Accueil     Sommaire     Article     La Scena Musicale     Recherche   

La Scena Musicale - Vol. 16, No. 8

Festivals Jazz

2 mai 2011


Version Flash ici

Copenhague : De quoi perdre le nord
parMarc Chénard

Si l’on dressait une liste des festivals par ordre de grosseur, la métropole danoise (København pour les locaux) devancerait même notre vénérable FIJM. En effet, le site Internet du Festival de jazz de Copenhague dit présenter pas moins de 1000 (!) spectacles sur 100 scènes en 10 jours (cette année, du 1er au 10 juillet).

La 33e édition de cet événement se tient dans une des capitales historiques du jazz. Qu’on pense à son glorieux passé et aux grands noms de la note bleue qui ont élu domicile dans cette ville des plus conviviales : Ben Webster, Kenny Drew et, le plus célèbre de tous, Dexter Gordon. Que dire aussi de sa célèbre boîte, le Montmartre, qui, de 1959 à 1983, était le creuset d’une activité fébrile. Tel le phénix renaissant de ses cendres, ce haut lieu du mainstream d’antan est de nouveau en affaires, présentant entre autres gros noms durant le festival le saxo alto héritier de Charlie Parker, Charles McPherson, le pianiste Jean-Michel Pilc (avec d’autres accompagnateurs que ceux de Montréal) et le batteur Adam Nussbaum.

Parlant vedettes, le festival, qui jouit de moyens financiers considérables (comme ailleurs dans ces contrées nordiques), annonce aussi le passage de monstres sacrés comme Keith Jarrett et Sonny Rollins, voire des chefs de file du jazz électrifié tels Mike Stern et David Sanborn. Compte tenu de son ampleur, le festival accorde une grande place à la scène locale et nationale, laquelle ne manque pas de talents.

D’un point de vue logistique, il se distingue des autres grosses manifestations musicales sur un point important : sa programmation est dressée par différentes salles de spectacles et des promoteurs, le festival rassemblant alors le tout sous sa bannière. Ce mode décentralisé permet donc un éventail d’initiatives, dont une foule de concerts en plein air dans son centre-ville (incluant le célèbre parc Tivoli, à deux pas de la gare centrale) et une journée consacrée à l’animation auprès des jeunes.

Si le festival impressionne par son envergure et son vaste choix de musiques (incluant d’autres genres, du pop aux musiques du monde), la ville saura également séduire les visiteurs. Sa taille très humaine et les zones piétonnières qui la morcèlent sont idéales pour les promenades entre les scènes (la plus fréquentée étant le Strøget); les claustrophobes sauront aussi apprécier cet environnement urbain, puisqu’une loi municipale stipule qu’aucun édifice au centre-ville ne doit dépasser cinq étages. Si la langue pose problème (attention, les mots se prononcent rarement comme ils s’écrivent), l’anglais est seconde nature pour ses habitants. Se déroulant durant la belle saison, sans oublier les heures supplémentaires de clarté (on y voit des lueurs après minuit), Copenhague est une destination touristique et musicale des plus sympathiques.

www.jazz.dk/en/copenhagen-jazz-festival

Jazz em Agosto : La perle de Lisbonne
par Stuart Broomer

Tout festival se forge une personnalité dans ses premières années, son caractère étant défini par son lieu, sa programmation et son public. L’un des plus distinctifs à ce titre est Jazz em Agosto, tenu en août dans la capitale portugaise, Lisbonne.

Soutenu par la Fondation Gulbenkian, l’une des plus richement dotées d’Europe, Jazz em Agosto se tient en plein air par temps des plus cléments. Étalés sur les des deux premiers week-ends du mois, les concerts se déroulent en soirée sur une estrade montée dans le parc abritant le musée de la fondation, le tout dans un décor féérique à mi-chemin entre une forêt et un jardin. En 2009, le trompettiste Dave Douglas remercia le public de lui avoir permis de jouer dans un si bel endroit. Outre les sons musicaux, on y entend des cris de canards émanant d’un étang adjacent à la scène, des souffles d’air de l’océan agitant les branches d’arbres.

