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La Scena Musicale - Vol. 17, No. 2 octobre 2011

Jean-François Lapointe et le défi Onéguine

Par Daniel Turp / 1 octobre 2011

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Après huit ans d’absence sur les scènes du Québec, le baryton québécois Jean-François Lapointe est de retour ! Et deux fois plutôt qu’une ! Le directeur général et artistique de l’Opéra de Québec, M. Grégoire Legendre, a fait appel à celui qui se distingue sur les scènes européennes depuis plus de vingt ans pour incarner d’abord le rôle-titre dans l’opéra Eugène Onéguine de Pyotr Ilyich Tchaïkovski, ainsi que Ford, dans Falstaff de Giuseppe Verdi, au printemps prochain.

En entrevue téléphonique avec La Scena Musicale depuis Amsterdam, où il prenait part aux répétitions d’Iphigénie en Tauride de Gluck, Jean-François Lapointe a dit se réjouir de ce retour dans sa patrie. Il rappelle que sa dernière apparition sur une scène lyrique d’ici remonte à mai 2004. Il personnifiait alors Lescaut dans Manon, de Jules Massenet, sous la direction de Yannick Nézet-Séguin.

Le chanteur est particulièrement heureux de son rôle dans un grand opéra russe inspiré du roman d’Alexandre Pouchkine. Il s’agit d’ailleurs de la réalisation d’un rêve qu’il avait évoqué dans une entrevue donnée à Opéra Magazine en 2007. Il affirmait alors que «si tout se déroulait selon ses vœux, il pourrait se lancer dans Eugène Onéguine avec sérénité». Ces vœux sont maintenant exaucés! Le rêve se transforme en un défi qu’il compte bien relever devant le public de la capitale nationale. Ce projet l’excite intellectuellement et son grand romantisme devrait bien le servir dans ce rôle qu’il prépare fébrilement depuis plusieurs mois déjà, a confié le baryton.

Il a à cœur de bien chanter dans cette langue si riche qu’est le russe. Il a d’ailleurs profité de son passage à Québec cet été pour travailler avec Tania Mogilevskaya, qui enseigne le russe à l’Université Laval. C’est avec elle qu’il avait aussi préparé le rôle du prince Eletzky pour La dame de pique à l’Opéra de Monte-Carlo en 2009.

Le défi sera d’autant plus grand qu’il sera entouré de deux interprètes pour qui cette langue n’a pas de secret. Avec un prénom prédestiné, la soprano géorgienne Tatiana Larina incarnera Tatiana, qui interprétera le magnifique air de la Scène de la lettre, au premier acte. Le ténor russe Dmitry Trunov chantera avec lui le magnifique duo au terme duquel les anciens amis, «pleins de haine comme des ennemis de toujours», se livreront le célèbre duel dont Onéguine sortira vainqueur. Quelques opéraphiles de Québec auront sans doute à l’esprit les prestations de Dimitri Hvorotosky, Renée Fleming et Ramon Vargas, qui tenaient les mêmes rôles lors de la projection dans le cadre de la série MET Live in HD, en février 2007. Les attentes seront ainsi fort élevées à l’endroit de Jean-François Lapointe et de l’ensemble de la distribution!

En ce qui concerne son rôle dans Falstaff, qu’il a déjà interprété au Théâtre des Champs-Élysées en 2010, il anticipe le plaisir de travailler avec le metteur en scène Jacques Leblanc.

Un chanteur occupé
De la saison 2010-2011, qui avait commencé au Gran Teatre del Liceu à Barcelone dans Carmen de Georges Bizet et qui s’est achevée au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles dans Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer, Jean-François Lapointe se dit fort satisfait. Il ne tarit pas d’éloges pour la production, en particulier pour la mise en scène, du grand opéra historique de Meyerbeer, dont il fut l’une des sept étoiles. Il garde également un beau souvenir de la production de Don Giovanni à l’Opéra de Marseille, dans laquelle il a tenu le rôle-titre. Il a particulièrement apprécié pouvoir chanter avec sa compatriote Marianne Fiset, qui jouait Donna Elvira.

Par ailleurs, son expérience au Deutsche Oper Berlin, où il a remplacé au pied levé le baryton Marcus Brück pour interpréter Chorèbe dans Les Troyens, d’Hector Berlioz, s’est avérée riche en enseignements et lui a permis de travailler sous la baguette du maestro Donald Runnicles.

Pour Jean-François Lapointe, la saison 2011-2012 sera exigeante. Trois rôles successifs sont prévus, soit Oreste dans Iphigénie en Tauride de Gluck, au Nederlandse Theater d’Amsterdam (septembre 2011), Eugène Onéguine à l’Opéra de Québec (octobre 2011) et Raimbaud dans Le Comte Ory de Rossini à Genève (décembre 2011) et à Marseille (mars 2012).

De plus, pour lui qui aime l’opéra français, jouer Garrido dans l’œuvre rarement présentée La Navarraise, de Jules Massenet, sera un pur plaisir.

Notre entretien se termine sur un vibrant plaidoyer de Jean-François Lapointe en faveur du répertoire lyrique en français. « C’est le combat de ma vie », dit-il. Il est fier d’avoir, à ce jour, défendu le répertoire français à l’opéra. Pour ce grand interprète de Pelléas, il s’agit d’un répertoire d’une richesse inestimable, recelant nombre d’œuvres à redécouvrir. Il estime que les directeurs artistiques ont le devoir d’inclure des opéras en français à la programmation des compagnies lyriques et des festivals d’opéra québécois. Il rêve aussi d’une maison d’opéra français au Québec – comme il y a un opéra français à New York – dont la mission serait de démontrer le style français à l’opéra, avec toute sa modernité et son accessibilité.


Jean-François Lapointe interprétera le rôle-titre dans l’opéra Eugène Onéguine de Tchaïkovski à la salle Louis-Fréchette du Grand théâtre de Québec les 22, 25, 27 et 29 octobre. Il interprétera le rôle de Ford dans l’opéra Falstaff les 12, 15, 17 et 19 mai 2012. operadequebec.qc.ca


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