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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 6 mars 2012

Critiques

1 mars 2012

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Bach Sonatas
Lara St. John, violon; Marie-Pierre Langlamet, harpe
Ancalagon ANC 139 (64 min 39 s)

4/6
Marie-Pierre Langlamet et la violoniste Lara St. John jouent note pour note deux sonates pour violon et clavecin et trois sonates pour flûte et clavecin. Cependant, la partie clavecin est jouée ici à la harpe par Langlamet, harpiste principale de l’Orchestre philharmonique de Berlin. Malheureusement, la harpe n’a pas ce son vif et égal associé à Bach, et sa légèreté diminue le contrepoint entre le clavier et l’instrument soprano, mettant le violon sur le devant de la scène (ce qui est également dû aux techniques d’enregistrement). La Sonate en sol mineur pour flûte a un meilleur équilibre, peut-être justement parce qu’elle n’est pas faite pour aucun des deux instruments. Dans tous les cas, l’interprétation finement jouée de St. John mérite toute notre attention et prouve son affinité pour la cadence de Bach. L’aspect plus effacé de la partie clavecin n’est pas forcément un mal, étant donné que Langlamet est une musicienne de premier rang et que sa harpe apporte une fraîcheur mélodieuse dans les morceaux. Son timbre possède également une aura judicieusement imposante. St. John a dit qu’elle préfère tellement la harpe qu’elle ne « pense pas pouvoir les rejouer au clavier. » Qu’on soit d’accord ou non, ce disque nous permet de redécouvrir avec joie des œuvres dans un nouveau contexte. Pour cette seule raison il devient un achat enrichissant pour les amoureux de Bach. (Voir notre entretien avec Lara St. John ici.) Crystal Chan

Shuffle. Play. Listen.
Matt Haimovitz, violoncelle; Christopher O’Riley, piano
Oxingale OX2019
(CD 1: 71 min 56 s, CD 2: 60 min 58 s)

5/6
Shuffle. Play. Listen. nous présente côte à côte de la musique du siècle dernier, qu’elle soit classique, pop, rock, jazz ou de film. Réduits au violoncelle de Matt Haimovitz et au piano de Christopher O’Riley, les genres se brouillent. Stravinski donne dans le rock et Blonde Redhead nous fait penser à de la musique romantique. Les transcriptions sont d’O’Riley, qui a déjà sorti par le passé des albums piano de ses transcriptions pop, notamment de Radiohead (dont on trouve ici deux chansons). Le genre en commun ici est la fusion, que ce soit des compositeurs intégrant de la musique traditionnelle (par exemple les Variations sur un thème slovaque de Martinů), des joueurs de rock jazzy prog comme John McLaughlin explorant les harmonies indiennes ou des poppers indés comme Arcade Fire qui utilisent des instruments classiques. Cela peut donner le tournis, mais c’est un signe des temps.
O’Riley est un compositeur talentueux pour violoncelle ainsi que pour piano. Haimovitz est un maître de son instrument et le prouve : O’Riley l’a presque fait tomber de sa table d’harmonie avec ses transcriptions de la bande originale de Vertigo de Bernard Hermann, mais il n’y a pas un couac. Pohádka deJanáček est le chef d’œuvre obsédant du premier CD, et The Dance of Maya de Mahavishnu Orchestra, complété par un solo boogie au piano, est celui du second. L’ironie est là: cette tentative de faire une expérience d’écoute postmoderne et sans frontière est divisée en deux CD, un « classique » et un « pop », ce qui en fait plus une cassette compilation qu’un iPod préchargé. Mais ceci peut être aisément rétabli en faisant ce que nous dit le titre (Mélangez. Jouez. Ecoutez.). Crystal Chan

Gluck: Ezio
Il Complesso Barocco/Alan Curtis; Max Emanuel Cencic, contre-ténor (Valentiniano), Ann Hallenberg, mezzo-soprano (Fulvia), Sonia Prina, contralto (Ezio), Mayuko Karasawa, soprano (Onoria), Topi Lehtipuu, ténor (Massimo) et Julian Prégardien, ténor (Varo)
Virgin Classics 5 0999907 092923 (2CD: 146 min 53 s)

4/6
Négligé par les dictionnaires, Ezio, dramma per musica (1750) fait partie de la trentaine  d’opéras de divers genres composés par Gluck avant l’importante réforme stylistique enclenchée par Orfeo ed Euridice (1762). C’est un opera seria où, selon l’usage, se succèdent récitatifs secco et arias da capo aux répétitions, voire aux paroles, pas toujours justifiées. Le livret de Métastase entremêle les rivalités amoureuses et les jalousies politiques entre l’empereur Valentinien et le général Æetius (Ezio), celui-là même qui avait mis en déroute Attila et ses Huns. L’histoire nous dit que l’empereur l’avait assassiné, mais le librettiste a préféré donner à la sienne une fin plus heureuse. Il y a tout de même beaucoup à admirer ici, à commencer par un air à l’orchestration magique, Se povero il ruscello, confié au perfide Massimo, le père de Fulvia aimée des deux hommes les plus puissants de Rome. Les finales des trois actes constituent eux aussi des moments forts, ce qui ne suffit sans doute pas à faire un opéra pleinement réussi. Le plateau de solistes s’en tire très bien, quoique Sonia Prina incarne un Ezio peu convaincant. Alan Curtis dirige et accompagne la fosse et la scène avec une attention digne d’éloge. Alexandre Lazaridès