Le festival démarra modestement en 1984 avec une série de concerts donnés les mercredis soirs, sa programmation constituée d’artistes locaux dont une tête d’affiche, la chanteuse Maria Joaõ. Dès l’année suivante, les organisateurs se montrèrent plus ambitieux en engageant non seulement des grosses pointures, mais aussi en privilégiant des musiques plus aventureuses. Des artistes de la trempe de Sun Ra et son Arkestra, le Dave Holland Quintet et l’Art Ensemble of Chicago étaient au rendez-vous lors d’éditions subséquentes. Suivant quelques changements de dates, le festival a trouvé sa fenêtre idéale en pleine période estivale.

Bien que l’audace sous-tend sa programmation, Jazz em Agosto propose également des thématiques, entre autres, le jazz de certains pays (le Canada en 2004, les États-Unis en 2006), des hommages aux grands (John Coltrane en 2006), des instruments (la trompette en 2009), même les instruments graves (en 2007), avec un quatuor de tubas et l’ensemble d’Ornette Coleman à trois bassistes. Ces choix éclairés sont ceux du directeur artistique, Ruy Neves, un homme de vision qui sait répondre aux exigences d’un public ferré et enthousiaste.

D’année en année, le festival se sert de ses bonnes ressources pour inviter des ensembles qui jouent rarement à l’étranger en raison de leurs effectifs, par exemple le Now Orchestra de Vancouver avec George Lewis, l’OrchestROVA de San Francisco jouant Ascension de Coltrane, l’Otome Yoshihide New Jazz Ensemble du Japon, puis l’Exploding Star Jazz Orchestra américain avec le regretté Bill Dixon. En 2010, Evan Parker se présentait avec 19 musiciens sous sa gouverne alors que le Norvégien Frøde Gjerstad rassemblait 12 improvisateurs de tous les continents dans son Circulasione Totale Orchestra. Cette année, les grands de l’avant-garde (Peter Brötzmann, Cecil Taylor et Wadada Leo Smith) seront de la partie, tout comme le batteur John Hollenbeck et son grand ensemble. Signalons enfin que le festival prévoit des concerts entre les deux week-ends (5 au 7 et 12 au 14), ceux-là tenus au Teatro do Bairro dans le centre-ville.

Pour son décor aussi invitant qu’envoûtant, Jazz em Agosto est une expérience musicale et touristique des plus inoubliables !

(Traduction : Marc Chénard)

www.musica.gulbenkian.pt/jazz

Stuart Broomer est chroniqueur pour le bulletin Point of Departure et collaborateur aux magazines Signal to Noise et MusicWorks.

Burlington : Ville pittoresque, festival enchanteur
par David Beckett

Autrefois, le jazz s’écoutait principalement dans les clubs ou dans les rencontres sociales, mais occasionnellement en concert. Tout a changé le jour où George Wein s’est mis à présenter la musique en plein air à Newport au Rhode Island. De nos jours, la majorité des gens ont l’habitude d’entendre du jazz dans des festivals subventionnés et gérés par des promoteurs aguerris.

Le Burlington Discover Jazz Festival (BDJF) au Vermont fait exception à cette règle, car il n’est pas la création d’un promoteur, mais celle d’amateurs et de musiciens désireux de présenter, en plus d’une brochette de talents locaux, des artistes de renommée internationale. Bénéficiant des appuis d’une communauté enthousiaste et d’une solide base de commandites, le festival est devenu au fil des ans l’un des événements jazzistiques les mieux ancrés dans le paysage festivalier américain.

Depuis son concert inaugural avec Sarah Vaughan en 1984, Discover Jazz a essayé toutes sortes de formules, dosant les concerts gratuits et payants en proportions variables, et assaisonnant le tout d’une mission éducative. Mais une constante demeure inchangée depuis les 27 dernières années : le jazz en tant que raison d’être.

Ville qui se classe d’année en année parmi les plus agréables aux États-Unis, Burlington offre un décor presque idéal pour un festival : outre sa zone piétonnière au centre-ville, on trouve non loin un parc en bordure du lac Champlain, puis des cafés et restaurants de tous genres dans les environs. Lors de la première édition, les organisateurs ont si bien réussi à rallier leurs concitoyens à la cause que la prison locale et l’hôtel de ville ont été mis dans le coup, tout comme les autobus, les pubs, même une ou deux églises. Face à cette pléthore de rythmes syncopés, un bar servit une pointe d’humour en inscrivant sur sa marquise : « Pas de jazz pour la semaine. »

Ayant trouvé sa vitesse de croisière depuis, le BDJF s’étale sur dix jours et le public a de quoi choisir parmi le large éventail de spectacles gratuits et payants : outre les fêtes sur la place du marché de la rue Church, on offre des croisières très populaires de musiques de la Nouvelle-Orléans sur le lac, deux grands concerts extérieurs payants d’artistes de blues et de musiques du monde au Waterfront Park ainsi qu’une douzaine de concerts dans la grande salle Art déco de 1400 places du Flynn Center. Enfin, aménagé au sous-sol, le Flynn Space de 180 places consitue un cadre idéal pour créer une ambiance de club.

