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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 3 novembre 2011

Lieux d'acoustique et de rencontre

Par Pemi Paull / 1 novembre 2011

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Érigé en 1637, le Teatro San Cassiano de Venise a été le tout premier opéra. Alors qu’Henry Purcell (1659-1695) composait, il n’y avait même pas d’opéra à Londres. En Allemagne, la première salle d’opéra fut bâtie à Hambourg en 1678. Au cours des 17e et 18e siècles, la construction de ces salles était subventionnée par les classes dirigeantes. Cette forme de mécénat consolidait leurs ambitions politiques et leur prestige social.

La culture musicale d’Europe changea de façon importante durant la période classique: le concert public gagna de plus en plus en popularité. Il devint également possible pour le compositeur de survivre sans être à l’emploi de dirigeants ou de la noblesse. Bien que l’aristocratie continuât de jouer un rôle important sur la scène musicale européenne jusqu’au 19e siècle, des compositeurs, tels que Mozart, se mirent à organiser des concerts publics où, généralement, on interprétait leurs œuvres.

La musique de chambre et les récitals gardèrent une place plus intime, réservés aux maisons, aux salons et à d’autres événements privés, mais vers la fin du 18e siècle, le public était plutôt assoiffé de pièces orchestrales grandioses. La popularité grandissante du concert public alliée à l’émancipation du compositeur, devenu imprésario, eurent une influence indéniable sur l’expansion de l’orchestre, médium tout désigné pour les grands espaces publics. Comme les salles étaient plus spacieuses, on pouvait y accueillir plus de gens, on vendait plus de billets et les revenus augmentaient. Résultat, la musique symphonique (incluant l’opéra et l’oratorio) devint plus extravertie et les compositeurs se devaient d’élargir l’effectif de l’orchestre pour répondre à cette vision musicale élargie.

Jusqu’à la fin du 19e siècle, la conception des salles de concert ayant une bonne acoustique relevait de la chance. Une fois qu’une bonne salle de concert était construite, les architectes copiaient son modèle dans l’espoir que l’acoustique s’y retrouve aussi, mais d’un point de vue scientifique, personne ne comprenait vraiment ce qui rendait l’acoustique d’une salle bonne et mauvaise celle d’une autre. Qu’il y ait aujourd’hui un bon nombre d’excellentes salles de concert des siècles précédents est le résultat de la chance et de la sélection naturelle. En effet, les mauvaises salles étaient souvent détruites, et le feu en emporta plusieurs autres. Par exemple, le Royal Opera House de Covent Garden, inauguré en 1858, était le troisième opéra à être construit sur ce site, les deux précédents ayant brûlé. L’Opéra d’État de Berlin, bâti pour la première fois en 1842, existe aujourd’hui sous sa troisième forme; il a été détruit par les flammes en 1842 et bombardé deux fois durant la Seconde Guerre mondiale.

L’histoire de l’acoustique architecturale en tant que science commence au Fogg Art Museum de l’université Harvard. Une fois qu’il fut construit, on demanda à Wallace Sabine, jeune professeur de physique, d’améliorer la misérable acoustique de la salle de conférences. À l’aide d’un chronomètre, de tuyaux d’orgue et de coussins, Sabine passa les trois prochaines années à tester scientifiquement l’acoustique de la salle. En fin de compte, la salle de conférence fut démolie, car ses défauts acoustiques ne purent jamais être corrigés. Cependant, après avoir fait tous ces tests, Sabine réussit à établir une équation pour le temps de réverbération. L’unité de mesure du pouvoir d’absorption des matériaux, le sabine, tient son nom de lui: il est considéré comme le père de l’acoustique architecturale.

La salle de concert moderne a subi quelques transformations distinctes lors de son évolution. Les progrès en dessin industriel, en architecture et en acoustique, et aussi l’évolution dans la manière d’interpréter la musique, ont marqué de façon constante la conception des espaces d’exécution.

Parmi ces structures, on retrouve les salles de concert en forme circulaire ou elliptique, qui risquent de concentrer le son sur certains «points chauds». Tandis qu’elles ravissent les architectes, ces formes inquiètent les acousticiens. Le Royal Albert Hall est un exemple de salle de concert elliptique. Inspirées par les amphithéâtres, les salles en éventail, comme le Barbican, sont dépourvues de réverbération sur les côtés ronds, ce qui pose aussi un problème d’acoustique.

Le concept de «boîte à chaussures», après des siècles d’essais et d’erreurs, s’avère adéquat pour les salles de concert. La salle de type boîte à chaussures est un espace long, haut et étroit qui permet au son de se réfléchir contre les murs de la salle. La Musikvereinssal de Vienne, le Gewandhaus de Leipzig et le Concertgebouw sont toutes des salles construites selon le modèle boîte à chaussures. D’ailleurs, la nouvelle salle de l’OSM a également cette forme.

La musique du prochain siècle marquera inévitablement les salles de concert; elles se devront de suivre et d’innover. Les nouveaux instruments, le progrès des technologies informatiques et les avenues musicales toujours inexplorées orienteront le dessin des futures salles dans de nouvelles directions. Au cours du siècle dernier, on a beaucoup appris sur la physique et la psychologie de l’acoustique, alors il est fort probable que les architectes désireront que leurs salles résonnent comme celles de Vienne et d’Amsterdam. Il est toutefois certain que les innovations du futur en matière d’acoustique reposeront sur les découvertes du passé.

Traduction: Jérôme Côté


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