Chicago Symphony Orchestra Brass Live: Works by Gabrieli, Bach, Revueltas, Prokofiev, Grainger and Walton
Cuivres de l’Orchestre symphonique de Chicago
CSO –Resound CSOR 901 1101 (64 min 46 s)

3/6
A l’époque où Adolph Herseth dirigeait la section trompette (entre 1948 et 2001), les cuivres de l’Orchestre symphonique de Chicago étaient légendaires. Aujourd’hui, sans la présence dominante de Herseth, tout en restant bons, ils sont bien moins palpitants et bien moins caractéristiques qu’avant. Les chefs d’orchestre y étaient probablement pour quelque-chose. Reiner et Solti encourageaient ce son agressif et pénétrant, tandis que ceux d’aujourd’hui ont une autre idée en tête. Le programme de ce CD n’est pas très imaginatif. La Crown Imperial March de Walton est bruyante sans être passionnante, et l’arrangement d’Eric Bress de la Passacaille et fugue en do mineur de Bach semble curieusement littéral. Le Lincolnshire Posy de Percy Grainger est un ensemble d’œuvres biscornu qui sonne mieux dans sa version originale avec instruments à vent. Quand on y pense, presque tous les morceaux de ce CD sont des transcriptions d’œuvres connues qui sont meilleures dans leur version originale. Les cuivres du CSO auraient mieux fait de choisir parmi les belles et nombreuses œuvres spécialement écrites pour cuivres. Paul E. Robinson

Shostakovich: Symphony No. 6,
Symphony No. 12 “The Year 1917”
Orchestre Philharmonique Royal de Liverpool/Vasily Petrenko
Naxos 8.572658 (69 min 38 s)

4/6
Petrenko et le RLPO sont en plein cycle dédié aux symphonies de Chostakovitch et les résultats ont été jusqu’à présent impressionnants. Cependant, ce CD le plus récent présente deux des symphonies les moins jouées du compositeur, dont les représentations sont variables. Pour la Symphonie nº 6, je préfère de loin les tempos plus lents et l’approche plus nuancée de Leonard Bernstein avec l’Orchestre philharmonique de Vienne (DG DVD B0006578-09). Le son y est également meilleur. En ce qui concerne la Symphonie nº 12, cela dépend de ce qu’on pense de l’œuvre, qui avait été écrite pour honorer la révolution bolchévique et Lénine. En 1961, lorsque Chostakovitch composa cette symphonie, il n’avait d’autre choix que de faire ce qu’on lui demandait sous peine de sévères punitions de la part des autorités. Mais Chostakovitch parvenait pratiquement toujours à trouver un moyen d’exprimer ses doutes et ses craintes au sujet du système soviétique. La Symphonie nº 12 est menaçante et finit avec un triomphalisme si chromatique et mordant que les spectateurs lors de la première durent se demander ce qu’ils entendaient. Petrenko et le RLPO parviennent fort bien à retranscrire les sentiments conflictuels du compositeur. Paul E. Robinson

DVD

Rachmaninov: The Bells Op. 35,
Prokofiev: Lieutenant Kijé Symphonic Suite Op. 60, Bernstein: Candide Overture
Orchestre symphonique de Londres/André Previn
ICA Classics DVD ICAD 5038 (62 min 5 s)

3/6
André Previn n’a jamais été le chef d’orchestre le plus charismatique qui soit, et au fil du temps ses gestes et attitudes sur scène l’ont rendu de plus en plus lassant et quelconque. Pourtant, loin de nous l’idée de remettre en question son immense talent musical en tant que pianiste, compositeur et chef d’orchestre.
Ce DVD rassemble des émissions télévisées de la BBC faites lors des années 1970 à l’époque où Previn était au sommet de son succès en Angleterre en tant que chef d’orchestre du London Symphony. La représentation de The Bells a été faite lors des Proms de 1973 avec le chœur du LSO au meilleur de sa forme et trois des solistes vocaux les plus réputés d’Angleterre: Sheila Armstrong, Robert Tear et John Shirley-Quirk. La représentation, sublime, est en anglais (Previn l’enregistra plus tard en russe). Malheureusement, la façon de filmer est plus que rudimentaire.
A partir de 1977, soit seulement quatre ans plus tard, nous avons eu droit à une présentation bien plus imaginative de la Suite du lieutenant Kijé de Prokofiev. La BBC a fait en sorte d’être sûre que les caméras étaient bien centrées sur les musiciens qui jouaient des solos importants. Paul E. Robinson

Traduction: Fabrice Petit
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(c) La Scena Musicale 2002