Institutionnalisation de l’enseignement de la musique Par Pemi Paull
/ 1 octobre 2011
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Entre le Moyen Âge et
la Révolution française, la musique était étroitement liée à la
vie sociale. Cultiver et comprendre la musique étaient des éléments
fondamentaux de l’éducation générale. Cependant, dans les deux
derniers siècles, un changement graduel a modifié le rôle de la musique
dans nos vies. Avant la Révolution française, la formation des musiciens
se faisait sur une base individuelle, suivant le modèle de maître-apprenti.
Comme un artisan, un élève de musique allait étudier avec un maître
pour apprendre le «métier», ou la méthode du maître pour faire
de la musique.
Habituellement,
cela impliquait l’étude de la composition, du chant, d’un instrument
musical et de la rhétorique. Un thème omniprésent dans les écrits
sur la musique, surtout à l’époque baroque (d’environ 1600 aux
dernières décennies du 18e siècle), veut que la musique
soit une langue de tonalités, incorporant dialogue et confrontation
dramatique. L’apprenti devait apprendre tous les aspects de son art,
non seulement comment jouer de son instrument ou chanter, mais aussi
comment présenter la musique de manière convaincante.
La Révolution
française bouleversa la société, y compris l’étude de la musique.
Non seulement les répercussions touchèrent-elles la formation musicale,
mais la vie musicale elle-même prit une nouvelle direction. Un système,
une institution remplaça la relation entre maître et apprenti: le
Conservatoire, fondé en 1795. La nouvelle méthode française prisait
un style complètement unifié jusqu’au dernier détail. En outre,
la création musicale s’alignait sur les nouveaux idéaux politiques
de l’époque, c’est-à-dire qu’elle devait interpeller directement
les émotions du peuple de la manière la plus simple et accessible
possible.
En 1822, Luigi
Cherubini, ancien directeur musical de Napoléon à Vienne, devint
le directeur du Conservatoire de Paris. Il demanda aux grandes autorités
musicales du temps de composer des œuvres didactiques qui devaient
incarner le nouveau concept de l’égalité dans la musique.
Ainsi, Baillot composa sa méthode du violon et Kreutzer composa ses
études. Tous les professeurs importants en France furent recrutés
dans ce projet de formuler ces nouvelles idées dans un système universel
d’éducation de la musique. Il en résulta une codification de la
technique, et les éléments picturaux remplacèrent les parties verbales
ou rhétoriques de la musique. C’est ainsi que le sostenuto, cette
ligne mélodique soutenue, le legato moderne, a vu le jour. Cette révolution
de la formation musicale fut implantée si radicalement qu’en l’espace
de quelques décennies, les musiciens des quatre coins de l’Europe
étaient formés conformément au système du Conservatoire. De nos
jours, bon nombre de musiciens sont toujours formés ainsi.
Sans doute, la
systématisation de l’éducation musicale a apporté des changements
positifs. Un des meilleurs exemples est le programme public de formation
musicale bénévole au Venezuela, El Sistema, une fondation financée
par l’État qui veille sur les 125 orchestres de jeunes et les programmes
de formation instrumentale au Venezuela. Son plus grand succès se reflète
dans les 250 000 enfants, dont 90% viennent de milieux socio-économiques
défavorisés, qui fréquentent les écoles de musique du pays. Le fait
qu’un pays relativement pauvre comme le Venezuela réussisse à faire
une priorité de l’éducation musicale pour ses jeunes sur une si
grande échelle permet beaucoup d’espoir pour l’avenir de la musique–particulièrement
à un moment où le financement de l’éducation est réduit en Europe
et en Amérique du Nord.
Toutefois, à
notre époque, les professeurs de conservatoire ne peuvent se contenter
de seulement enseigner aux élèves comment exécuter proprement un
rythme régulier et une belle tonalité équilibrée, l’objectif primordial
étant d’obtenir un poste à l’université ou dans un orchestre.
Contrairement aux musiciens du passé, les élèves de nos jours doivent
jouer de la musique s’étendant sur quatre siècles et devraient étudier
et expérimenter avec les méthodes d’exécution de n’importe quelle
musique qu’ils rencontrent.
Il est aussi nécessaire
de développer une compréhension, et préférablement un enthousiasme,
pour la musique de notre époque ainsi que de l’expérience en improvisation.
Par le passé, l’étude de la musique était l’étude d’un art
vivant, enraciné dans la culture du présent. L’objectif doit être
d’amener les jeunes musiciens à comprendre et à communiquer les
différents langages de la musique plutôt que d’homogénéiser la
musique afin de prioriser la beauté et la perfection. Ainsi, le fossé
entre la musique «populaire» et «sérieuse», ainsi qu’entre la
musique et son temps, disparaîtra et la vie culturelle formera de nouveau
un tout.
Traduction: Natalie
gagnon English Version... |
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