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La Monte Young l’aurait initié,
Terry Riley (avec son In C) en a assuré les bases, Philip Glass
se l’est réapproprié, mais plusieurs considèrent Steve Reich comme
le plus important représentant du minimalisme américain.
« Ma génération n’en est pas
une de révolution, mais de restauration de la normalité, pendant laquelle
des sources populaires ont été réintégrées aux sources classiques
et la musique classique – celle que j’écrivais, que Glass écrivait,
que Terry Riley écrivait – devenait intéressante pour les musiciens
populaires », explique d’emblée Steve Reich, sa légendaire
casquette sur la tête, dans le cadre d’une entrevue accordée lors
du Domaine privé qui lui a été consacré à la Cité de la musique
de Paris du 11 au 18 octobre dernier, afin de souligner son 75e
anniversaire.
Né le 3 octobre 1936 à New York,
Steve Reich étudie le piano avant de se tourner vers la percussion
après avoir entendu le batteur Kenny Clarke accompagner Miles Davis.
Il fait des études universitaires en philosophie à Cornell, approfondit
ses connaissances de l’histoire de la musique, puis se consacre à
la composition avec le jazzman Hall Overton, William Bergsma et Vincent
Persichetti à la Juilliard School, institution que fréquente également
à l’époque Philip Glass. Il retrouve ensuite la Californie et travaille
avec Darius Milhaud et Luciano Berio. Il rejette le sérialisme, mais
reste proche du jazz modal de John Coltrane, et découvre les percussions
et les rythmes africains qui deviendront l’essence même de son écriture
rythmique par cellules. Il se laisse renverser par la vague psychédélique,
le rock, et adopte une approche non dépourvue de références tonales.
Quand il évoque ses années d’études,
Reich rappelle qu’un jeune compositeur devait alors impérativement
maîtriser l’écriture sérielle s’il souhaitait être considéré
par ses pairs. « Je porte un respect plus grand à Webern qu’à Schoenberg,
souligne Reich, parce que ce dernier ne comprenait pas que Webern écrivait
de la musique contrapuntique. Il pensait qu’il écrivait de la musique
romantique avec des séries. Mais le pouvoir politique d’alors qui
exigeait que vous écriviez de cette façon était très puissant dans
le milieu académique et un peu partout dans le monde de la musique.
Ma génération a tiré un trait sur tout cela. »
Cette tabula rasa, Steve Reich
l’a atteinte notamment en privilégiant l’utilisation de la répétition,
geste qui lui permet de réaliser la « musique comme processus graduel
». Dans un texte paru en 1968, il précise déjà son approche. «
Ce qui distingue les processus musicaux est la façon dont ils déterminent
de façon simultanée les détails du note à note (son à son) et de
la grande forme. Je m’intéresse aux processus perceptibles. Je veux
pouvoir entendre le processus tout au long de l’écoute. Pour favoriser
une écoute attentive et détaillée, le processus musical devrait se
produire de façon extrêmement graduelle. »
Contrairement à Cage qui utilise
des processus aléatoires pour influer sur le cours du récit, Reich
opte le plus souvent pour une recherche collective, rituel libérateur
qui permet de multiples combinaisons de phrases musicales, dont il extraira
la matière finale.
« Ce qui m’intéresse est que
le processus compositionnel et l’écoute de la musique ne fassent
qu’un. L’utilisation de procédés structurels musicaux cachés
ne m’a jamais attiré. Même quand toutes les cartes sont sur la table
et que tous peuvent entendre ce qui se produit dans le processus musical,
il reste suffisamment de mystères pour satisfaire tout le monde. Ces
mystères sont les dérivés psychoacoustiques impersonnels et involontaires
du processus projeté. On peut y retrouver des sous-mélodies entendues
à l’intérieur des dessins mélodiques, des effets stéréophoniques
liés à la position de l’auditeur, de légères irrégularités dans
l’interprétation, les harmoniques, les différents timbres, etc.
»
Au fil des ans, son langage musical
a évolué, mais il privilégie les petits ensembles. Si aujourd’hui
il compose peu, ses œuvres sont jouées partout dans le monde et ont
même servi de matériau à des DJ de la scène électro.
2x5
de Steve Reich sera présenté à l’Université Acadia
à Wolfville, Nouvelle-Écosse, le 4 fév. 2011. D’autres présentations
de son œuvre pourraient être annoncées au cours de la prochaine année.
Steve
Reich en quelques œuvres-clés |
It’s Gonna
Rain (1965) a été conçue autour d’un motif répétitif
et de boucles de bandes enregistrées et joue essentiellement sur l’opposition
entre la voix humaine et les sons électroniques.
Music for 18 Musicians
(1976) est basée sur onze accords fondamentaux servant de piliers
à l’œuvre entière. Pendant la période de gestation de cette pièce,
Reich étudiait le gamelan balinais.
Different Trains
(1988) superpose les voix de conducteurs de trains Pullmann à celles
des survivants de la Shoah, sur un accompagnement de quatuor à cordes,
le rêve américain se mêlant à l’horreur de la guerre.
City Life
(1995) a été élaborée autour des bruits de la ville de New York
et reste l’une des œuvres les plus connues du compositeur.
Double Sextet (2007)
a obtenu le prix Pulitzer. Écrite pour deux sextuors identiques qui
entrelacent leurs motifs, elle est considérée par le compositeur comme
l’une de ses œuvres les plus achevées.
9/11
(2011) a déjà fait couler beaucoup d’encre, notamment à cause
de sa pochette qui a dû être modifiée. Écrite pour trois quatuors
à cordes (un en direct et deux enregistrés) et voix enregistrées,
elle se veut plus dissonante. |
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