Jimmy Brière : servir la musique Par Lucie Renaud
/ 13 juin 2011
English Version...
Version Flash ici
Premier prix du Concours international
de Hong Kong en 1997, lauréat du Concours international de Porto en
1996 et du Concours national des jeunes interprètes de Radio-Canada
en 2001, Jimmy Brière se produit aussi bien au Québec qu’à l’étranger,
que ce soit au Festival de Tolède ou en Bulgarie, avec l’Orchestre
Classica de Porto ou l’Orchestre symphonique de Montréal. Soliste,
récitaliste, chambriste, pédagogue, il ne tient pas à choisir, conscient
que la pluralité du répertoire reste une force, que la spécialisation
pourrait générer un sentiment de surplace. Nulle surprise donc quand
on épluche son curriculum vitae de découvrir que ce natif d’Ascot
Corner en Estrie a multiplié les points de vue, aussi bien à Montréal
qu’à Bloomington (Indiana) et Toronto, avec Marc Durand, mentor devenu
ami, Leon Fleisher, Menahem Pressler et André Laplante.
Conscient que le marché des interprètes
classiques atteint un point de saturation, il refuse pourtant de baisser
les bras et de céder à un certain fatalisme ambiant. « Quand on fait
de la musique, c’est qu’elle est devenue une condition sine qua
non de notre vie, explique-t-il en entrevue. Nous vivons dans une
période où nous sommes témoins de nombreux changements dans la façon
dont la musique est consommée, mais nous ne pouvons pas débarquer
du bateau. La musique classique ne mourra jamais. Assisterons-nous encore
à des concerts dans 50 ans ? Je ne le sais pas. Que le genre devienne
marginal ? Je n’y crois pas. »
Cette conviction, cette fièvre, il la
transmet depuis 2004 à ses étudiants de l’Université de Montréal.
Il souhaite surtout qu’ils acquièrent une certaine rigueur, notamment
quant à la pulsation, et qu’ils apprennent à développer des outils
qui leur permettront de mieux décrypter les subtilités d’une partition.
S’il s’est lui-même mis au piano à 7 ans, comme tant d’autres,
il a choisi consciemment à 17 ans d’embrasser la profession : «
Je sentais que, d’une façon ou d’une autre, je pourrais tirer mon
épingle du jeu, y évoluer. » Il reste persuadé que des études musicales
ne sauraient jamais se révéler « perdues », même si l’interprète
en formation décide un jour de changer de branche. « Jouer du piano
avec passion est l’une des choses les plus difficiles que l’on puisse
réaliser, il n’y a rien d’ordinaire là-dedans. La pratique d’un
instrument peut être quelque chose de très exigeant, mais qui permet
d’évoluer à plusieurs égards. »
Liszt demeure l’un des compositeurs
qui l’interpellent, mais il ne trône pas seul dans son panthéon
personnel : « C’est important d’interpréter un style musical qui
aille bien avec son physique, la façon dont l’interprète ressent
les choses. J’ai une estime sans bornes pour Brahms et Beethoven,
je considère Mozart comme un être supérieur et Bach est un dieu.
Il représente la fusion parfaite entre le contrôle de l’écriture
et la densité émotionnelle du contenu. Même si je ne le joue pas
souvent en concert, je fréquente Bach pour moi : la Passion selon
saint Mathieu, les concertos… Il y a une telle variété dans
le Clavier bien tempéré que ce serait suffisant pour résumer
l’art musical occidental. »
Quand cela s’avère possible, il aime
orienter ses programmes de façon thématique, mais recherche avant
toute chose un équilibre entre les pages connues et les découvertes.
Ainsi, à l’automne, il greffait aux Funérailles et à
Bénédiction de Dieu dans la solitude
de Liszt des Préludes de Nino Rota et la Première Sonate
d’Erich Korngold. Ces deux dernières œuvres font partie d’un premier
enregistrement solo, paru en septembre, qui comprend également la redoutable
Etude Fantasy de John Corigliano.
Si une tournée québécoise centrée
autour de ce programme est prévue en 2012, on pourra entendre le pianiste
d’ici là au Festival de musique de chambre d’Ottawa et au Rendez-vous
musical de Laterrière dans Khatchatourian et Bartók, ainsi qu’au
Palais Montcalm de Québec avec l’Orchestre de la francophonie. Il
y interprètera alors le mythique Troisième Concerto de Rachmaninov,
« défi pianistique et musical énorme », souvent dénaturé par les
concurrents des concours internationaux, dont il espère « faire ressortir
la grandeur et la profondeur ».
Au fil d’une carrière prolifique,
Jean Françaix abordera avec autant de facilité concertos pour multiples
instruments, ballets, opéras que musique de chambre. Mouvements courts,
pétillants, écriture brillante, délicatesse dans le phrasé et invention
mélodique : autant d’outils avec lesquels il s’exprime et se renouvelle,
tout en maintenant une personnalité musicale remarquablement forte.
« Depuis ma prime jeunesse, je suis atteint du virus de la composition,
disait-il. Faire quelque chose en partant de la feuille blanche, quelle
ivresse ! Pouvoir sortir de sa prison personnelle, quel privilège !
» Les œuvres présentées sur le CD Découverte permettent d’apprécier
l’unité stylistique d’une production en apparence disparate. «
On a dit de mes œuvres qu’elles étaient faciles. Ceux qui le prétendent
ne les ont sûrement pas jouées eux-mêmes : à moins qu’ils ne soient
Arthur Rubinstein, ils ne se rendront pas à la fin de la troisième
mesure. »
Jimmy Brière est rejoint par deux complices
du Trio di colore, le clarinettiste Guy Yehuda et l’altiste Yuval
Gotlibovich, avec lesquels il ressent une « chimie musicale très forte
» et a remporté en 2004 la médaille d’or du Concours de musique
de chambre Fischoff. Il admet vouer une affection profonde à ce répertoire
intime : « C’est un plaisir et une douceur d’avoir autour de soi
des instruments qui soutiennent les sons, qui nous donnent l’impression
d’être comme eux. Cette expérience musicale est irremplaçable et
le répertoire génial. » English Version... |
|