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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 3 novembre 2011

Informations instrumentales: la flûte

Par Laura Bates / 1 novembre 2011

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L’histoire de la flûte

Les premiers chapitres
Bien que l’on ait retrouvé des instruments apparentés à la flûte datant de dizaine de milliers d’années, la flûte telle que nous la connaissons aujourd’hui a une histoire plus récente. Les premières flûtes européennes étaient droites, comme la flûte à bec, tandis que la flûte traversière ou oblique fit sa première apparition en Europe dans un rôle militaire (celui du fifre), il y a environ 900 ans. Vers la fin du 17e siècle, la dynastie française des Hotteterre remodela plusieurs instruments de la famille des bois, incluant la flûte. Le résultat fut une flûte traversière dotée de trois moulures ajustables, plus puissante que la flûte à bec. Le niveau de jeu s’accrut grandement, tout comme le répertoire de la flûte, grâce à des œuvres de Vivaldi, Telemann, Bach et plus tard Mozart. De point de vue de la composition, ce fut un âge d’or pour l’instrument; toutefois, le dix-neuvième siècle vit le statut social de la flûte se refléter dans son répertoire. Les courtes pièces de salon devinrent prépondérantes alors que la flûte gagnait de l’importance auprès de la nouvelle classe moyenne. Le style se figea, souffrant de structures compositionnelles faibles, centrées sur des variations de bravoure et des fantaisies d’opéra. La majeure partie de la littérature pour flûte était écrite par des flûtistes. Ces virtuoses voyageurs écrivaient et jouaient en spectacle dans le but d’éblouir l’auditoire avec leurs prouesses techniques. Le flûtiste anglais Charles Nicholson (1795-1837) était l’un de ces virtuoses, renommé pour son utilisation copieuse de fioritures, de glissandi et d’harmoniques, tout pour affirmer l’individualité de son jeu. Le Français Jean-Louis Tulou (1786-1865) contribua grandement au répertoire de la flûte de cette période et était respecté pour sa précision, son raffinement et le style «français» de son jeu.

La musique de l’époque connut les premières expériences d’une harmonie plus riche et d’une technique améliorée, et la flûte s’adapta rapidement aux exigences d’un répertoire qui s’emplissait de chromatisme et d’une technique plus exigeante que jamais. Parmi les autres changements, on note la plus grande taille des orchestres et des salles de concert. Plusieurs facteurs de flûte se mesurèrent à ces défis, mais c’est la flûte d’argent de 1847 de Theobold Boehm qui eût une influence marquante sur la fabrication des instruments à vent de l’époque. Il s’agit de la première flûte basée sur les principes scientifiques de l’acoustique, que Boehm a étudiés à l’Université de Munich auprès de Carl von Schatfhäutl. Il utilisa une perce cylindrique plutôt que la perce conique traditionnelle et créa quatorze larges trous (et un petit), tous mesurés précisément afin d’optimiser leurs avantages acoustiques. Le mécanisme qu’il créa permettait à neuf doigts de presser de nombreuses clés à la fois. Son mécanisme fut plus tard adapté à la clarinette et au saxophone.

La maîtrise moderne
Les nouveautés en fait de clés et de doigtés n’ont pas pris tout de suite. Toutes sortes de flûtes en bois ou en ivoire, avec des doigtés différents, sont restées en usage. Les critiques visant divers aspects, surtout la tonalité, l’ont empêchée de supplanter ses rivales. Différents fabricants détenteurs de licences de Boehm ont effectué des retouches au modèle de ce dernier. Celui-ci a fini par gagner la bataille en France grâce à son adoption par les flûtistes de différents orchestres du pays, notamment Paul Taffanel (1844-1908), premier à connaître un grand succès avec une flûte en argent. Au moment de devenir professeur au Conservatoire, il avait déjà 30 ans de carrière à titre de musicien d’orchestre.

Grâce au travail réalisé par Taffanel et ses élèves, le niveau des flûtistes a vite augmenté, et il n’est donc pas étonnant que cet instrument ait conquis les compositeurs, qui ont commencé à faire ressortir cette voix dans la texture orchestrale. Dans Prélude à l’après-midi d’un faune (1894), Claude Debussy met la flûte en vedette, lui accordant un solo sensuel au début de l’œuvre. D’autres compositeurs ont suivi, en utilisant l’instrument et d’autres de sa famille (piccolo et flûte alto) au maximum de leur potentiel, et la flûte a connu une renaissance comme outil de composition expressive.

L’autonomie retrouvée de la flûte dans l’orchestre a ouvert la voie à un rôle accru dans le répertoire solo et de musique de chambre, donnant aux compositeurs le choix de nouveaux effets. Les possibilités se sont multipliées grâce à l’exploration tonale et au développement de techniques étendues pour créer des changements de timbre. Les indications visant des techniques telles que vibrato, flatterzunge, harmoniques, multiphoniques, bruits de clés, glissandos, sons éoliens et jets de souffle commencent à apparaître dans la musique orchestrale au début du XXe siècle et sont monnaie courante dans le répertoire d’aujourd’hui.