Le 4 juin, Herbie Hancock et son Many Worlds Project inaugurera la 28e édition du festival. De plus, Béla Fleck et ses Original Flekctones seront au rendez-vous le 12 juin, précédés de deux jours par la rencontre entre Terrence Blanchard et Poncho Sanchez, réunis pour recréer la légendaire collaboration entre Dizzy Gillespie et Chano Pozo. Signalons la présence du trio J. D. Allen, de Myra Melford, du duo Jay Clayton et Sheila Jordan ainsi qu’un programme double mettant en vedette Roy Hargrove et la chanteuse Roberta Gambarini.

Pour un programme de qualité présenté dans un paysage de carte postale, le Burlington Discover Jazz Festival vaut le détour !

(Traduction : Marc Chénard)

www.discoverjazz.com www:flynnspace.com

Scènes canadiennes : Des David parmi les Goliath
par Marc Chénard

Il y a autant de raisons de se rendre dans des festivals de jazz que d’événements consacrés à la note bleue. Les amateurs, évidemment, n’en voient qu’une seule : la musique. Mais pour les autres, les néophytes si l’on veut, ce sont des fêtes populaires, des occasions sociales, voire des destinations vacances. À cette fin, on retrouve plus qu’une poignée de manifestations culturelles (pas seulement jazzistiques) établies hors des sentiers battus, des événements caractérisés par leurs dimensions modestes et des visées artistiques moins ambitieuses.

Bien sûr, les Goliath que sont Montréal, Vancouver, Toronto, Ottawa ou encore Halifax disposent de bons moyens pour s’offrir des grosses pointures, mais les David existent aussi, ces derniers essentiellement implantés dans des régions plus éloignées du pays.

Dans l’Est, à Terre-Neuve, la capitale Saint-Johns est depuis près de 30 ans le théâtre du Sound Symposium, un festival bisannuel de musiques expérimentales, toutes catégories confondues. En 2002, un festival de jazz s’est ajouté dans le paysage culturel, le Wreckhouse Jazz Festival; il célébrera ses dix ans en 2011 avec cinq jours de spectacles du 13 au 16 juillet.

À quelques heures de traversier, dans l’Île-du-Prince-Édouard, le PEI Jazz and Blues Festival vient d’annoncer la tenue de sa septième édition annuelle, du 15 au 21 août. La programmation est axée principalement sur les musiciens des Maritimes, avec une part égale de concerts blues et jazz dans la capitale Charlottetown, l’une des villes les plus agréables et attrayantes en période estivale.

Au centre du pays, la charmante région des Mille-Îles en Ontario est le théâtre depuis 11 ans du Thousand Islands Jazz Festival. Dans la semaine précédant le blitz festivalier annuel national (du 10 au 18 juin), Brockville accueille en bonne partie des musiciens de la scène torontoise, tant du jazz que de certaines de ses variantes plus populaires.

Dans les provinces de l’Ouest, enfin, le réseau des festivals est particulièrement bien rodé, Vancouver et Edmonton en tête du peloton, Victoria et Medicine Hat étant non loin derrière, jouant un peu le rôle de satellites des premiers. Plus petits sont ceux de Saskatoon et de Kaslo, le premier dans les vastes étendues des Prairies, le second perché en pleines montagnes Rocheuses à la fin juillet (29 au 31).

De toute évidence, le jazz dépend des festivals pour assurer sa visibilité. Autant il y une foule de raisons pour assister à un festival, autant il y a un grand choix de lieux où on peut le savourer, peu importe sa préparation.

Pour de plus amples informations sur la plupart de festivals mentionnés dans cet article, prière de consulter le site de Jazz Festivals Canada, l’association canadienne responsable de la coordination et de la promotion nationale de ces événements au pays.

www.jazzfestivalscanada.ca


(c) La Scena Musicale 2002