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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 5 février 2012

Informations instrumentales : alto

Par Pemi Paull / 1 février 2012

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Les premiers chapitres

Tout comme le violon, l’alto tire son origine de la viola da braccio et apparaît au début du 16e siècle. Puisque le mot italien violino vient de viola, nom dont a hérité l’instrument dans d’autres langues, une théorie suggère que l’alto a peut-être vu le jour un peu plus tôt que le violon. Viola da braccio désigne la « viole portée par le bras »; voilà pourquoi l’allemand utilise autant Bratsche que viola pour nommer l’instrument. Des années durant, on employait le terme « viola » pour désigner tout instrument à archet classique occidental, et l’alto lui-même était appelé « violon alto-ténor ». Avant la fin du XVIIIe siècle, l’instrument était souvent réduit à l’accompagnement et jouait les voix moyennes dans un ensemble. J.S. Bach fit exception à cette règle avec son Concerto brandebourgeois no 6, pièce qui confie le rôle de solo à deux altos. Par contre, de telles œuvres étaient rares. Vers la fin du XVIIIe siècle, des compositeurs tels que Mozart se sont mis à donner à l’alto un rôle plus important, tout particulièrement en musique de chambre. Carl Stamitz a même commencé à écrire des concertos pour alto en plus de les jouer lui-même lors de ses tournées à travers l’Europe, et Mozart a composé la Symphonie concertante pour violon et alto (dans laquelle il assura lui-même le solo). On ne retrouve au XIXe siècle que quelques pièces d’importance pour l’alto, une exception étant Harold en Italie de Berlioz, une commande du grand violoniste virtuose Niccolò Paganini. En effet, ce dernier possédait un alto Stradivarius et voulait une œuvre magistrale dans laquelle il pourrait le jouer. Parmi les autres compositions pour alto importantes du XIXe siècle, on retrouve les deux sonates op. 120 de Brahms, d’abord écrites pour la clarinette, puis transcrites pour l’alto par Brahms lui-même, et d’autres sonates de compositeurs de moindre importance tels Glinka et Vieuxtemps. Ce n’est qu’au XXe siècle que l’alto accomplit de réelles avancées.

La maîtrise moderne

On peut attribuer l’élévation de l’alto au statut prestigieux qu’on lui connaît aujourd’hui au grand altiste anglais Lionel Tertis. On peut dire de Tertis, né le même jour que Pablo Casals, le 29 décembre 1876, qu’il a fait pour l’alto ce que le grand Espagnol a fait pour le violoncelle. Tertis a brièvement remplacé l’altiste Oskar Nedbal dans le Quatuor Bohémien, l’un des ensembles les plus importants du XIXe siècle. Il est rapidement devenu l’un des meilleurs altistes de son temps; il partait en tournée en Europe et aux États-Unis en tant que soliste. Les compositeurs Arnold Bax, Frank Bridge, Gustav Holst et York Bowen ont tous écrit des œuvres pour lui. Le Concerto pour alto de William Walton lui est d’ailleurs dédié. Par contre, il a refusé d’en faire la création parce qu’il le trouvait à l’époque trop dissonant. C’est un autre pionnier virtuose de l’alto, Paul Hindemith, qui a eu l’honneur de le jouer en première mondiale. Hindemith a aussi été un compositeur prolifique de musique pour alto.

À l’exemple de Tertis, l’altiste écossais William Primrose est devenu un soliste et chambriste mondialement connu. Primrose a joué partout en Amérique et en Europe comme soliste, sous la direction des chefs d’orchestre de premier plan de l’époque. Il était un chambriste actif et offrait des prestations avec des ensembles reconnus comme le Trio Heifetz-Primrose-Feuermann et le Quatuor Schnabel-Szigeti-Primrose-Fournier. Il a commandé une œuvre à Béla Bartók qui s’est révélée l’un des plus grands concertos pour alto (complété par Tibor Serly après la mort du compositeur). De nombreux autres compositeurs comme Milhaud, Britten et Rubbra ont écrit des œuvres pour cet altiste, agrandissant ainsi le répertoire de son instrument.

Nous assistons ces derniers temps à une véritable renaissance de l’alto, et plusieurs altistes, comme Kim Kashkashian, Tabea Zimmermann, Yuri Bashmet, Maxim Rysanov et Garth Knox, ont réussi leur carrière et commandé des œuvres de grande valeur pour leur instrument. Aujourd’hui, c’est devenu habituel : les compositeurs écrivent plus que jamais de la musique pour alto et il est de plus en plus considéré comme un instrument soliste égal du violon.

