Les facteurs de risque : les atteintes musculosquelettiques chez le musicien Par Isabelle Duchesne
/ 13 juin 2011
Version Flash ici
L’article qui suit est le troisième
d’une série sur la prévention des blessures spécifiques du musicien.
Il est tiré principalement d’un article publié
par l’auteure en janvier 2010 dans la revue
Le médecin du Québec dans un numéro spécial consacré à la médecine
des arts. L’article précédant abordait les différents facteurs
de risque prédis-posant aux lésions musculosquelettiques; celui-ci
porte sur les atteintes musculosquelettiques les plus fréquentes.
L’atteinte musculosquelettique la
plus fréquente chez le musicien
Les trois principales catégories
de diagnostics présents chez 1353 instrumentistes ayant consulté dans
une clinique spécialisée en médecine des arts à Cleveland sont définies
dans le tableau ci-dessous.
Principales catégories
de diagnostics
(selon Lederman et Dupuis )
A) Atteintes d’origine musculosquelettique
chez 64 % des patients
- Le syndrome de surusage : les deux tiers des patients
- Un diagnostic précis, tel que la tendinopathie,
le syndrome d’accrochage de l’épaule, la rupture de la coiffe des rotateurs, l’épicondylite ou la ténosynovite de Quervain : le tiers des patients
B) Atteintes de nerfs périphériques
(neuropathies) chez 20 % des patients*
- Le syndrome de défilé thoracique : 22 %
- La neuropathie du nerf ulnaire au coude : 21 %
- Le syndrome du tunnel carpien : 18 %
- La radiculopathie cervicale : 9 %
C) La dystonie de fonction (ou crampe
occupationnelle) chez 8 % des patients*
* affection neurologique sur laquelle
nous reviendrons plus tard dans la série
|
Alice Brandfonbrener, médecin spécialisée
pour les artistes de la scène totalisant plus de 30 ans d’expertise
clinique, rapporte que les musiciens présentant une symptomatologie
précise telle que la tendinopathie ou la ténosynovite représentent
l’exception plutôt que la règle. Elle formule l’hypothèse que
c’est ce qui explique la fréquence du diagnostic de syndrome de surusage
(overuse) qui représente les deux tiers des atteintes musculosquelettiques.
Une blessure des tissus soumis à un stress excédant leur limite biologique
est à l’origine des signes et symptômes du syndrome de surusage.
Fry propose cinq stades cliniques (voir Tableau II).
Tableau II : Stades
d’atteinte fonctionnelle des blessures
(selon Fry)
Stade 1. Douleur localisée en
un seul endroit (monofocalisée) : cesse après l’activité musicale.
Stade 2.
Douleur localisée à plus d’un endroit (multifocalisée), signes
physiques minimes, diminution de la coordination possible : cesse après
l’activité musicale.
Stade 3. Douleur persistant après
l’activité musicale et commençant à se manifester dans les activités
de la vie quotidienne, diminution de la coordination et de la force,
difficulté à maintenir la charge de travail.
Stade 4. Douleur présente au
repos et nuisant à toutes les activités de la vie quotidienne, réduction
de la charge de travail.
Stade 5. Douleur qui entraîne
une perte fonctionnelle de l’usage de la main.
|
Comment reconnaître le syndrome de
surusage ?
Le diagnostic clinique de surusage repose sur la présence
de douleurs à un ou plusieurs endroits, mais localisées au muscle
ou à la jonction musculotendineuse plutôt qu’aux articulations ou
aux tendons eux-mêmes. Les symptômes associés incluent la raideur
et la fatigue. La douleur peut être provoquée par l’étirement ou
par le recrutement contre résistance de la jonction musculotendineuse,
donnant souvent une impression de faiblesse. De plus, l’examen clinique
neurologique est normal, c’est-à-dire sans atteinte sensitive ni
anormalité des réflexes. L’examen électromyographique (EMG) est
généralement sans particularité. En général, le diagnostic de surusage
ne sera pas utilisé si un diagnostic plus spécifique peut être posé.
M. Dupuis avance ainsi que « seulement le tiers des atteintes musculosquelettiques
présentent un diagnostic spécifique tel que la tendinopathie, le syndrome
d’accrochage de l’épaule ou la rupture de la coiffe des rotateurs,
l’épicondylite et la ténosynovite de Quervain ».
La tendinopathie ou la tendinose
La tendinite est définie comme une réponse inflammatoire aiguë
accompagnée des signes (chaleur, œdème et douleur). Le traitement
consiste à réduire le phénomène inflammatoire par des anti-inflammatoires
non stéroïdiens et des corticostéroïdes. Plus récemment, des examens
histopathologiques des tissus atteints ont plutôt révélé une dégénérescence
du tissu conjonctif sans phénomène inflammatoire, d’où l’appellation
de tendinopathie ou tendinose. « La tendinopathie, qui n’est pas
spécifique au musicien, est une rupture dans l’arrangement des fibres
de collagène causée par le vieillissement, les microtraumatismes répétés
ou une déficience d’apport vasculaire », avance quant à lui le
Dr Ashe. L’échographie et la résonance magnétique peuvent confirmer
la dégénérescence du collagène.
Isabelle Duchesne, B.Sc., Pht, FCAMT
est physiothérapeute chez Kinatex Sports Physio Rosemont et Centre-Ville
et traite depuis plusieurs années des musiciens professionnels. Elle
est diplômée de l’Académie Canadienne de Thérapie Manuelle.
Prochain article :
quelle est la prise en charge thérapeutique de la tendinopathie
chez le musicien ?
Lederman R. Neuromuscular and musculoskeletal
problems in instrumental musicians. Muscle Nerve 2003;27: 549-561.
Dupuis M. Les pathologies de l’appareil
locomoteur chez le musicien. Union médicale du Canada. 1993; nov-déc.
Fry H.J.H. Incidence of Overuse Syndrome
in the Symphony Orchestra. Med Prob Perf Art 1986; 2:51-55.
Brandfonbrener A. Musculoskeletal problems
of instrumental musicians. Hand Clin 2003; 19: 231-239.
Ashe M, McCauley T, Khan K. Tendinopathies
in the Upper Extremity: a Paradigm Shift. J Hand Ther 2004 ;17:329-334.
|
|