Le succès technique de la flûte Boehm est encore inégalé. On continue toutefois d’apporter des modifications, notamment aux matériaux, à l’épaisseur des parois, à son format et à l’emplacement des trous, afin de faciliter certains aspects du jeu. Cependant, on entend moins souvent parler d’œuvres impossibles à jouer, et le niveau des musiciens d’aujourd’hui est très élevé.

Soufflez dans votre flûte!
La flûte est différente des autres instruments à vent dans le sens où elle n’a pas d’embouchure séparée du corps. Ce sont les lèvres du flûtiste qui servent d’embouchure. Le son d’une flûte est produit lorsque le filet d’air passe sur le biseau du trou de l’embouchure, créant ainsi une vibration d’air dans le tuyau. La hauteur du son change lorsque les clés sont ouvertes ou fermées, modifiant ainsi la longueur de la colonne d’air pour des notes plus graves ou aiguës. La flûte n’émettra un son que si l’angle et la vitesse du filet d’air sont corrects.

Les trucs de flûte de Laura Bates

Pour le flûtiste débutant

Que serait d’après vous une règle importante (mais souvent négligée) d'entretien de l'instrument que tout flûtiste devrait suivre?
Ne mettez jamais la flûte dans l’eau. La seule humidité présente dans la flûte devrait être celle de la condensation de votre respiration à l’intérieur du tuyau. Des changements d’humidité ou de température ont une incidence sur les mécanismes et détériorent plus rapidement les coussins et bouchons. Utilisez un tampon pour nettoyer votre instrument après une pratique, mais ne le rangez pas dans le même étui que la flûte.

Pour le flûtiste intermédiaire

Quel exercice un flûtiste de niveau intermédiaire devrait-il faire quotidiennement afin de conserver son niveau de jeu et le développer?
Pour accéder à un répertoire passionnant, il faut posséder une aisance technique que l’on n’obtient qu’en travaillant ses gammes et arpèges. Les œuvres les plus belles requièrent un excellent souffle, de la palette de sons et un contrôle des nuances et des phrasés. La pratique de mélodies courtes dans des registres variés permet de travailler ces points et est aussi importante que les exercices techniques. Le grand flûtiste français Marcel Moyse a publié de nombreux ouvrages d’exercices, disponibles chez les grands libraires, qui aident à développer le phrasé et la sonorité.

Pour le flûtiste avancé

Que recommanderiez-vous au musicien avancé qui désire avoir une meilleure flûte, mais qui n'a pas les ressources pécuniaires pour se procurer un instrument de qualité professionnelle?
Faites beaucoup de recherches avant de vous lancer dans un gros investissement. Si votre flûte est déjà un bon instrument de professionnel, vous pourriez opter pour une embouchure faite à la main. Mais même cela peut rapidement s’avérer assez coûteux. Sinon, les instruments d’occasion peuvent s’avérer un bon compromis.

Si vous pouviez recommander une œuvre et un enregistrement pour faire tomber n’importe qui amoureux de la flûte, quels seraient-ils et pourquoi?
Le concerto pour flûte, hautbois d’amour, viole d’amour, cordes et continuo en mi de Georg Philipp Telemann, TWV 53:E1, est une œuvre vraiment captivante de par sa simplicité élégante, ses harmonies colorées et son énergie magnétique. Le flûtiste franco-suisse Emmanuel Pahud a enregistré cette œuvre sur un disque ravissant avec les Berliner Barock Solisten (Telemann Flute Concertos/EMI).

Laura Bates est une flûtiste qui vit à Montréal. Fervente joueuse de musique de chambre et d’orchestre, elle se produit régulièrement dans des festivals et avec l’Ensemble Portmantô. Elle est une professeure passionnée qui s’efforce de partager son enthousiasme pour la musique Elle est aussi Directrice de la rédaction à La Scena Musicale.

La flûte sur scène à Montréal :
• Le Conservatoire de Montréal présente un cours de maître avec Robert Langevin; 4 novembre. www.conservatoire.gouv.qc.ca
• Robert Langevin joue le Concerto pour flûte et harpe de Mozart avec le New York Philharmonic/Gilbert; 5 novembre.
• Sir James Galway joue le Concerto no 1 en sol majeur de Mozart et le Concerto pour deux flûtes de Cimarosa avec Lady Jeanne Galway et l’Orchestre symphonique de Montréal/Foster; 22 et 23 novembre.
www.osm.ca

Le saviez-vous?
Il existe de nombreuses différences entre les flûtes professionnelles et les flûtes d’étude. Les flûtes d’étude sont généralement faites en maillechort argenté, tandis que les flûtes professionnelles sont en métaux précieux. Le type de métal influe sur la résonance de l’instrument ainsi que sa vibration. Une autre distinction plus visible est la présence de plateaux ouverts (style français) sur les flûtes perfectionnées et professionnelles qui exigent du flûtiste qu’il couvre complètement les trous pour produire la note, contrairement aux plateaux creux (plateau ou style américain) qui sont plus faciles à jouer pour les élèves puisqu’ils n’ont pas à se soucier de couvrir les trous complètement.


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