Violon c. alto

• L’alto est plus gros que le violon. Il est généralement deux pouces (environ 5 cm) plus long que le violon.
• La partie d’alto se lit en clef de do plutôt qu’en clé de sol.
• On accorde l’alto une quinte en dessous du violon.
• Dans un ensemble, l’alto joue souvent le rôle de pivot harmonique autour duquel évoluent la mélodie et la basse. Cependant, l’alto ressort de temps en temps avec du matériel mélodique.

Les compositeurs et l’alto

Au cours de l’histoire, l’alto a été un préféré des compositeurs. C.P.E. Bach écrit au sujet de son père : « Étant le plus grand juge et expert de l’harmonie, il préférait par-dessus tout jouer de l’alto. » À dix-huit ans, Beethoven a été engagé comme altiste à la cour de Bonn. Mozart et Dvořák étaient d’excellents altistes et Hindemith a même offert la première mondiale du Concerto pour alto de Walton. La tradition continue : Brett Dean et Sally Beamish, entre autres, ont commencé leur carrière à l’alto.

Les trucs de Pemi Paull

POUR L’ALTISTE DÉBUTANT : Que serait d’après vous une règle importante (mais souvent négligée) d’entretien de l’instrument que tout altiste devrait suivre ?

Vous trouverez cela contraire à l’intuition, mais ce qu’on peut faire de mieux pour entretenir et améliorer l’instrument est de l’utiliser chaque jour. Il y a tant de facteurs environnementaux, de l’humidité excessive à la sécheresse... La sécheresse peut fendiller l’instrument, la poussière qui s’amasse dans l’instrument peut étouffer le son, sans oublier les vers du bois et les mites qui peuvent endommager l’alto et manger les crins de la mèche. Jouer de votre instrument régulièrement vous gardera en contact avec lui, ce qui empêchera les petits problèmes de devenir gros. Aussi, et c’est vrai pour tous les instruments à cordes, plus vous jouer sur votre alto, mieux il sonnera.

POUR L’ALTISTE INTERMÉDIAIRE : Quel exercice un altiste de niveau intermédiaire devrait-il faire quotidiennement afin de conserver son niveau de jeu et le développer ?

À long terme, l’élément le plus important du jeu d’un instrument à cordes est la maîtrise de l’archet. Si un musicien intermédiaire consacre une partie de son temps d’exercice quotidien au développement d’un son clair et résonnant en tirant de son instrument de longue notes sur des cordes à vide, et ce, tout en s’assurant de garder les épaules et le dos aussi relaxés que possible, il constatera que son jeu s’améliorera avec le temps.

POUR L’ALTISTE AVANCÉ : Que recommanderiez-vous au musicien avancé qui désire avoir un meilleur alto, mais qui n’a pas les ressources pécuniaires pour se procurer un instrument de qualité professionnelle ?

Tout d’abord, l’altiste doit s’assurer de faire examiner son instrument régulièrement par un luthier, d’en changer les cordes sur une base plutôt régulière et de le garder en bon état. Le simple fait de polir son instrument, n’importe quel instrument, l’aide à produire son meilleur son (j’ignore pourquoi, mais selon mon expérience, ça fonctionne). Si le musicien peut s’offrir un archet décent, qui aide à faire sortir le meilleur son possible de l’alto, alors il devrait le faire, avant même d’acheter un meilleur instrument.

Si vous pouviez recommander une œuvre et un enregistrement pour faire tomber n’importe qui amoureux de l’alto, quels seraient-ils et pourquoi ?

L’enregistrement qui m’a converti à l’alto une fois pour toutes est de Kim Kashkashian, chez ECM, avec Dennis Russell Davies et le Stuttgarter Kammerorchester : Lachrymae. Cet album contient Trauermusik de Hindemith, écrit à Londres le jour suivant la mort du roi George V en 1936 et joué par le compositeur le lendemain dans un concert commémoratif. Le disque comprend aussi Lachrymae de Britten et le Concerto pour alto de Penderecki. Il s’agit de pièces graves, chargées d’émotions profondes et de teintes sombres, parfaitement indiquées pour les qualités expressives de l’alto. Lorsque j’ai entendu pour la première fois sur cet album le jeu coloré, richement varié et obsédant de Kim Kashkashian, je me suis rendu compte de toutes les qualités inhérentes de l’alto.

Pemi Paull offre des récitals et joue de la musique de chambre d’un bout à l’autre du Canada et des États-Unis. De plus, il est membre de l’Ensemble Caprice de Montréal, du Theatre of Early Music, de Bradyworks et de l’ensemble de la SMCQ. Il est le fondateur et le directeur artistique de Warhol Dervish, un groupe de musique de chambre.
www.pemipaull.com, www.youtube.com/pemipaull, www.violalotus.tumblr.com


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