La musique, formidable outil social Par Caroline Rodgers
/ 2 mai 2011
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La musique crée des liens. Avec soi-même,
avec nos pairs et avec la société. C’est le principe de base guidant
Julien Peyrin, musicothérapeute de l’organisme Dans la rue, qui utilise
la musique pour travailler avec une clientèle de jeunes adultes en
situation de précarité. Alors que l’OSM rend hommage en mai au fondateur
de cet organisme, le père Emmett Johns, alias Pops, un partenariat
original entre l’orchestre et Dans la rue s’est déroulé au cours
des derniers mois.
Pendant trois mois, des jeunes intéressés
ont reçu un lecteur MP3 contenant 62 incontournables de la musique
classique, de Pachelbel à Philip Glass, en plus de quelques classiques
de la musique de film, de John Williams par exemple. Ils étaient invités
à créer des œuvres picturales ou à écrire des textes en s’inspirant
des œuvres de leur choix. Le résultat de leur travail sera exposé
à la Place des Arts pendant les deux jours où seront présentés les
concerts en hommage à Pops.
« L’idée, c’était de leur fournir
un éventail de pièces pour qu’ils découvrent les différentes époques
et facettes du répertoire classique et symphonique, dit Julien Peyrin.
Il y a des œuvres qu’ils aiment et d’autres qu’ils aiment moins.
Avec cet outil, ces jeunes qui n’ont pas eu beaucoup de contacts avec
la musique classique dans leur vie sont au moins en mesure de dire ce
qu’ils préfèrent. »
Avant cela, d’autres activités ont
permis aux jeunes d’effectuer un cheminement personnel grâce à la
musique. On retrouve, dans les locaux de l’organisme, une salle de
musique avec un piano, un orgue, une batterie et quelques guitares,
pour ceux qui veulent en jouer. En mars dernier, on a même inauguré
un mini studio où ceux qui le souhaitent peuvent enregistrer une pièce
et la graver sur CD. Julien Peyrin espère pouvoir créer une compilation
de ces œuvres quand suffisamment de matériel aura été produit.
« L’objectif, avec nos différentes
activités musicales, est d’accompagner les jeunes dans une dynamique
de changement, où ils essaient de nouvelles choses et peuvent en arriver
à se dire : je suis capable, dit-il. C’est un processus de restauration
de l’estime de soi et d’autonomisation. »
Il offre également des séances de tam-tam
et un soutien pédagogique individuel à ceux qui apprennent un
instrument par eux-mêmes. Une fois par mois, il invite un artiste de
beat box à donner des ateliers de groupe.
Dans toutes ces activités, aucune pression,
toutefois. « Il est clair que nous ne sommes pas dans une logique de
performance et de prestation, dit Julien Peyrin. On est dans la communication.
La musique est un outil pour s’exprimer et pour élaborer sur ce qu’on
a vécu. Ces jeunes ont eu une vie difficile, et on n’ira jamais leur
dire, en plus : toi tu es bon, toi tu es moins bon. »
Au total, une quarantaine de jeunes ont
participé à un moment ou à un autre à une activité.
Le volet classique
Au cours de l’automne, un partenariat
a été créé entre l’OSM et Dans la rue. Dans un premier temps,
des jeunes ont assisté à trois concerts dans le cadre des matinées
jeunesse. Puis, en décembre, Kent Nagano est venu avec cinq musiciens
donner un concert à la cafétéria, un événement dont le succès
a complètement surpassé les attentes.
« C’était un moment inoubliable,
dit Julien Peyrin. Dès le début, Kent Nagano a expliqué à l’assistance
que Mozart, quand il écrivait sa musique, l’avait fait pour le peuple
et non pour une élite. Tout de suite, il a fait tomber les barrières
imaginaires et préconçues entre la musique dite élitiste et ces jeunes
en situation de précarité. En disant cela, il avait déjà gagné
avant même qu’on entende une seule note. »
Le concert s’est conclu sur un échange
hallucinant où les jeunes ont joué du tam-tam avec les musiciens de
l’OSM, tandis qu’un danseur de rap exécutait un numéro improvisé
à côté de Kent Nagano et que plusieurs représentants des médias,
émus, pleuraient.
Par la suite, deux des musiciens de l’OSM
qui avaient énormément apprécié cette rencontre ont proposé de
revenir pour une deuxième, sous forme d’atelier de discussion. André
Moisan et Pierre Beaudry sont revenus avec leur instrument pour un échange
passionnant de deux heures avec les jeunes. Ils ont répondu aux questions
et parlé des instruments, du déroulement des concerts, de leur vie
professionnelle, et raconté des anecdotes de tournées.
« Les musiciens ont contribué à démystifier
complètement l’image que les jeunes pouvaient avoir de la musique,
et ceux qui étaient présents ont aussi permis aux musiciens d’aller
au-delà des idées reçues sur leur réalité », constate le musicothérapeute.
« Je savais, au départ, qu’il y aurait
de l’intérêt, mais pas à ce point-là, ajoute-t-il. Ils écoutent
habituellement des musiques très intenses, du métal, du punk, du rap.
Mais on se rend compte que le lien entre ces musiciens et les jeunes,
au fond, c’est le fait qu’ils soient tous des passionnés de musique,
au-delà des différents styles. »
Lui-même avoue avoir eu, avant ce projet,
des idées préconçues. « J’avais ce préjugé au départ que
la musique classique et les jeunes de chez Pops formaient deux continents
très éloignés, dit-il. Tous les événements qui ont suivi ont clairement
démontré le contraire. »
Concert hommage au père « Pops »
Emmett Johns, 2 et 3 mai www.osm.ca
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