. Il remercie ici ses parents pour la discipline, l’amour du travail et le sens de l’organisation qu’ils lui ont inculqués dès le plus jeune âge et qui lui ont fortement servi une fois laissé à lui-même. Le jeune homme repart donc grandi de son expérience. Et c’est confiant qu’il abordera cet été le Festival Marlboro auquel on lui a justement demandé de jouer plusieurs œuvres contemporaines: «Dans le passé, j’aurais paniqué à l’idée de jouer des œuvres modernes inédites, mais dorénavant, je me réjouirai de relever ce genre de défi», dit-il en souriant.

Lors de son passage au CMIREB, la solide formation de Nikki Chooi a entre autres été saluée. Le jeune musicien terminait ce printemps son baccalauréat à Curtis dans la classe d’Ida Kavafian (dont trois élèves participaient à l’épreuve finale du CMIREB 2012 et qui est également le professeur de Benjamin Beilman, premier prix du CMIM 2010).  C’est dans les termes les plus élogieux que Chooi parle de Curtis. L’institution étant très sélective, le niveau y est formidablement élevé et, comme les élèves sont peu nombreux, chacun reçoit beaucoup d’attention et profite du soutien et de l’amitié de ses collègues ainsi que de tous les membres du corps enseignant. Le violoniste insiste sur le fait que les professeurs travaillent ensemble et qu’il est possible de leur demander conseil et de jouer pour chacun d’entre eux. Heureux dans l’institution qu’il a choisie, on sent aussi le jeune violoniste très attaché à son actuelle professeure Ida Kavafian avec qui il entreprendra une maîtrise à Juilliard en septembre. «Le fait de voir trois de ses élèves en finale du Reine Elisabeth montre assez bien quelle grande professeure elle est. Elle n’a pas vraiment de méthode. Elle s’adapte à chacun de ses élèves et aucun d’entre eux ne joue de la même façon, c’est ce qui rend son enseignement très spécial.»

Si on lui demande quel est son musicien préféré, le jeune violoniste répond sans hésiter: Jascha Heifetz. Selon Chooi, ce dernier a surpassé tous les standards du violon et depuis lui, bien que le niveau violonistique ne cesse de grimper, le grand maître demeure inégalé. La technique de Heifetz ne s’arrête pas à la bonne intonation, à la justesse des glissandos, au style et à la perfection sonore. Heifetz, c’est toute une autre dimension: un jeu qui n’appartient qu’à lui. Le jeune musicien ajoute cependant qu’il ne cherche à copier personne. «Bien sûr que j’aimerais être précis comme Heifetz, dit-il, avoir son jeu exaltant, son son communicatif, mais il faut aussi savoir incorporer sa propre personnalité, sinon on passe à côté de l’essence de ce qu’est la musique. On joue pour exprimer ce que l’on ressent, et il ne peut être satisfaisant d’essayer d’exprimer quelque chose à travers un jeu qui n’est pas le nôtre.» Outre son professeur et les grands violonistes, Chooi a, lors du concours, puisé son inspiration dans L’univers de la possibilité, un livre du chef d’orchestre Benjamin Zander. Le livre, qui lui a été offert par sa famille d’accueil belge, s’intéresse à la manière dont on peut réellement prendre le contrôle d’une situation et décider de la vie qu’on veut avoir. Inutile de répéter que le jeune homme a su merveilleusement tirer le meilleur de ses cinq semaines en Belgique. Pour la suite, il espère mener une carrière qui lui donnera encore souvent l’occasion de jouer en soliste et comme chambriste les œuvres qu’il aime et de rencontrer encore longtemps des gens qui le conseilleront et l’inspireront.

www.cmireb.be


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